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Développement de l’économie du Tourisme au Burkina Faso : le point de vue de l’ambassadeur Gérard Simon

Publié le lundi 19 juin 2006 à 07h06min

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Gérard Simon

Ancien ambassadeur de France au Burkina, M. Gérard Simon est resté très proche de ce pays qu’il continue à visiter régulièrement. Sur les voies et moyens de son développement il conserve le point de vue de l’observateur avisé comme on peut le voir dans cette analyse sur les potentialités de l’économie du tourisme dans notre pays.

Le Burkina-Faso, avec les diversités culturelles authentiques de ses populations et la qualité de bien des sites, recèle d’indéniables atouts touristiques dont les capacités sont vastes et loin d’avoir été totalement valorisés jusqu’à ce jour.

Le niveau actuel des flux est, en effet, encore largement inférieur aux potentialités de ce Pays sahélien attractif à bien des titres.

En effet, dans le contexte actuel, les acteurs agissent de manière encore trop dispersée et s’adressant à une clientèle relativement ciblée et donc forcément limitée en raison des concepts des produits qu’ils offrent. La plus part d’entre eux, pleins d’initiatives mais dont les moyens sont le plus souvent assez modestes, font valoir davantage les cotés ‘’ trekkings, routards, folkloriques ‘’ de leurs prestations en garantissant un dépaysement ambiant qui, en fait, est souvent à la mesure de la capacité de leurs investissements.

Certes, ce type de produit peut s’avérer attractif pour une clientèle généralement jeune et d’un niveau social moyen. En revanche, cet archétype entretenu d’un tourisme de brousse a fini par inscrire dans la mémoire collective occidentale l’image d’un Burkina-Faso ‘’ Terre d’aventure ‘’, occultant par trop celle d’un Pays ‘’ Terre de culture ‘’. La perception forgée auprès des medias par les promotions publicitaires de la plus part des acteurs burkinabé peut effectivement se révéler dissuasive pour toute une clientèle que l’âge ou le milieu social ne prédispose pas à une approche des particularités locales dans des conditions quelque peu rustiques et axées sur une immersion ambiante par trop superficielle.

En revanche, une gamme plus large de clients potentiels serait certainement motivée par la destination Ouagadougou afin de découvrir les valeurs culturelles authentiques, en recevoir les clés dans un contexte qualitatif attrayant aux plans de la spiritualité et du confort.
Il serait donc impératif de procéder à un recentrage de l’image du tourisme burkinabé en élargissant la gamme des produits offerts.

En conséquence, le schéma d’orientation du prochain plan directeur de développement devrait permettre de définir, en priorité, les conditions et moyens d’une coordination efficace de l’ensemble des intervenants du secteur. Il importe, en effet, de susciter un véritable esprit d’entreprise au sein de cette profession afin qu’elle considère, mieux qu’elle ne le fait encore actuellement, que le tourisme est une industrie à part entière.

Le Gouvernement devrait donc s’efforcer de faire évoluer les mentalités et les méthodes afin de permettre la création de bases de données collectives fiables et d’outils de management propices à un marketing générant des effets multiplicateurs. La solution, reposerait sur l’élaboration d’un modèle qui rende techniquement possible, dans l’intérêt général, la coopération entre les différents acteurs du tourisme.
Ceci étant, il serait nécessaire d’élargir, en nombre et en qualité, la gamme des produits offerts. A cette fin, il conviendrait de valoriser ceux existants et de favoriser la création de nouvelles propositions axées sur une dimension culturelle prépondérante. Ce qui revient à dire qu’il conviendrait d’organiser la profession classée en trois ou quatre catégories en fonction de plusieurs données qualitatives objectives telles que : le concept, l’accueil, les infrastructures, l’hygiène, la nourriture, l’accompagnement, les circuits, etc.....

Pour ce faire, il y aurait lieu de définir préalablement des normes techniques d’appréciation relatives à chacune des catégories. Une fois accomplis, ces bilans permettront d’établir, sans conteste, une hiérarchie du niveau des prestations et d’étayer l’octroi de labels de qualité.

