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Affaire Norbert Zongo : Le PDS relève les non-sens du non- lieu

Publié le lundi 7 août 2006 à 07h59min

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Ils sont nombreux à s’exprimer sur l’affaire Norbert Zongo à la faveur du non lieu prononcé à l’endroit de l’adjudant Marcel Kafando. Individus, structures organisées, partis politiques y sont donc allés de leur réprobation de l’ordonnance du juge d’instruction. Aujourd’hui, le Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS) mêle sa voix à ce concert de protestation dans la déclaration suivante.

La presse burkinabè l’avait laissé entrevoir depuis les propos du Procureur général en mai dernier. Après avoir ainsi préparé les esprits, les autorités judiciaires burkinabè ont annoncé le 19 juillet dernier que le juge d’instruction Wenceslas Ilboudo, en charge du dossier depuis mai 1999, avait pris une ordonnance de non-¬lieu en faveur de l’adjudant Marcel Kafando dans l’affaire de l’assassinat crapuleux à Sapouy du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons de route survenu le 13 décembre 1998, il y’a maintenant huit (8) ans !

Marcel Kafando avait été le seul suspect accusé formellement en 2001 par le juge d’instruction pour cet assassinat. Epaulé par le Procureur du Faso, Adama Sagnon, le Procureur général Abdoulaye Barry pouvait déclarer « triomphalement » que le dossier retournait ainsi à son point de départ, ne pouvant étre réouvert que si un fait nouveau survenait ! Ainsi, huit ans après ce crime politique inacceptable, la justice burkinabè paraît satisfaite de se montrer bredouille !

Indifférence feinte de l’exécutif

Malgré l’indignation générale et les frustrations que cette décision de justice a provoquées dans l’opinion nationale et internationale, les autorités politiques du

pays, manifestement bénéficiaires de ce « lâche soulagement », n’ont pas hésité à s’empresser de féliciter la Justice pour ce « travail bien accompli car cette affaire n’avait que trop duré » !

Une attitude contraire de l’exécutif nous aurait surpris. Ses prises de position dès le lendemain du crime et jusqu’à présent dénotait sa volonté de nier le caractère politique du crime, et de ne pas faire la lumière sur cette affaire. Son indifférence feinte quant au blocage du dossier et ses déclarations hypocrites sur l’indépendance de la Justice soulignaient bien au contraire l’attention vigilante qu’il mettait à ne pas favoriser le moindre avancement du travail de la justice dans cette affaire.

En rappel, la Commission d’enquête indépendante mise sur pied au lendemain de ce crime odieux, sous la pression du peuple et du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques, avait dans ses conclusions montré que :

1 - Norbert Zongo et ses compagnons ont été assassinés par un groupe de personnes ;

2 - Ces assassinats ont un lien avec les investigations menées par le journaliste Norbert Zongo sur l’assassinat, dans les locaux du Régiment de sécurité présidentielle, par des éléments de la garde présidentielle, de David Ouédraogo, chauffeur de François Compaoré, frère cadet du président Blaise Compaoré.

Seconde mort de Norbert Zongo

Aujourd’hui, huit (8) ans après le drame, est-ce l’illusion entretenue au lendemain des élections présidentielle et municipales sur la « santé » du processus démocratique ou sur la « fiabilité » des institutions républicaines qui a poussé le pouvoir à penser qu’il pouvait « passer en force » le deni de justice, tuant une deuxième fois Norbert Zongo ?

De ce fait, aucun juge burkinabè ne veut prendre le risque d’accuser et de juger un personnage aussi proche des centres du pouvoir que pouvait l’être l’adjudant Marcel Kafando, chef de la garde présidentielle à l’époque des faits. Après la mort de plusieurs autres "suspects sérieux" révélés par la Commission d’enquête internationale, suspects eux aussi membres de la garde présidentielle, le juge Ilboudo avait fait, en 2001, de Marcel Kafando le seul inculpé.

