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Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de sifflet final ?

Publié le vendredi 7 juillet 2006 à 08h46min

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Annan et Gbagbo

Comme dirait l’autre, en politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. Mais comme il n’y a jamais de règle sans exception, il faut rendre hommage au vieux Houphouët pour avoir été une exception.

Malgré les handicaps moraux, politiques, matériels, humains, intellectuels et financiers inhérents à la situation d’un pays qui venait d’accéder à l’indépendance, le "Vieux" s’est montré à la hauteur des nombreux défis qui assaillaient le jeune Etat à une époque où la notion de Nation, donc le sentiment de partager le même destin, n’était pas la chose la mieux partagée. Après la mort de celui qui disait qu’il préférait la dictature au désordre, trois chefs d’Etat se sont succédé en Côte d’Ivoire. Depuis lors, l’histoire du pays n’a été qu’une amère répétition de l’incurie des hommes qui ont présidé à sa destinée.

Le successeur immédiat d’Houphouët, celui qui se réclamait d’en être le fils spirituel et l’héritier constitutionnel s’était empressé de transformer son pouvoir en repaire d’hommes à l’horizon limité où l’on arborait une sorte de triomphalisme chauvin pour ne pas dire xénophobe. Il fut remplacé dans l’enthousiasme par une sorte de messie venu délivrer les populations des fantasmes de Bédié.

Mais, très vite, ce balayeur, cet éboueur qui avait juré d’assainir le marigot ivoirien et d’y chasser tous les monstres, s’est comporté en clone chassant le même gibier que le régime précédent.

Arriva alors un troisième larron, Laurent Gbagbo, l’enfarineur, rusé mais peu politique parce qu’ignorant le sens du compromis, bien qu’ayant été élu dans d’obscures conditions. Laurent Gbagbo, l’opposant socialiste, au territoire idéologiquement limité, a manqué de hauteur de vue pour se comporter en président de tous les Ivoiriens, toutes sensibilités confondues. Il a, par conséquent, fait le lit de l’anarchie en répandant les germes de l’exclusion dans un pays naguère reconnu comme un exemple parfait d’intégration et de brassage des populations. Dès lors, la belle vitrine que représentait le pays allait vite se briser. Tout le contraire de la vision du père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, obsédé par l’unité nationale. Tout un édifice que Gbagbo a patiemment démoli en comptant sur la ruse. Le président ivoirien a maintes fois utilisé cette arme pour contourner les résolutions des énièmes sommets, les scénarios de sortie de crise, les feuilletons des rencontres bilatérales ou multilatérales, etc. En somme, un film dont tous les spectateurs sont aujourd’hui lassés de ne pas voir la fin et de payer chaque fois une note plus salée. Au premier rang de ces spectateurs ridiculisés par Gbagbo, figure l’ONU , autrement dit, la communauté internationale.

Il y a quelques jours, Laurent Gbagbo disait avec assurance que le mini-sommet consacré à la crise qui sévit et perdure dans son pays devait se limiter à en faire l’état des lieux sans franchir une certaine ligne que lui et ses partisans ont tracée. Pour lui, il fallait se contenter d’évoquer la transition dans sa forme sans jeter un regard critique sur son fond. La forme, c’est ce flou qui consiste à s’accommoder de cette transition dans laquelle il entend exercer ses prérogatives de chef d’Etat. En somme, une situation qu’il exploite comme fonds de commerce politique qui véhicule l’exclusion ethnique comme base de ses ambitions politiques. Sans doute, comptait-il sur un certain laxisme dont a jusqu’à présent fait preuve l’ONU, ballotée, il faut bien le dire, entre plusieurs intérêts. Car, il faut admettre que Laurent Gbagbo a su judicieusement exploiter l’état de grâce d’un an que lui a accordé la communauté internationale pour amasser une colossale fortune, se faire de solides amitiés scellées sur fond de corruption et de tour de passe-passe, etc.

Mais, l’ONU, à moins de quatre mois de la fin de la transition, et face à ce qui s’apparente au constat irréversible d’un rendez-vous électoral manqué, devait réagir si elle ne veut pas mettre à rude épreuve sa crédibilité. Du reste, personne ne pouvait envisager un déplacement du secrétaire général en Côte d’Ivoire pour simplement constater le statu quo actuel. La mission de l’ONU étant le respect de la légalité et du droit international, celle-ci pouvait-elle, sans renier ses propres principes, laisser libre cours à Gbagbo pour se conforter dans son entêtement à faire reculer la Côte d’Ivoire ? Il y va de la crédibilité même du secrétaire général de l’ONU.

