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Non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo : La partie civile hausse le ton

Publié le lundi 24 juillet 2006 à 10h39min

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« L’affaire Norbert Zongo a été gérée de façon scabreuse. » Le collectif des avocats de la partie civile l’a dit, de vive voix, le 21 juillet dernier au Centre national de presse Norbert-Zongo. Et il n’entend pas baisser les bras : « Nous allons prospecter toutes les voies de droit pour empêcher une seconde mort de ce journaliste d’investigation. »

En clair, selon eux, le non-lieu accordé au présumé assassin, l’adjudant Marcel Kafando, relève du juridiquement incorrect. Cette décision a même, disent-ils, des « relents politiques ». Les avocats ont été formels : « Le juge d’instruction, Wenceslas Ilboudo, s’est heurté à plus fort que lui ; il a préféré se débarrasser du dossier dès qu’il a eu la moindre occasion. »

Le procureur du Faso, Adama Sagnon, le juge d’instruction, Wenceslas Ilboudo, et le procureur général, Abdoulaye Barry, sont passés à côté de la plaque. C’est du moins la conviction des avocats de la partie civile. « La manière d’évacuer le dossier comporte beaucoup d’imperfections », déplore Me Bénéwendé Sankara. Il affirme, avec force détails, que « le procureur du Faso, qui exerce l’action publique et requiert l’application de la loi, a fait profil bas ». Il a rendu un réquisitoire définitif de non-lieu, le 13 juillet 2006, « donnant ainsi prétexte au juge d’instruction de conclure qu’il n’y a pas lieu de poursuivre Marcel Kafando>>. Or, les arguments sur lesquels se fonde ce non-lieu ne résistent pas, selon le collectif d’avocats, à la critique juridique.

Acte 1 : Marcel Kafando, sur la base des témoignages de son ami et compagnon d’armes, Racine Yaméogo, a été inculpé le 2 février 2001. Etaient-ils ensemble le 13 décembre 1998 à « La Québécoise », à Ouaga, donc loin du lieu de l’assassinat ? Oui, affirme Marcel Kafando. Mais Racine Yaméogo apporte un démenti catégorique. Le 15 mai 2001, lors d’une confrontation, les deux protagonistes restent constants dans leurs déclarations antérieures. « Racine est très précis dans ses témoignages », affirme Me Prosper Farama. Les années s’égrènent.

Le 21 mai 2006, pour la première fois, il émet des doutes : « J’ai rencontré Marcel Kafando à cette période. Nous nous sommes rendus respectivement au restaurant « La Québécoise » puis au restaurant « La Source » avant que Marcel ne me dépose à l’hôtel Splendid, où nous nous sommes séparés. A présent, il existe un doute dans mon esprit entre les dates du 13 et du 14 décembre 1998. Face à ce doute, je préfère ne pas persister dans mes déclarations antérieures, et accuser à tort un compagnon d’armes. » « Il n’a pas fallu plus au procureur du Faso et au juge d’instruction pour clôturer le dossier », se désole Me Sankara.

Et il évoque l’article 78 du Code de procédure pénale : « Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité ». Dans ces conditions, « il n’est pas tenu de se conformer au réquisitoire définitif de non-lieu pris le 13 juillet 2006 par le procureur du Faso », soulignent les avocats de la partie civile. Puis ils font un « triste constat » : « Au Burkina Faso, pour certains crimes, la justice vous dira qu’il n’y a point d’auteur.

Le parquet refuse même d’enrôler des citations qui lui sont dénoncées. » Un exemple ? « Dans l’affaire Thomas Sankara, c’est le procureur du Faso qui a fait appel contre l’ordonnance d’informer que le juge d’instruction avait prise à l’époque », rappellent les avocats. Ces derniers dénoncent d’ailleurs l’attitude du procureur général, Abdoulaye Barry, qui, selon eux, « joue le beau rôle de celui qui sait ballotter l’opinion » par des déclarations du genre : « Le dossier Norbert Zongo n’est pas mort ; personne ne veut s’asseoir sur ce dossier ; tout fait nouveau peut le réactiver. »

"Racine Yaméogo a été licencié"

Acte 2 : L’adjudant Marcel Kafando a été mis en liberté sur la base du fait qu’en droit, « le doute profite à l’accusé ». En tous cas, le 19 juillet dernier, les procureurs Abdoulaye Barry et Adama Sagnon l’ont rappelé, à plusieurs reprises, lors d’une conférence de presse (voir Le Pays du 20 février 2006). « C’est vrai », reconnaît Me Prosper Farama. Mais il s’empresse d’ajouter que « ce principe ne vaut que devant les juridictions de jugement, pas pendant l’instruction ».

Et l’avocat de se demander pourquoi dans l’affaire Oumarou Clément Ouédraogo et bien d’autre, « Sagnon et Barry ne sont pas sortis pour dire que le doute profitait à l’accusé ». Autre question : « Pourquoi n’a-t-on pas laissé Marcel Kafando aller en jugement ? Y a-t-il deux types de Burkinabè ? » Me Farama estime qu’il y a un flou dans cette affaire. Car une autre question se profile : « Et si Marcel Kafando et Racine Yaméogo étaient ensemble le 14 décembre ? Pourquoi le parquet a-t-il volontairement penché pour le 13 ? »

Selon Me Farama, un procès aurait permis d’élucider ces questions. Et ce n’est pas tout : « Le non-lieu a été prononcé sur la base du dernier témoignage de Racine alors que Marcel a été inculpé sur la base de tous les éléments contenus dans le dossier. Pourquoi le parquet a-t-il choisi de ne pas revenir sur les autres contradictions concernant Marcel, notamment les mensonges sur les heures d’appels, le manque de concordance sur les heures et les lieux évoqués, etc. ? »

Acte 3 : Racine Yaméogo a-t-il été l’objet de pression ? Pourquoi n’a-t-on pas pris des dispositions pour le mettre à l’abri de tout cela ? Confidences de Me Seydou Yamba : « Racine a été licencié depuis qu’il a témoigné. Il a subi toutes sortes de pressions. Il n’est plus lui-même ; on l’a comprimé. »

Face à cette situation, les 14 avocats de la partie civile ont fait appel le 19 juillet 2006. « Nous attendons de voir quelle suite sera réservée à notre requête », affirme Me Sankara. Il a appelé les Burkinabè à se mobiliser pour que cesse l’impunité. « Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien », disait Norbert Zongo. Un défenseur des droits humains l’a rappelé à la fin de la conférence de presse.

Par Hervé D’AFRICK

Le Pays

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