Cette classification publique et maîtrisée offrirait d’indéniables avantages :
- Elle inciterait les acteurs à une concurrence ouverte par l’amélioration des services et des infrastructures.
- Elle offrirait les garanties, faisant encore défaut, à la clientèle internationale et contribuerait à la valorisation certaine de l’image du tourisme burkinabé par l’émergence de produits fiables et de qualité.
- De son coté le Gouvernement détiendrait, d’une manière toute naturelle, les instruments de gestion lui permettant, entre autre, de procéder à des incitations d’ordre fiscal afin de soutenir les efforts de reclassement engagés par les entreprises de tourisme.
- La promotion des valeurs culturelles intégrées aux séjours serait également prise en compte et donc sérieusement contrôlée pour la détermination et l’attribution du niveau de labels qualitatifs, renouvelés périodiquement.
L’ouverture du tourisme vers des produits de qualité à vocation et à connotation culturelle ne peut se concevoir sans être accompagnée par une action de formation de guides de hauts niveaux de compétences titulaires d’un diplôme d’état, vecteurs indispensables, seuls à même de puiser aux sources des particularismes surnaturelles du religieux, de l’animisme, du fétichisme, des arts, des coutumes et usages des populations des diverses région du pays.

La qualité de leurs exposés devrait donner aux touristes les clés de la connaissance approfondie du Burkina-Faso sous tous ses aspects et, par là même, de valoriser son image à l’étranger. Il appartiendrait donc au Gouvernement de définir un cursus de formation et la nature du statut de ces guides. Les étudiants en sociologie, en anthropologie sont suffisamment nombreux auprès de la Faculté de Ouagadougou pour qu’un niveau de compétence élevé puisse être déterminé.

Ces guides, en dehors des périodes touristiques et de formation sur le terrain, pourraient être chargés d’études auprès du Centre de Documentation sur les Sciences Humaines de Ouagadougou afin d’enrichir la documentation et de rédiger des articles de fond consacrés au patrimoine culturel du Pays. Leur nombre serait en adéquation avec la montée en puissance du tourisme à connotation culturelle.

Par ailleurs, ils pourraient coexister avec le personnel des guides déjà en place selon les catégories de produits proposés. C’est pourquoi, afin de mieux distinguer le niveau de leur formation et de pouvoir leur conférer un statut particulier au sein de la fonction publique, il serait probablement préférable de les qualifier de ‘’ Conférenciers Accompagnateurs ‘’
Les expériences passées ont montré les limites des politiques touristiques placées sous l’égide directive et castratrice des pouvoirs publics. Il n’en demeure pas moins que l’Etat burkinabé devrait tenir un rôle fondamental s’agissant de la mise en œuvre d’un projet d’envergure nationale. Car, sa crédibilité serait engagée tant au plan intérieur qu’international sans parler des effets économiques attendus.
- Au plan intérieur, une des priorités des pouvoirs publics devrait être de jeter les bases d’une organisation concertée afin d’introduire plus de cohérence dans cette branche économique majeure. A cette fin, il importerait, à l’instar de ce que la Tunisie à réalisé ( La Tunisie assume de puis Décembre dernier la Présidence de l’OMT ), de définir des normes de classification des acteurs en diverses catégories et par thèmes. De tracer des critères de qualité selon des niveaux définis pour les principales données des prestations attendues :
- Infrastructures.
- Gestion.
- Produit.

Ce canevas permettrait de décerner des labels de qualité et d’engager les acteurs à souscrire à une chartre de qualité.

Sans aller jusqu’au niveau de la Tunisie qui a défini 55 critères de qualité, 7 sortes de prestation et 13 catégories d’établissement, le Burkina-Faso aurait grand besoin d’introduire un système de classification qui générerait de nombreux avantages :
- Cette méthode de classification des acteurs, très appréciée et bien établie constitue un argument de marketing déterminant aux yeux des touristes potentiels.
- Aucun autre système ne permet à un touriste potentiel d’évaluer l’offre de prestation de services, l’infrastructure et l’équipement avant de faire son choix.
- Aucun autre système n’inspire à l’hôte potentiel un même sentiment de confiance par rapport aux prestations de service effectives qui lui seront offertes. En effet, un label de qualité ne peut être utilisé à des fins de publicité que lorsqu’il est clairement défini dans l’esprit du client.
- Ces normes qualitatives livrent de précieuses indications aux acteurs pour élaborer son produit et en planifier l’avenir.
- La transparence et la sécurité sont les deux principaux avantages que garantisse un classement assorti d’un label. Ce dispositif représente, en effet, pour le touriste la forme de communication la plus claire.

La mise en œuvre de ces normes de classification pourrait s’accompagner de retraits d’agrément salutaires en cas d’insuffisances notoires dans le niveau des prestations affichées.