Laurent Gbagbo avait tout à gagner si la transition se prolongeait à l’infini, car cela signifierait, à son avis, la prolongation de son mandat. Il avait tout à perdre si la transition était respectée, car, en cas d’élection, il avait la quasi-certitude d’être battu.

Toujours est-il qu’en reconnaissant l’impossibilité objective d’organiser les élections dans le temps initialement imparti, l’ONU envisage une réunion, en septembre, de l’Assemblée générale pour la suite à réserver au dossier ivoirien. Deux scénarios sont à envisager.

Premier scénario : si d’ici-là des avancées notables sont constatées dans le processus de désarmement des groupes armés, d’identification et de recensement des populations à même d’autoriser les élections, le mandat de Laurent pourrait être prolongé de deux à trois mois maximum. Deuxième cas de figure : si aucune avancée n’est perceptible, il sera mis fin au mandat du président en le remplaçant par l’actuel Premier ministre qui, de toute évidence, n’a pas actuellement les coudées franches pour mener les réformes nécessaires, en dépit des engagements de l’ONU de lui donner tous les moyens institutionnels, matériels, humains, financiers et logistiques.

En réalité, le pouvoir donné par l’ONU à Charles Konan Banny est hybride, une espèce de serpent de mer qui menace de faire chavirer le navire de la réconciliation dans lequel il invitait tous les Ivoiriens. Plus grave, le train de la paix, plus ou moins remis sur les rails par Charles Konan Banny, est sur une poudrière, aucun protagoniste ne voulant désarmer.

Le désarmement, un geste qui hante les nuits des différents acteurs, un mot qu’on se contente de bégayer. A supposer que Gbagbo se mue en colombe de la paix.

Où va-t-il recaser ses faucons, ses nombreuses milices droguées, vivant de prébendes et pour qui l’avenir est chargé d’incertitudes ? Gbagbo n’est-il pas prisonnier de ces dernières ? Du côté des rebelles, comment éteindre cet instinct de survie qui les pousse à avoir constamment le doigt sur la gâchette face à un Laurent Gbagbo qu’ils soupçonnent d’envisager à leur encontre la solution finale en cas de désarmement ? Ceci explique-t-il cela ? Toujours est-il que ceux-ci poussent la barre de leurs revendications très haut. A savoir leur intégration dans l’armée nationale avec les grades qu’ils ont souvent glanés de manière mécanique pendant leur traversée hors de la République, et le payement de leurs arriérés de salaires.

La Côte d’Ivoire n’a certainement pas besion actuellement d’une armée d’opérette en élevant des caporaux et des "lacrous" aux grades de colonels et de commandants. Mais, si c’est cela le prix de la réconciliation nationale, il faut le payer. Certains pays ont réussi une telle réconciliation dans la douleur. C’était la seule bouée de sauvetage.

En attendant les conclusions de cette session de l’Assemblée générale de l’ONU, il faut dire que la crise ivoirienne a suscité des convoitises extérieures, aiguisé des appétits, fait émerger des groupes d’intérêts, de pression et de puissants lobbies qui n’entendent pas lâcher prise. Signe des temps, le président sud-africain, qui est manifestement de mèche avec Laurent Gbagbo, a pratiquement claqué la porte du mini-sommet, certainement pour marquer son désaccord avec la tournure des événements. Thabo Mbeki a peut-être eu le courage de sa vision du règlement de la crise ivoirienne (à quel prix ?). Mais combien sont tapis dans l’ombre, prêts à torpiller toutes les initiatives de paix ? Il est temps enfin que l’ONU tape du poing sur la table et fasse entendre le coup de sifflet final.

"Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 7 juillet 2006 à 10:37, par nature En réponse à : > Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de sifflet final ?

    Pourqouoi s’en prendre toujours au président ivoirien comme s’il était le seul responsable de cette crise qui perdure ? Un regard très lucide de la situation en cote d’ivoire srait benefique à tous. LE BURKINA dont le président n’est pas étranger à cette crise peut apporter beaucoup pour que le peuple ivoirien retrouve la paix . De toute façon je reste persuadé que l’onu sur laquelle vous compter pour le coup de sifflet final ne pourra rien imposer aux ivoiriens qui soit une solution durable capable de reconstruire la côte d’ivoire. Arretons de diaboliser et de catégoriser les leaders politiques ivoiriens, aidons les à mieux s’accorder pour sauver ce qui reste encore de ce beau pays qui fait tant de convoitise.

