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Relations sino-africaines : Pékin sur tous les fronts

Publié le mercredi 21 juin 2006 à 07h53min

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"La Chine continuera à travailler avec les pays africains afin de renforcer la coopération sino-africaine, et de lui insuffler une nouvelle énergie." Lors de sa récente tournée en terre africaine au cours de laquelle il a signé des accords pétroliers avec le Nigeria et le Kenya, Hu Jintao, le président de la Chine populaire, a manifesté son intention d’intensifier la coopération entre son pays et un certain nombre d’Etats africains.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’influence de ce pays sur le continent africain se fait de plus en plus grandissante, et son intérêt pour l’Afrique, des plus perceptibles.

En triplant son commerce avec le continent noir pour le porter à 37 milliards de dollars au cours des cinq dernières années, en signant des accords pétroliers et gaziers, et en formant dans ses universités les futurs cadres et élites de l’Afrique, la Chine veut, manifestement, faire de l’Afrique un avant-poste dans sa quête d’une influence mondiale. C’est que le continent joue un rôle stratégique sur bien des plans, notamment, économique, diplomatique et politique.

Sur le continent, elle est présente sur de nombreux chantiers du développement : infrastructures routières et sportives, éducation, commerce, santé, etc. De même, il est arrivé qu’elle fasse son apparition là où les Occidentaux ont imposé des sanctions, notamment économiques. Bref, c’est dire combien les Chinois sont décidés à être présents sur le continent.

Un vif intérêt pour l’Afrique face auquel, cependant, certains ont vite fait d’agiter les grelots du néocolonialisme tout en accusant "le Pays de l’Empire du Milieu" de vouloir pomper les richesses de l’Afrique. A dire vrai, l’intérêt récent que la Chine manifeste au continent n’est pas pour plaire à ceux qui l’ont longtemps exploité et continuent à le faire, et dont l’intérêt pour ses matières premières se trouve ainsi fortement concurrencé. L’entrée en force de la Chine sur le marché africain - et bien au-delà, sa place sur la scène internationale - se heurte, à l’évidence, à bien des intérêts occidentaux. Si fait qu’elle inquiète.

En termes d’approvisionnement en sources d’énergie par exemple, les hydrocarbures africains représentent près de 30% des besoins chinois. Une donnée qui ne ferait certainement pas plaisir à des compagnies pétrolières occidentales. Toujours est-il que l’on peut être, dans une certaine mesure, porté à croire que la Chine n’a "aucun intérêt égoïste" vis-à-vis de l’Afrique.

Cela d’autant plus que, comme l’indique le sénateur congolais Alphonse Gondzia, "l’aide chinoise n’est assortie d’aucune condition politique, à la différence des pays occidentaux". Même si, comme on le sait, la coopération chinoise avec les Etats africains n’est pas, du côté du partenaire chinois, sans arrière-pensée. Elle pourrait, par exemple, bien servir à contrer les velléités "indépendantistes" de Taiwan.

Reste que la Chine n’est pas, comme les puissances qui l’ont devancée en terre africaine, une ancienne puissance colonisatrice. Cela explique-t-il son approche, faite davantage de pragmatisme ? En tout cas, un aspect sur lequel elle fait la différence réside dans la revente des matières premières transformées. Importées d’Afrique et transformées ensuite, ces matières premières sont en effet revendues sur le continent, souvent à des prix défiant toute concurrence.

A des prix tels que l’on a parfois crié au spectre du dumping. Rien à voir donc avec les produits qui, après avoir quitté les ports africains puis transformés en Occident, sont revendus en Afrique à des prix plus chers que des produits semblables qui auraient été transformés au "Pays de l’Empire du Milieu". Ce n’est pas un hasard s’il est collé une image négative aux produits "Made in China".

Autre aspect qui marque l’originalité de la coopération chinoise : elle ne connaît pas la diplomatie du chéquier. Plutôt que de cracher dans le bassinet d’une Afrique où les fonds destinés à l’aide ont bien souvent pris des destinations plus que douteuses, la Chine s’est inscrite dans la logique de l’aide à la fois "concrète et réaliste". Il est clair que c’est ce type de coopération avec la Chine qui peut grandement profiter à l’Afrique et à toute sa population. D’autant que l’approche produit déjà ses effets. Une chance énorme de renouveau économique pour les Etats africains. Même si l’on peut reprocher à la Chine l’absence, dans sa démarche, de transferts de technologie, de formation et d’emploi de main d’oeuvre locale.

Dans l’intention d’assurer son grand retour sur la scène mondiale et se hisser au même niveau commercial jamais égalé, le pays de la Grande muraille marche à coup sûr sur les plates bandes de ceux d’en face, les Américains notamment. On pourrait même dire qu’elle est partie pour marginaliser leur influence. A Washington, la Chine n’est-elle pas perçue comme la principale source des déséquilibres commerciaux et financiers de l’économie américaine ? Et puis, que dire de ce grand débat qu’avait suscité la question du textile chinois et qui avait mis les Occidentaux dans tous leurs états ?

Mais après tout, c’est aussi cela les dures réalités d’une libéralisation tous azimuts. Doit-on reprocher à la Chine de vouloir assumer son statut de grande puissance démographique et économique ? Doit-on également reprocher à l’Afrique d’entretenir des relations mutuellement avantageuses entre deux partenaires ?

La réponse est bien entendue négative quand on sait que ce sont les mêmes Occidentaux prompts à dénoncer ces rapports qui sont les premiers à se bousculer aux portes de la Chine en dépit des accusations d’entorses aux droits de l’homme portées contre elle. En tout cas, vouloir la maintenir dans un carcan serait un combat perdu d’avance.

Le Pays

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