LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Sylvain Thiombiano, président de l’ordre des architectes du Burkina "Nous n’avons pas le pouvoir d’arrêter un chantier"

Publié le vendredi 7 juillet 2006 à 08h19min

PARTAGER :                          

Ouagadougou, à l’image de beaucoup de métropoles africaines, est une ville constamment en chantier. Malheureusement, certains chantiers sont à l’origine de drames, avec l’écroulement de constructions, comme ce qui s’est produit à Ouaga courant juin. Qu’est-ce qui peut bien expliquer pareille situation ?

Qu’en est-il de la réglementation en matière de construction ? Que faut-il réunir comme conditions et garanties avant d’engager un chantier de construction ? Ce sont quelques questions posées au président du conseil de l’Ordre des architectures du Burkina, Sylvain Thiombiano.

"Le Pays" : Comment expliquez-vous les effondrements d’immeubles que l’on observe souvent çà et là ?

Sylvain Thiombiano : Avant tout propos, je m’incline devant la mémoire de tous ceux qui on perdu la vie dans ces drames, et présente mes sincères condoléances à leurs proches. Pour revenir à la question proprement dite, ce qui arrive est tout simplement imputable au non-respect des textes en matière de construction au Burkina. Sinon des textes existent, qui précisent dans quelles conditions les chantiers doivent être exécutés.

Quelles sont les normes qui doivent être respectées en matière de construction ?

Dès qu’un maître d’ouvrage, qui peut être une personne physique ou morale, a un projet de construction d’un bâtiment d’une certaine taille, il doit d’abord aller voir un architecte, qui est le maître d’oeuvre, c’est-à-dire celui qui dispose d’une formation et est chargé de faire des projets de constructions. En d’autres termes, celui chargé de programmer, de concevoir et de conduire la réalisation de projets. C’est cela, le rôle de l’architecte, qui, en fait, traduit graphiquement les besoins du maître d’ouvrage, c’est-à-dire le nombre de pièces, leur dimension. Au passage, l’architecte se chargera de faire un projet fonctionnel mais également un bâtiment qui garantit toutes les conditions de sécurité dans son exploitation.

Après les plans de l’architecte, le maître d’ouvrage doit monter le dossier technique, qui comprend la note de calcul de l’ingénieur, les dimensions des ouvrages en béton armé, c’est-à-dire les semelles, les poteaux, les poutres, les planchers. Pour que l’ingénieur puisse faire son travail, il y a une démarche obligatoire qui est la vérification de la portance du sol, c’est-à-dire la capacité du sol à supporter le poids du bâtiment.

Et pour avoir cette portance, il y a un certain nombre d’institutions, comme le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP), qui offrent des prestations en la matière. Elles consistent à faire l’étude du sol pour voir la profondeur à laquelle se trouve le bon sol, c’est-à-dire celui qui a une bonne portance. Ces paramètres, ces valeurs permettront à l’ingénieur de dimensionner les ouvrages en béton armé. Voilà en gros ce qu’il faut.

Mais ce n’est pas suffisant pour obtenir un permis de construire. Il faut également une étude de sécurité incendie faite par la brigade des sapeurs-pompiers. Mais des personnes physiques et morales ont été agréées par les sapeurs-pompiers pour offrir ce genre de prestation. Dans certains pays, certains cabinets d’architecture font cette étude. Au Burkina, ce n’est pas encore le cas.

Enfin, pour obtenir le permis de construction, il faudra respecter les servitudes urbaines. Dans la ville de Ouaga, par exemple, il y a un certain nombre de règlements qui s’appliquent à la construction de bâtiments. Exemple la distance entre le bâtiment et le mur de clôture ou entre le bâtiment et celui du voisin, ou encore entre le bâtiment à construire et la rue. Ces servitudes varient d’une ville à une autre.

Que fait l’Ordre des architectes face au non-respect des normes ?