  • Le 7 juillet 2006 à 10:40, par cyp En réponse à : > Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de sifflet final ?

    Bonjour à tous,
    Je trouve cet article dur, sévère, très critique. Il porte des accusations terribles. Alors, où trouve-t’il sa source : rivalité, amertume, convoitise, jalousie ?
    Quelle est l’objectivité de cet article ?
    Personnellement, j’ai entendu dire que Monsieur Laurent Gbagbo est chrétien. S’il est un chrétien autentique, ayant fait une rencontre personnelle avec Dieu, grâce au sang versé, non par un poulet, mais par Dieu lui-même fait homme, Jésus-Christ, sur la croix du calvaire, alors c’est impossible de lui attribuer tous les qualificatifs utilisés dans cette article. Car un vrai croyant (je ne dit pas un religieux qui ne ferait qu’appliquer des principes sans vie donc sans force) craint Dieu, le respecte, l’aime, ainsi que son prochain.

  • Le 8 juillet 2006 à 23:52, par Patrick518 En réponse à : > Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de sifflet final ?

    Cet article manque d’objectivite dans son analyse et cela ne fait confirmer qu’une partie des Burkinabes soutiennent la rebellion. Sinon comment comprendre, dans un article sur la crise en Cote d’Ivoire, qu’il n’y ait meme pas un article entier sur les "pauvres" rebelles(ils sont trop gentils ces derniers). On vocifere pour demander que les milices desarment avant la rebellion. Mais on justifie la reticence des rebelles. Car selon "Le fou", ils ont le droit de ne pas faire confiance a Gbagbo. C’est peut etre vrai. Mais, pourquoi devraient ils avoir le droit de ne pas lui faire confiance pendant que les milices eux leur feraient confiance . Car les milices sont une consequence de la rebellion et non l’inverse .
    De plus, la citation d’entree de l’article et la demande d’acceptation des exigences des rebelles, au nom de la paix, est un non sens qui exprime l’etat d’esprit de l’auteur.

    Enfin, vous criez au coup de sifflet final. La cote d’Ivoire n’appartient pas a la "communaute internationale" pour qu’"elle" decide de ses dirigeants ou de ses institutions. Que fait cette "communaute internationale" quand des presidents invalides, putschistes, criminels, qui s’eternisent au pouvoir en tripatouillant leurs constitutions ou bien repoussent unilateralement des elections. Rien(ils sont meme celebres comme des sages). Pourquoi ? Les "blancs" ont decide qu’ils etaient necessaires pour la stabilite de leurs pays.
    Pauvre Afrique( Le pire c’est que les africains ne se comptent pas dans la communaute internationale)

  • Le 14 juillet 2006 à 01:30, par Jamal En réponse à : > Côte d’Ivoire- ONU : Le coup de sifflet final ?

    C’est un plaisir de lire des commentaires de cette qualité. Gbagbo est chretien (Hitler l’etait aussi). Gbagbo n’est pas mauvais c’est les rebelles qui le sont. on n’a jamais dit le contraire. Tout comme pour le coup de tete de Zidane, il ne faut pas se contenter des réactions pour juger. Il faut aussi voir les causes. Le president du Faso (et non du Burkina comme on l’entend parfois dire) est la cause de cette situation de mi-guerre... Et c’est aussi sa faute s’il y a des charniers en plein Abidjan et que les étrangers ont fui le pays par millions ? Honnetement, qui gagne à ce que la situation du temporaire devienne permanente ? Les pays qui veulent réussir aujourd’hui sont tenus d’avoir une action en faveur de l’ouverture des peuples. La Cote d’Ivoire a longtemps réussi et vécu comm un lieu de rencontres multiculturel mais aujourd’hui tout ceci a changé.
    Dans l’interview de l’ambassadeur de France au Burkina, il y a une phrase qui fait honte pas seulement aux Ivoiriens mais à tout africain. Il dit en substance « Heureusement que la France est encore un pays où les Ivoiriens se croisent et se parlent. » Si nous ne sommes pas capables de regler nous même nos problèmes, c’est dire à quel point nous ne sommes pas près de voir le bout du tunnel...

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