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PAREN : Le devoir de solidarité

Publié le jeudi 11 mars 2004 à 00h00min

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La solidarité nationale a inspiré Jeanne Traoré du PAREN qui, à travers cette réflexion invite les Burkinabè à une solidarité plus profonde, plus vraie. Tout en déplorant les résultats enregistrés lors du mois de solidarité, Mme Traoré propose d’instituer un impôt de solidarité voire un actionnariat populaire pour financer l’industrialisation et le développement national.

L’adage populaire dit que celui qui sait demander son chemin ne le perd jamais. De même, le devoir de solidarité, d’assistance à personne en danger, d’humanisme tout court, est de renseigner celui qui s’égare afin qu’il retrouve le chemin. Or le pouvoir actuel s’égare. Si le sens de la communauté de destin de la nation que forment tous les Burkinabé ne réussit pas à incliner ceux qui conduisent aujourd’hui la destinée du pays à demander leur chemin, il est du devoir des autres de les empêcher de se perdre et de perdre tout le monde avec eux. De quoi s’agit-il ? Dans son discours du 27 septembre 2003, devant l’assemblée générale de l’ONU (Organisation des Nations unies), le chef de l’Etat, le président Blaise Compaoré déclare ceci, « les convulsions des temps présents, à travers la multiplication des foyers de crises, la radicalisation du terrorisme international et de la criminalité organisée, la pauvreté croissante, la prolifération des endémies achèvent de nous convaincre que la solidarité internationale doit rester active pour garantir à notre monde la solidarité et la sécurité tant souhaitée ». Trois mois après, s’adressant au corps diplomatique venu lui présenter ses vœux du nouvel an, le chef de l’Etat confie : « j’ai espoir que 2004 nous offrira de multiples occasions aux plans bilatéral et multilatéral de consolider notre détermination commune à œuvrer pour plus de solidarité. » Quant à son Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli, c’est également à l’occasion des vœux du nouvel an qu’il annonce aux travailleurs de son ministère : « Je sais que vous êtes fiers de servir l’Etat. Je vous exhorte à être également fiers de faire vivre chaque jour les principes élémentaires d’une société démocratique. Pour y parvenir, nous devons faire preuve de civisme en plaçant au-dessus de tout, l’intérêt général en cultivant la tolérance et le respect de l’autre et en rejetant tout ce qui peut mettre en péril la démocratie. En agissant de la sorte, nous contribuons individuellement et collectivement, à fortifier la république ». Voici les propos tenus ces derniers temps par les deux plus hautes autorités de l’Etat : l’une en appelle à la charité internationale, l’autre au civisme, au patriotisme, à l’esprit de sacrifice de ses compatriotes. C’est à ne rien comprendre !

1. A propos de charité

Le Burkina Faso, on le sait n’est pas une terre gâtée par le sort. Il serait utopique de vouloir vivre en autarcie, de refuser l’aide des autres nations. Les épreuves traversées ces cinq dernières années par le pays ont révélé combien nous étions démunis, comptant plus, sur la providence que sur la prévoyance. Pendant combien d’années, de siècles, des millions de Burkinabé devront-ils vivre grâce à l’assistanat ? Et si jamais les plus nantis se refusaient à la solidarité ? Disparaîtrions-nous ? Un pouvoir responsable, conscient de piloter la destinée d’un peuple a l’obligation de concevoir et de mettre en œuvre une véritable politique de développement national comme le propose le PAREN dans son projet de société. Il n’y a pas de mal ni de honte à s’inspirer des idées des autres pour le bien supérieur de la nation. Comment faut-il le dire : aucun pays ne peut se développer avec des prêts, dons, subventions, aides et autres ; pourtant, 43 ans de ce régime avec une place d’avant dernier devraient suffire à convaincre ! Cela devrait finir de nous convaincre aussi que les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Finissons aussi avec ces séances de « contributions » par-ci « souscription » par-là, pour des préoccupations secondaires, des divertissements pour riches. Il y a suffisamment de drames de la pauvreté qui méritent des années de contribution. Quelques exemples : l’enseignement secondaire qui manque de 1000 enseignants n’a pu recruter en 2002 que 250 pour raison de budget étriqué. Des instituteurs s’acquittent de leurs tâches pendant des mois, sans salaire, vivant comme des clochards, car le pays n’a rien dans les caisses, d’autres paient de leur poche la craie pour assurer les cours. Des postes de santé primaire ne disposent pas de la moindre petite aspirine pour les urgences parce que le pays est pauvre. La balance budgétaire 2003 est déficitaire et on s’amuse à collecter des milliards en un tour de main pour une victoire aléatoire, une sortie humiliante, certifiée conforme à notre égarement. Pendant ce temps, il suffirait d’instaurer un impôt de solidarité de 100 F pour les travailleurs de la fonction publique et du secteur privé, le double pour les opérateurs économiques et les professions libérales pour prendre convenablement en charge et de façon durable les couches sociales les plus défavorisées, résoudre les problèmes cruciaux ponctuels. De même il est possible d’initier l’actionnariat populaire pour assurer nous-mêmes le financement de nos projets d’industrialisation et de développement. On se serait tout simplement passé de la braderie de nos unités de production à des investisseurs étrangers mus par leurs seuls intérêts. A titre d’exemple, faisons une rapide estimations en chiffres : 1000 travailleurs de la fonction publique plus à peu près 1000 pour les autres secteurs (purement indicatif 1) mettraient mensuellement dans la caisse 600 000 F et par an 7 200 000 F. Si nous comptons avec les généreux patriotes qui peuvent contribuer pour 100 000...500 000 F par mois, la nation pourrait résoudre de nombreux problèmes en attente.

