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Non-lieu de Marcel Kafando : Le Burkina n’est pas un cas unique

Publié le samedi 5 août 2006 à 08h21min

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Après le réquisitoire de non-lieu du procureur du Faso à la mi-juillet suivi de l’ordonnance du juge d’instruction, le dénouement de l’inculpation de Marcel Kafando engendre la formation de camps retranchés.

Le pouvoir d’Etat à travers l’institution judiciaire est l’objet de propos haineux, campagne de dénigrement datant dès l’avènement de l’Etat de droit. Il n’y a donc rien de nouveau sous le ciel de la démocratie burkinabè, celle-ci se conjugue avec invectives et agressions verbales.

L’intellectuel burkinabè a certainement trop compris la démocratie et ce n’est pas un doux euphémisme que de le dire.

Il en use et en abuse avec candeur dans une sorte de confusion de genres, notamment celle de penser que sa liberté de parole égale traîner à longueur de temps les institutions de la république et leurs animateurs dans la boue.

Certains, et c’est de bonne guerre diront que sans "le pouvoir de blâmer, points d’éloges" flattant l’ego. Mais ce constat-là transforme le débat public en champ de bataille, où le meilleur ne saurait se distinguer si ses prises de position publique ne vilipendaient pas sans nuance le pouvoir et ses apparentés.

A faire dans l’injure vulgaire, cette compétition effrénée de la "mal cause" on ne peut que perdre son crédit, le citoyen observateur ne pouvant y percevoir là, qu’une lutte pour la conquête du pouvoir d’Etat.

Certes, la mort de notre confrère est de celle qui révolte la conscience humaine, mais le métier est celui qui de par le monde est ainsi fait. Il a son lot de martyrs et sans aucun doute, devions-nous, nous mobiliser pour la défense de la profession et rester perchés sur les remparts.

Le hic dans la situation actuellement vécue, c’est que la passion et la volonté de remettre en cause la justice, son mode de fonctionnement, de vouloir travailler à sa place, de lui dicter sa conduite n’aboutit qu’à éloigner le dossier de son dénouement. Sans la sérénité et la quiétude, il ne saurait y voir de justice, parce qu’il suffit de se mettre à la place du juge, pour savoir que ce métier est aussi difficile, sinon plus que celui de journaliste.

Le monde en pullule

Des cas de dossiers de justice non résolus, il en existe à la pelle de par le monde. D’autres qui ont mis vingt ans et plus avant d’être réglés, on en dénombre également pas mal. C’est tout dire !

Le Burkina ne constitue donc pas un cas isolé, une sorte d’îlot d’extra-terrestre où à tort, on choisit d’ignorer le traitement d’une affaire judiciaire. De par même son déroulement depuis décembre 1998, le dossier Norbert Zongo a pris du plomb dans l’aile.

Dès l’annonce de son décès, tous ceux qui en ont fait une aubaine inespérée pour la conquête des rênes de l’Etat ont sciemment opté de désigner le pouvoir comme le seul responsable.

Dans leur stratégie, il s’agissait de montrer en boucle un mécontentement populaire du style 3 janvier 1966. Car au début, il n’était pas question de laisser la justice faire son travail, d’où la création de la CEI et le printemps des enquêtes menées par une multitude d’associations et autres ONG des droits de l’Homme.

La pression alors exercée n’ayant pas déboulonné le régime, il fallait alors passer à l’étape suivante. La justice sera prise en otage, l’obliger d’une manière ou d’une autre à avaliser la piste du régiment de la sécurité présidentielle. Sinon, l’accuser d’incompétence.

Cette dernière fusée s’étant elle aussi crashée, les réactions qui fusent aujourd’hui du Collectif, du G-14 et autres ressuscités étaient prévisibles. Elles manquent d’objectivité par leur caractère trop généraliste et mécanique.

Au lieu d’analyser les faits selon les arguments qui justifient le non-lieu, elles s’en prennent à la IVe République qui doit disparaître. Il s’agit d’un vieux fantasme des opposants, qui par habitude ne vont jamais s’affranchir de ce péché originel de la tentation du coup d’Etat perpétuel.

