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Attentats Madrid : Un engagement pro-américain payé au prix fort

Publié le lundi 15 mars 2004 à 17h13min

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Ce ne serait donc pas l’ETA, l’armée séparatiste basque comme s’était empressé de l’affirmer José Maria Aznar, encore tout tourneboulé par ce qui venait de se produire.

48 heures après la vague d’attentats qui a fait pas moins de 200 morts et plus de 1 400 blessés pris dans le piège ferroviaire madrilène, les enquêteurs s’orientaient vers Al Qaëda, cela après la découverte, près de la principale mosquée de la capitale, d’une cassette vidéo en arabe (dont l’authenticité reste toutefois à vérifier) contenant la revendication de l’acte et des imprécations contre l’Occident, particulièrement les Etats-Unis et leurs alliés.

Sans doute inconsciemment, le Premier ministre espagnol souhaitait-il, in petto, que ce fût l’ETA, le coupable désigné, qui eût ainsi voulu se rappeler au bon souvenir des sujets de sa Majesté à quelques jours des élections générales qui ont eu lieu hier. Une ETA qu’on disait pourtant affaiblie après la capture, courant 2003, de plus d’une centaine de ses membres. Dès la commission du forfait, les experts ès terrorisme indiquaient du reste que le mode opératoire n’était pas dans le genre de la maison.

D’abord, l’ETA revendique toujours ses attentats, ce qu’elle n’a pas fait ce coup-ci ; ensuite, elle ne fait pas vraiment dans les assassinats de masse comme c’est le cas avec cette hécatombe ; enfin, et surtout, elle ne s’attaque pas en règle générale aux civils innocents. Mieux, l’ETA pousse même quelquefois, si on ose dire, l’élégance jusqu’à s’excuser auprès des familles de victimes civiles collatérales qui ont eu la malchance d’être au mauvais moment au mauvais endroit. Toutes les apparences semblaient donc, a priori, exclure l’armée séparatiste, mais c’était tellement tentant et confortable de l’accabler en escomptant, qui sait, tirer les bénéfices électoraux de ce carnage en mobilisant les populations contre l’horreur. Las ! ce serait finalement la nébuleuse Al Qaëda que personne ne souhaite voir, il est vrai, entrer dans sa maison.

Si donc cette piste devait se confirmer, la multinationale du terrorisme voudrait ainsi faire payer au gouvernement espagnol son soutien politique, diplomatique et militaire au "Grand Satan" américain, coupable, pour ne parler que de son dernier péché, d’avoir envahi l’Irak et de vouloir y installer un pouvoir à sa botte.

Il est vrai que, comme tous ceux qui se sont embarqués dans l’aventure irakienne, Georges Walker Bush en tête, Aznar avait dû user de mensonges et de fourberies pour faire avaler à son Parlement et à ses compatriotes la couleuvre des Armes de distraction massive (ADM) qui, 10 mois après la fin officielle de la guerre, tourne à la plaisanterie de mauvais goût parce que toujours introuvables. Certes, ce n’est pas une raison suffisante ni même valable pour massacrer de paisibles voyageurs, surtout que, comme un peu partout en Europe, vieille ou nouvelle, l’opinion publique espagnole était majoritairement hostile à la guerre. Mais allez faire comprendre ces subtilités à des illuminés dans la barbe desquels gît souvent la bêtise.

Passe encore qu’on s’attaque à des forces d’occupation comme Tsahal dans les territoires occupés, les boys en Afghanistan et en Irak ou encore les soldats espagnols stationnés dans ce même pays, mais rien, aucune cause ne saurait justifier le massacre de populations civiles qui ne sont pas coupables des errements de leurs premiers responsables. Surtout qu’il n’est pas certain que ces derniers révisent leurs positions dans le sens de plus de justice et de solidarité dans les relations internationales.

Bien au contraire, après l’apocalypse du 11 septembre, des horreurs comme celle du 11 mars (tiens ! ils auraient donc le fétichisme du chiffre 11) ne font qu’apporter de l’eau au moulin des néo-impérialistes qui, sous prétexte de lutter contre le terrorisme international, entendent mettre la planète entière sous coupe réglée et les nations qui osent s’opposer à leur hégémonisme au pas.

La boucherie de Madrid intervient d’ailleurs au moment où l’Oncle Sam a avoué avoir accentué les recherches d’Ossama ben Laden à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan. On le sait, incapable de retrouver les fameuses armes nucléaires, bactériologiques et chimiques de Saddam, le locataire de la Maison Blanche a fait de la capture du PDG de la multinationale du terrorisme un impératif catégorique.

Qu’il brandisse son scalp et ce sera un point décisif de marqué dans la course à la présidentielle du 2 novembre 2004. Qu’il n’y parvienne pas, et son fauteuil serait à coup sûr menacé. Avec un tel enjeu, la "Tempête dans les montagnes" qui déferle depuis quelque temps dans la zone tribale pakistano-afghane finira bien par balayer le vilain barbu des collines et des grottes. La guerre totale contre l’axe du Mal n’est donc plus une simple question de sécurité, c’est devenu un enjeu de politique intérieure, aux Etats-Unis comme en Espagne d’ailleurs où les récents événements peuvent bouleverser la donne électorale.

Car même si, après deux mandats de quatre ans, Aznar avait choisi de se retirer à 51 ans, sa formation, le parti populaire (PP), au pouvoir depuis 1996, était donné vainqueur des législatives, la question se posant seulement de savoir s’il conserverait la majorité absolue qu’il détient depuis le scrutin de mars 2000.

Mais après ce qui s’est passé jeudi dernier, plus rien n’était sûr dans la mesure où "avant de voter, nous voulons savoir la vérité", scandaient vendredi des milliers de manifestants à travers tout le pays. Déjà remontés contre la majorité, les 34,5 millions d’électeurs qui étaient appelés à renouveler une partie du Sénat, ainsi que le congrès des députés (qui élira à son tour le successeur d’Aznar) pourraient ainsi sanctionner la décision jugée personnelle du PM sortant de s’aligner sur l’administration Bush contre l’avis de son opinion publique.

Autant dire que si la piste islamiste devait s’avérer, après l’Espagne, c’est toute la "nouvelle Europe", l’Italie et les "irresponsables" de Chirac qui vont maintenant vivre sous la hantise des bombes, eux qui s’étaient rangés avec armes et bagages dans le camp de la guerre.

Ousséni Ilboudo
L’Observateur

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