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Parlement ivoirien : Retour à la case départ

Publié le mardi 27 juin 2006 à 09h12min

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Mamadou Koulibaly, président de l’AN

A quelques mois de la fin de son mandat prolongé, le président ivoirien, Laurent Gbabgo, quoique dépouillé de certaines de ses prérogatives, peut se réjouir d’avoir, coup sur coup, débloqué deux situations plus ou moins explosives.

La première est la fin de la grève des enseignants et professeurs d’université qui avaient débrayé pour revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail. Il a suffi d’une audience des grévistes avec le chef de l’Etat pour que le mot d’ordre de grève soit levé, avec bien sûr, la promesse d’examiner leurs revendications.

La deuxième situation débloquée, dans le même laps de temps, est le retour des députés "frondeurs" de l’opposition à l’Assemblée nationale ; une Assemblée qu’ils avaient désertée, l’on se rappelle, pour se conformer à l’avis du Groupe de travail international (GTI) sur la Côte d’Ivoire qui constatait la fin du mandat des députés.

Sur ce point également, c’est à la demande de Laurent Gbagbo que ces députés ont repris le chemin de l’hémicycle après s’être accordé un temps de réflexion de 48 heures. Un temps au cours duquel les supputations étaient allées bon train quant au retour ou non de ces élus à l’Assemblée. En effet, si certains analystes juraient que les députés camperaient sur leur position, d’autres soutenaient qu’ils rentreraient dans les rangs.

Les derniers ont eu raison, et Laurent Gbagbo a réussi là où le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, avait du mal à se faire entendre par ses ouailles. Mais peut-on vraiment parler de défaite pour ce dernier dans la mesure où lui et Gbagbo sont du même bord ? Aussi l’on peut dire que quelque part, la méthode utilisée par le président de l’Assemblée nationale a été payante. L’on se rappelle qu’il a coupé les émoluments des élus du peuple qui ne siègent plus. Désargentés et devant chaque jour faire face à des obligations matérielles et financières et maintenir leur train de vie, ils ont finalement plié.

L’appel du chef de l’Etat à réintégrer l’hémicycle ne pouvait que mieux tomber dans ces circonstances. Qui est fou pour laisser filer de gros sous entre les doigts au nom du respect de l’avis du GTI ? L’on se range, quitte à évoquer des arguments comme l’intérêt supérieur de la Nation, la recherche de la paix, la disponibilité à exécuter des missions de paix. En fait, tout cela sonne faux car c’est bien plus les espèces sonnantes et trébuchantes qui font courir.

Que peut-il bien se passer maintenant que l’hémicycle ivoirien affiche complet ? Le premier constat est que la nouvelle situation marque un retour au statu quo ante. En effet, tout se passe comme si tout le travail effectué par le GTI, notamment la dissolution de l’Assemblée nationale n’était plus qu’un lointain souvenir. Une dissolution qui avait été acceptée par une bonne partie de la classe politique ivoirienne à l’exception bien sûr du pouvoir FPI dont les partisans prétendument dénommés jeunes patriotes qui n’avaient pas hésité à s’en prendre aux forces de maintien de la paix de l’ONU et à ses installations.

En fait, c’est la fermeté des faucons du pouvoir, notamment du président de l’Assemblée nationale, qui a pris le pas sur la mollesse et les hésitations de la communauté internationale. Nous avons sans cesse dénoncé cette attitude, parce qu’elle fait le lit des actes de blocage et de remise en cause des solutions consensuelles. Il y a des moments où il faut savoir taper du poing sur la table et, au besoin, utiliser la force contre les récalcitrants.

Au Liberia, le gendarme américain, quoique ses méthodes et sa démarche aient souvent été vertement critiquées, s’est rapidement employé au retour de la paix en mettant hors course, sinon hors d’état de nuire, Charles Taylor qui en était devenu manifestement un obstacle. En revanche, dans le dossier ivoirien, l’on a préféré jusque-là louvoyer, ménager la chèvre et le chou. L’on a même parfois pratiqué la politique de l’autruche. La dernière illustration en date est l’attitude de l’Afrique du Sud,

médiateur et membre du GTI créé par l’ONU, offusquée que l’on évoque l’éventualité de la non-tenue de l’élection présidentielle en octobre prochain. Pourtant, dans cet imbroglio, il faut tout envisager, émettre les hypothèses possibles, anticiper, éviter d’occulter toutes les éventualités, même celles qui fâchent. Autrement, ce serait faire preuve d’un manque de réalisme, de pragmatisme ; toutes choses que l’on ne reprocherait à l’Afrique du Sud de manquer. A moins que le pays de Thabo Mbéki n’ait de gros intérêts liés à la pérennisation, contre vents et marées, de Laurent Gbagbo au pouvoir.

Après le constat du retour au statu quo ante, on peut aussi s’interroger sur l’attitude des députés ayant fait leur retour à l’Assemblée nationale. Pourront-ils réellement se contenter d’exécuter des missions de paix à la demande uniquement du Premier ministre Charles Konan Banny, laissant aux autres députés leurs missions de contrôle de l’action gouvernementale, de vote des lois et de consentement de l’impôt ? Si d’aventure, l’Assemblée devait par exemple voter des lois, quelle serait l’attitude des nouveaux anciens députés ? Vont-ils boycotter les sessions de loi ou s’abstenir de voter ?

De toute façon, il est établi qu’un boycott ou une abstention de ces derniers ne gêne pas le parti du président qui est majoritaire. Tout au plus, leur participation au vote permettra de se donner bonne conscience et d’amortir le choc de la dictature du fait majoritaire. En somme, le chien aboie, la caravane passe, imperturbable. Mais attention à ne vouloir coûte que coûte n’en faire qu’à sa tête et à tenir tout le monde par l’argent.

Le Pays

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