Démocratie sur mesure

Le modèle démocratique du Burkina est encore en pleine croissance. On ne fera l’injure à aucun opposant de lui apprendre que le régime de démocratie se construit sur la durée et qu’il est à chaque phase évolutive perfectible.

La justice a fait son travail et s’est prononcée sur un aspect du dossier et des recours existent pour le relancer. D’où du reste l’appel interjeté par les avocats de la défense et ils avanceront leurs arguments de droit pour avoir gain de cause.

Les théories servies et selon lesquelles, le dossier a été entterré n’ont pour seul but que d’ameuter l’opinion publique, toute chose avérée avec les complaintes entendues sur le moment choisi.

Ces vacances scolaires qui n’ont pas arrangé cette opposition, dont le bras armé, du moins la population qu’elle peut utiliser à souhait n’est pas là pour qu’il franchisse le pas de parader en disant que le verdict de non-lieu a révolté le peuple.

Il n’existe donc pas de pays parfaits encore moins de démocratie parfaite. Toutes les nations dites civilisées ont leur histoire et l’histoire d’aucun pays n’est lisse à l’instar d’un écran d’ordinateur.

Présenter le Burkina comme une exception, le seul à devoir rougir de son histoire n’est qu’une escroquerie à la petite semaine.

Aucun Etat n’a liquidé tous les drames ou contentieux humains qui jalonnent son passé et inutile de citer des exemples. Il ne s’agit pas de laisser croire qu’il faut baisser les bras, mais c’est aussi dans ces moments-là que se cimente l’appartenance à une nation.

Si c’est la justice qui est appelée à faire le travail, la moindre des choses est de lui faire confiance. Si cette confiance n’existe pas, il ne reste plus que le règne possible de la jungle, ce qui n’arrange personne.

Il appartient en conséquence de cela, à la partie civile de continuer son action par les voies offertes par le droit. Et comme les enquêtes sur ce dossier sont tombées dans le domaine public, toute contribution nouvelle est attendue. Et comment peut-il en être autrement quand la justice a été jugée et condamnée pour incapacité.

Souleymane KONE


Du non-lieu : C’est le juge qui décide

Le juge a tranché par la prise de l’ordonnance de non-lieu suite à l’instruction du dossier, instruction n’ayant pas permis de réunir des preuves, encore moins de découvrir des auteurs. Juger alors cette affaire devenait une pure perte de temps et d’énergie.

Certes, il est loisible à chacun d’avoir son opinion, sa conviction et d’y voir en outre la main du pouvoir ou pas. Mais ceux qui pensent ou veulent valider cette unique et seule piste n’ont à brandir que les hypothèses émises par la Commission d’enquête indépendante. L’hypothèse n’étant qu’une simple supposition, ces jusqu’au-boutistes doivent se rendre à l’évidence qu’elle ne saurait conduire à un procès, au risque de se rendre ridicule.

L’absence de preuves matérielles ayant été reconnue pas la CEI elle-même, l’instruction menée par le juge n’a fait que corroborer cette vérité crue : les enquêteurs du dimanche n’ont abouti à rien dans leurs recherches.

Se fondant sur l’article 177 du code de procédure pénale stipulant que "si le juge d’instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre l’inculpé, il déclare par ordonnance, qu’il n’y a pas lieu à suivre".

C’est donc limpide comme de l’eau de roche, sauf pour ceux-là prenant leur désir pour une preuve avérée contre des "suspects" taillés sur mesure.

L’ordonnance de non-lieu rendue en conséquence constitue un acte de jugement à part entière parce que le juge d’instruction est une juridiction de première instance.

Il est même tenu de la rendre, sinon il doit obligatoirement prononcer le renvoi de l’affaire devant le tribunal correctionnel.

Il a bouclé au vu des éléments en sa possession et après sept ans d’instruction, le dossier comme le lui indique le droit et rien que le droit, qui, lui se démarque des

passions partisanes et des querelles de chapelle.

Souleymane KONE

L’Hebdo

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