Mais prétextant, l’état de santé du prévenu, dont on disait qu’il était grabataire et à l’article de la mort, le juge a patiemment attendu pendant cinq (5) longues années son rétablissement qu’on dit aujourd’hui complet. Maintenant que le jugement peut avoir lieu, voilà que, subitement, un témoin-clé, militaire lui aussi, dont le témoignage n’a pas varié d’un iota depuis 1999, se convainc sept (7) ans après, qu’il ne peut être sûr d’avoir rencontré Marcel Kafando le 14 décembre plutôt que le 13 décembre, jour du crime. Il faut dire que dans l’intervalle, le témoin a été rayé sans motifs des effectifs de l’armée et licencié ensuite sans raisons valables de l’emploi qu’il avait réussi à obtenir dans le civil. Qui pourrait résister au message constant d’un tel acharnement ? Le juge Ilboudo s’est aussitôt saisi de ce doute personnel verbalement exprimé par le témoin pour clore le dossier sans suite !

Manifestement, aucun juge ne veut avoir à traiter de ce dossier, et tout juge nommé pour cette affaire comprend qu’il est de son intérêt personnel de s’en débarrasser sans trouver de coupable ! Cette situation qui déshonore la justice burkinabè convient tout à fait au pouvoir de Blaise Compaoré. Mais elle constitue en fait une menace pour les libertés et la démocratie au Burkina Faso, car elle signifie qu’il ne peut pas y avoir de justice au Faso dès lors qu’une affaire comporte un enjeu politique. C’est donc une menace pour tous les démocrates et tous les défenseurs des droits humains et des libertés qui sont les victimes désignées des prochains agissements criminels des partisans de l’impunité.

L’impunité continue sa course

Dans ces conditions, la fameuse « Journée nationale du pardon" n’est qu’une trouvaille pour masquer la politique d’impunité. C’est pourquoi elle reste mort-née, même si ses géniteurs du régime veulent lui donner quelque consistance par une propagande qui ne trompe plus personne. L’impunité continue à courir de plus belle, jusqu’à innocenter grossièrement des "suspects sérieux", dont le témoignage à un vrai procès aurait pu faire la lumière sur les circonstances du crime politique contre Norbert Zongo, et en révéler les commanditaires.

Ces derniers temps, des sondages encenseurs, itératifs, mais d’une crédibilité douteuse, sont organisés par des gens trop pressés d’apparaître eux-mêmes comme les guides incontestés de la démocratie au Burkina. Ils cherchent à faire croire que le régime et ses dirigeants sont très populaires, et il n’est pas impossible que ceux-¬ci, naïvement, les prennent au pied de la lettre. C’est probablement pour cela que le régime croit qu’il peut tout se permettre sans réaction significative de qui que ce soit.

La démocratie en danger

La démocratie au Burkina est donc réellement en danger, car ce non-lieu en faveur de Marcel Kafando annonce la volonté du pouvoir de revenir sur tous les acquis démocratiques garantissant un minimum de libertés et de justice au peuple. Il s’ensuit que tous les acquis et les réformes politiques obtenus par le peuple et les organisations démocratiques à la faveur du large vent de contestation qui s’est levé partout au Burkina Faso après l’assassinat de Norbert Zongo pourraient bien être remis en cause par un régime "sûr de lui et dominateur ".

L’impunité, la corruption, l’instrumentalisation de la justice, de l’Administration, de la police et de la gendarmerie par le parti majoritaire constituent les marques de fabrique du régime de la IVe république, et une menace permanente pour la démocratie burkinabè.

Le P. D. S. appelle de ce fait tous les patriotes, les démocrates et tous les défenseurs des droits humains à la mobilisation et à la vigilance, afin que justice soit rendue à la famille de Norbert Zongo et au peuple burkinabè.

Ouagadougou, le 2 août 2006

pour le Bureau exécutif national,
Le Président
Sambo Youssouf Ba

Le Pays

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