Il appartient donc à l’Etat d’adopter les dispositions législatives définissant les critères de classification des catégories de prestations fournies par les acteurs des la profession du tourisme. Cette organisation réglementaire aurait probablement tout avantage à se construire en concertation avec les pays voisin dans le cadre de la CEDEAO ou de l’UEMOA. Les circuits touristiques sont, en effet, susceptibles de se développer avantageusement de manière inter régionale.

En revanche, la réalisation des mesures internes de classifications professionnelles devrait obligatoirement passer par le recours à un organisme extérieur, car l’évaluation des prestations devrait faire l’objet d’un constat établi sur des bases les plus objectives possible et sans jugement de valeur, de façon à pouvoir s’imposer et offrir toutes garanties au plan international.

Cette définition de normes incontestées permettrait, à la fois, de consolider l’image du tourisme en le rendant plus attractif avec un panel plus large de produits à connotations culturelles mieux déterminées tout en conférant une fiabilité rassurante aux descriptifs annoncés.

Par ailleurs, le Gouvernement serait mieux à même d’engager une politique plus affirmée, car plus crédible, en matière de promotion du tourisme sur les marchés extérieurs. En effet, la projection de données qualitatives indéniablement labellisées aurait certainement un impact effectif et productif sur les opinions publiques étrangères.

Dans le même temps, ce travail d’organisation, révélateur d’une réelle volonté politique, serait porteur d’une crédibilité propre à motiver les bailleurs de fonds bi ou multi latéraux. Ces derniers considèrent, d’ores et déjà, que le tourisme est un des paramètres déterminant du développement, cependant, ils ont tendance à retenir le déblocage de leurs aides en ce domaine tant que les états demandeurs ne se sont pas engagés, de manière consistante et affichée, dans la réalisation d’un plan directeur pluriannuel de développement.

Il est donc certain que la définition des orientations de celui que le Ministère de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat tient actuellement en chantier sera déterminante, à cet égard, lors de ses démarches ultérieures de recherches de financements ou d’aides à la formation des personnels.

Les perspectives de montée en puissance du secteur économique du tourisme seraient également un atout dans les négociations tarifaires à ouvrir avec les compagnies aériennes de transport régulières ou charter auprès desquelles la croissance potentielle des flux vers la destination Ouagadougou pourrait un argument de poids.

Le Burkina-Faso aurait probablement tout intérêt à s’inspirer des dispositions que vient de prendre le Maroc en créant des ‘’ Fonds d’investissements spécialisés dans les infrastructures touristiques ‘’ dont le processus est simple.

Etant donné la timidité des investisseurs privés à s’engager alors que la visibilité de la politique nationale n’est pas encore bien perçue, c’est le fond qui se charge des investissements selon des critères et des besoins parfaitement définis. Il s’agit de concevoir le produit avant de le construire.

Cependant, le contrat de gestion avec un concessionnaire qualifié, qui pourrait être une chaîne hôtelière, devrait, en revanche, être signé avant le lancement des travaux de construction.
Conclusions :

La réponse aux attentes exprimées en matière de promotion du secteur de l’économie du tourisme est à portée de main. Les orientations de la politique d’ores et déjà engagée s’inscrivent dans cette perspective. Il convient toutefois d’accentuer ces efforts en affichant, à la fois, pédagogie et autorité directive auprès de tous les acteurs de la profession.

De façon à projeter sur la scène internationale une image fiable et crédible des produits offerts et rendus plus attractifs encore parce qu’ils s’inspireront d’une dimension culturelle puisée aux sources des valeurs profondes des populations du Burkina Faso qui a déjà su donner une dimension internationale à des événements tels le SIAO et le FESPACO.

Il ne suffit pas de faire apprécier les sites de ce Pays si accueillant mais il faut aussi en faire aimer ses habitants et mieux identifier sa réussite sur la carte du monde.

Gérard Simon
Ancien Ambassadeur.

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Vos commentaires

  • Le 20 juin 2006 à 16:13, par TK de Kampala En réponse à : > Développement de l’économie du Tourisme au Burkina Faso : le point de vue de l’ambassadeur Gérard Simon

    Cette reflexion est tres riche et interessante en terme d’orientation pour l’elaboration des plans d’action strategique et operationnel du ministere du trourisme. A ce sujet, je me demande qu’est ce qui pourrait etre fait pour que ledit ministere et ses differents acteurs dans le secteur puissent s’approprier de telles idees et les traduires en actions concretes. Certes le fait de structurer deja ses idees et de les partager par le canal de l’internet est un pas appreciable mais je pense que de telles contributions meritent plus que cela.

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