2. A propos de civisme, de patriotisme, d’esprit de sacrifice prônés par le Premier ministre

Les Burkinabé sont un peuple de travailleurs, de patriotes ; ils l’ont montré à diverses occasions ; pour peu qu’on leur fournisse la preuve que leurs efforts ne sont pas anéantis, détournés de la cause commune et juste, ils se donnent et donnent sans rechigner. Cependant, faut-il leur demander de consentir le sacrifice suprême, celui de la vie ? Sinon quel autre civisme, patriotisme, et sacrifice peut-on attendre de l’instituteur, de l’infirmier dont nous venons d’évoquer le drame quotidien ? Quel effort le fonctionnaire moyen, travaillant dans des conditions pénibles peut-il fournir qui ne soit déjà consenti ? Et de quel civisme et d’esprit de sacrifice Ia tête que constitue le pouvoir fait-elle montre ? Donne - t-elle le bon exemple ? Montre-t-elle son engagement à œuvrer pour le Burkina que nos deux personnalités appellent de leurs vœux ? La réponse est dans la lecture de deux événements récents. A la cérémonie officielle de lancement du mois de la solidarité, le peuple burkinabé a vu le président Blaise Compaoré et le Premier ministre Paramanga Ernest Yonli glisser respectivement 30 000 et 20 000 francs dans la caisse de solidarité. Le Burkinabè lamda, qui n’est pas dans le secret des dieux n’a pas à deviner que nos deux personnalités pourraient souscrire plus tard, de façon plus conséquente. Le geste des deux hommes devait créer un effet d’entraînement ; la preuve, les citoyens n’ont pas accouru pour alimenter la jarre nationale et en boucher les trous. Nous évoquerons plus loin les raison profondes de ce manque d’enthousiasme pour une cause pourtant juste. Les faits sont-là : même les membres du gouvernement, des autres structures étatiques et institutionnelles ne se sont pas vraiment délesté les poches et les porte feuilles Ce mois de la solidarité, si lamentablement médiatisé accoucha d’une souris : du 21 novembre au 5 décembre 2003, on réussit la collecte de 11 983 272 F plus une tonne de sucre, 33 pagnes, 5 plats, un sachet de friperie, 20 bidons d’huile savor de 20 litres chacun, 20 cartons de savons N°1, 237 habits usagers. A supposer même qu’en faisant le tour des 45 provinces, on ait pu réunir un milliard de francs, chacun des 40,4% de pauvre du Burkina recevrait une enveloppe de 250F . Dérisoire ! Où est la solidarité si chaque pauvre doit vivre avec 250F jusqu’à la prochaine édition du mois de la solidarité ? L’opération fut un échec par la seule faute du président et de son Premier ministre, du gouvernement, de tous ceux qui ont une parcelle de pouvoir administratif, légal, politique dans la direction de l’Etat. Ils n’ont aucune excuse. A contrario, on peut aisément comprendre que la grande masse du peuple ne veuille plus débiter un rond. Depuis plus d’une décennie, la gabegie, la corruption, les détournements de fonds, la dilapidation de ressources financières, les injustices sociales de toutes sortes sont décriés, dénoncés de toutes parts. Le chef de l’Etat et le gouvernement sont régulièrement interpellés à ces sujets. Rien n’y fait, rien ne les émeut, ni les inquiète :.le pays est intègre.

