Tout le monde ici, s’était mis à rêver quant à la fin de la crise à la faveur du désarmement qui a été entamé, de l’identification des populations qui a effectivement débuté, et de l’initiative prise par les Forces nouvelles de rétrocéder à leurs propriétaires, les maisons qu’elles avaient indûment occupées.

Mais, ne voilà-t-il pas que Gbagbo jette encore de l’huile sur le feu.

Il vient en effet, de convoquer le parlement au complet, aussi bien ceux qui font les sessions buissonnières que ceux qui continuent à siéger, pour lui demander de reprendre ses activités législatives, en dépit de la disqualification de l’Assemblée nationale par la communauté internationale à travers le GIT (Groupe international de travail).

Laurent Gbagbo, en vrai manoeuvrier, tend ainsi un piège, le énième, aux députés frondeurs et exploite à fond leurs contradictions. Ces derniers veulent le beurre et l’argent du beurre. C’est ainsi que, bien que ne voulant plus siéger, ils entendent continuer à être mandatés. Connaissant leurs mentalités, je suis sûr que certains, sinon tous, vont mordre à l’hameçon. Si tel devait être le cas, cela signifierait qu’ils désavouraient la communauté internationale. Plus grave, cela voudrait dire que ces honorables députés manqueraient de convictions. Ils ont peut-être l’excuse de ne pas être les seuls en Afrique à trahir leurs engagements, mais cela ne les disculpe pas pour autant. Car la Côte d’Ivoire, dans la phase actuelle de son histoire politique, a plus que jamais besoin d’hommes et de femmes dont l’engagement pour la cause de la paix doit être inoxydable, moulé dans l’acier.

Mais, il ne faut pas jeter l’anathème sur les seuls députés. L’opposition aussi a sa part de responsabilité dans l’agonie du pays. Tout en clamant haut et fort son refus de toute légitimité à Gbagbo, elle continue à l’appeler Président de la République.

Or, juridiquement, la Côte d’Ivoire qui vit sous un régime de transition, n’est plus une république. Ce mélange de genres a conduit des responsables d’un nouveau parti, à en appeler à un renouvellement de fond en comble de toute la classe politique ivoirienne actuelle. Le nouveau parti, serait piloté, semble-t-il, dans l’ombre, par le célèbre Sergent-chef Ibrahim Coulibaly. On peut concéder à ce dernier, le courage d’avoir dit haut ce que d’autres pensent très bas. Cependant, il convient de se méfier des messies de dernière heure quand on se rappelle leur passé. Injecter du sang neuf dans la classe politique ivoirienne et par-delà, dans la classe politique africaine, semble être partout d’une absolue nécessité. Mais, à l’épreuve des faits, ceux qui sont les premiers à réclamer ce changement sont les mêmes qui se laissent séduire par l’appel au ralliement, armes et bagages, des tenants du pouvoir du moment, abandonnant ainsi leurs convictions politiques aux vestiaires. En Afrique, un strapontin ministériel est toujours plus avantageux qu’une posture d’opposant, à la périphérie du pouvoir.

Très cher neveu, je ne sais pas ce que tu en penses.

L’idée peut paraître farfelue. Toujours est-il que les gens ne manquent pas d’humour pour suggérer que puisque les Ivoiriens ne s’entendent sur rien, sauf sur le football, il faudrait former un gouvernement composé uniquement d’éléments de l’équipe nationale, les Eléphants, convertir les politiciens en ramasseurs de ballons et les Ivoiriens en applaudimètres. Peut-être qu’en ce moment, le vieux Houphouët dormira tranquillement enfin dans sa tombe.

Ton oncle

Le Pays