L’Ordre est un corps constitué, c’est-à-dire créé par le gouvernement pour aider à la réglementation de la profession. Au sein de nos membres, il y a un certain nombre d’actions qu’il faut entreprendre pour le respect de la discipline, de la déontologie et pour la promotion de l’architecture au Burkina. Malheureusement, nous n’avons pas la force publique. Notre rôle est de sensibiliser. Concernant le drame survenu récemment, l’Ordre a saisi le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme afin que des mesures soient prises pour que l’on n’assiste plus à pareil drame. Par rapport au permis de construire, nous avons rencontré les autorités concernées qui ont donc le pouvoir d’instituer et de faire appliquer son principe. Cela pour vous dire que nous n’avons pas, par exemple le pouvoir d’arrêter un chantier qui ne respecterait pas les normes. Si nous avions ce pouvoir, on n’aurait pas hésité à arrêter beaucoup de chantiers et à verbaliser les gens, à amender ceux qui seraient en faute.

Certains architectes ne favorisent-ils pas le non-respect des normes en faisant preuve de complaisance, de manque de fermeté ?

Peut-être qu’il y en a. Mais je n’ai pas reçu de plainte parce qu’au sein de l’Ordre des architectes, il y a une instance appelée chambre disciplinaire. Si un architecte qui a eu pour mission de concevoir un projet bafoue les règles élémentaires de sécurité, il y a des sanctions pénales et disciplinaires qui lui seront appliquées. Si l’aspect pénal n’est pas de notre ressort, nous sommes compétents par contre en matière disciplinaire, et la chambre en question statue chaque fois qu’elle est saisie pour un cas de manquement de la part d’un architecte. A l’occasion, et suivant les cas, des décisions de suspension, de radiation peuvent être prises. C’est ce qui est prévu par les textes, mais jusque-là je n’ai pas encore pris une décision de ce genre.

Récemment, vous avez claqué la porte au jury du concours d’architecture de la Direction générale de l’architecture, de l’habitat et de la construction (DGAHC). Qu’est-ce qui s’est passé pour que vous adoptiez une telle attitude ?

Dès la prise de fonction du nouveau conseil, que j’ai l’honneur de présider, nous avions rencontré des partenaires : le ministère de la Culture, la mairie de Ouaga, le ministère des Infrastructures, la direction générale de l’Architecture, le projet Zaka, la Brigade des sapeurs-pompiers, etc.

Dans ce cadre, on a donc rencontré le directeur général de l’Architecture pour lui demander un certain nombre de choses, parmi lesquelles le souhait que l’organisation des concours d’architecture soit revue afin que la transparence soit assurée, que le concours soit organisé dans de bonnes conditions. Une autre chose que nous avons demandée est la révision des attributions de la direction générale de l’Architecture afin de permettre aux cabinets d’architectes devenus nombreux et sans travail, d’avoir du travail. Nous avons fondé notre demande sur le fait que les 3 architectes du public sont submergés alors que nous, du privé, chômons. C’est une ambiguïté pour nous.

Lors d’un CASEM (ndlr : Conseil d’administration du secteur ministériel) tenu il y a 2 ans, le ministre des Infrastructures, suite à une requête de l’Ordre des architectes, avait demandé la création d’une commission bipartite pour permettre à l’Ordre et à la direction de l’Architecture de discuter pour trouver une formule qui satisfasse toutes les parties. Malheureusement, la DGAHC n’a pas suivi, et nous ne comprenons pas que l’Administration, qui devrait juste jouer un rôle de réglementation, de contrôle, accapare le boulot des cabinets privés. C’est pour toutes ces raisons que nous avons claqué la porte. L’Administration doit recentrer ses prérogatives, qui ne sont plus celles de construction, de réalisation de projets.

Depuis lors, avez-vous été contacté pour des négociations par exemple ?

Au moment où je vous parle (ndlr : dans la matinée du 3 juillet), nous sommes invités à une rencontre avec le ministre de l’Habitat, prévue pour demain. Pour le moment, nous ne savons pas ce dont il sera question. Toutefois, nous nous disons que notre départ du jury du concours sera évoqué. Peut-être que notre départ a créé un vide et qu’on voudra nous amener à la table de négociation. Si c’est le cas nous sommes disponibles mais il faut que nos préoccupations soient examinées et que nous puissions travailler ensemble à promouvoir la qualité de l’architecture au Burkina.

Propos recueillis par Séni DABO

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)
Burkina/Finance : L’ACEP fait des heureux gagnants