Par simple profession de foi. Une petite minorité de Burkinabé (15%) accaparent 50% des richesses nationales pendant que près de la moitié de la population sombre de plus en plus dans une indigence notoire. Aucun remède curatif et préventif n’est proposé malgré les diagnostics alarmants successifs commandités par le pouvoir, peut-être juste pour jouir de l’effet d’annonce. Le Burkinabé regarde ainsi toujours et toujours, la gorge nouée par le dépit, se dissiper comme neige au soleil les maigres ressources difficilement mobilisées : train de vie très coûteux de l’Etat, utilisation anarchique de ses biens, octroi de prêts spéciaux aux ministres, manifestations grandiloquentes propres aux nations qui se suffisent à elles-mêmes. Enfin, des choix très peu défendables en matière de développement. Le dernier en date est cette fameuse INSE (Initiative Nationale de Soutien aux Etalons) pour laquelle le président du Faso s’est personnellement investi, a tout aussi personnellement interpellé les Burkinabé pour un franc soutien matériel et moral. Pour assouvir la passion d’une petite minorité affairo-politico-bureaucratique pour le football et espérer le retour de l’échelle, "les contributeurs" se bousculent et surtout se font voir ! Ici aussi, mauvaise médiatisation. Cependant, vu la largesse et la générosité de certains opérateurs économiques, si le président l’avait voulu, il aurait pu susciter le même engouement pour la cause des plus démunis. Le foot, c’est bien, c’est normal. Soutenir l’équipe nationale, c’est bien, c’est normal. Mettons quand-même les priorités là où il sied. Peut-on faire du football une priorité nationale au point de reléguer au second plan des questions de survie et de développement ? Il n’est pas logique (ordre du bon sens), honorable,(ordre de la dignité nationale) que nos autorités, à chacun de leurs discours demandent la charité, invoquent la solidarité internationale pendant qu’à l’intérieur elles mobilisent pour jouer au foot. La Chine, le Japon, Taiwan, qui apportent de nos jours leur soutien au Burkina sont longtemps restés en marge des grandes manifestations foot- balistiques. A présent qu’ils ont amorcé le virage de la croissance, ils ont tout le loisir (et les moyens) de s’imposer sur le terrain de ce sport. Des pays très développés comme la Norvège, le ,Canada, les Etats-Unis, la Finlande, sont loin de faire du foot ou tout autre sport une priorité nationale au détriment de l’épanouissement de leurs populations ! Le président Blaise Compaoré a encore déclaré à la tribune des Nations unies : "le devoir de solidarité en faveur du développement est un devoir moral pour les pays du Nord. Cette solidarité est une réponse impérative à la misère des populations, et cela d’autant plus qu’elle s’adresse plus à des peuples qu’à des gouvernements". "Ce devoir de solidarité" Monsieur le Président, est d’abord et avant tout un devoir moral pour les pouvoirs en place dans nos pays africains en général, et en particulier au Burkina. Les professions de foi, les chapelets d’intentions, les belles déclarations ne valent que par les actes qui les traduisent. Néanmoins, tout acte se pèse à la balance des intérêts primordiaux du peuple. Le combat quotidien des millions d’hommes qui le composent, qui s’arc-boutent, bandent les muscles, serrent les dents pour relever les défis que la nature et la géopolitique leur imposent doit impérativement être engagé pour les seules causes qui vaillent : le développement et l’épanouissement de tous les Burkinabé, le respect de la personne humaine, l’avenir de nos enfants. Le reste n’est que divertissement malsain. "Et comme on fait son lit, on se couche".

D. Jeanne TRAORE, Secrétaire à la solidarité nationale PAREN
BP : 01 468 Ouagadougou 01

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