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Législatives en Iran : Le pays des ayatollahs à la croisée des chemins

Publié le jeudi 19 février 2004 à 07h58min

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8300 candidats exclus des consultations législatives qui doivent se jouer vendredi 20 février 2004 en Iran pour "manquement à l’Islam", et le pays de l’ex-shah Mohammed Reza Pahlavi est au bord d’une crise socio-politique grave.

L’Iran est en effet divisé entre conservateurs et réformateurs, les premiers demandant l’application stricte de la charria alors que les seconds (ô sacrilège) veulent un islam plus "moderne". Encore un effet collatéral du choc des civilisations que les guerres du Golfe I et II ont entraîné.

Ainsi, à en croire les analystes et sans la foi des images qui nous parviennent, l’Iran serait au bord de la rupture entre conservateurs et réformateurs. A l’origine de ce clash, le modèle de société que les uns et les autres veulent pour leur pays, "modèles" qui se ressemblent comme le jour et la nuit. Ceux qu’on appelle les conservateurs sont en fait les héritiers spirituels et moraux de l’imam homeïny, l’homme qui a mis fin à la dynastie des Palhavi en 1979 pour instaurer en lieu et place de la monarchie, une république islamique "pure et dure". Fidèle à cet Islam "rigoriste", l’imam homeïmy fera tôt de ranger l’Occident en général et l’Amérique en particulier au rayon du "Mal". Dans le même temps, tous, les schémas idéologiques, politiques et culturels du "grand Satan", étaient bannis de la vie iranienne qui était à l’heure de l’Islam.

Cet intégrisme religieux et le discours politique qu’il véhiculait (sus à l’impérialisme, à bas l’Amérique...) contribuera à distendre les liens entre l’Iran et les pays occidentaux (l’Amérique en particulier) au grand bonheur de l’Union soviétique qui vivait les derniers moments de sa grandeur. Bien au chaud sous le parapluie nucléaire du "grand-frère" , soviétique Khomeiny se fera fort de mettre à mal les intérêts pétroliers et gaziers des Américains en Iran.

En réponse, l’Occident "montera" Saddam Hussein (qui était très courtisé à l’époque) contre le régime des Mollahs. Cela aboutira à la longue et meurtrière guerre du C hatt el Arab entre l’Iran et l’Irak. Le communisme défait en 1989 avec l’éclatement de l’URSS et la chute du mur de Berlin cette, guerre n’avait plus de sens dans l’immédiat d’autant que Saddam Hussein était devenu infréquentable et "wanted." Contre l’Iran, la guerre deviendra idéologique, l’Amérique suscitant et entretenant toutes les contestations contre le régime iranien.

Dans ce registre la récente fraude (fin 2003) des moudjahidin du peuple opposition radicale, qui a jeté un froid sur les relations Paris-Wasshington-Téhéran, laisse percevoir que l’Occident n’a pas abandonné l’idée qui le taraude depuis 1979, à savoir la "normalisation" de l’Iran.

Le choc des cultures

Mais dans un premier temps, le charisme de homenry empêchera le couvercle social de "sauter". A la mort du viel imam, le 3/6/1989, les luttes de succession fragiliseront déjà l’édifice, les "gardiens du temple", pensant tous détenir la science infuse et conséquemment être aptes à diriger le pays. On est mémoratif que dans ce cadre, l’Ayatollah Ali Khameni qui finira par triompher, avait ordonné en 1997, le jugement pour "trahison" de l’Ayatollah Moutazeri, ex-dauphin de Khomeiny.

Tant bien que mal, Ali Khomeni parviendra à maintenir la "ligne pure" malgré les fissures qui lézardaient l’édifice et qui se traduiront par la victoire des réformateurs lors des législatives de 2000. Mais ce sont les guerres du Golfe I et II qui infléchiront la tendance, avec tous les bouleversements géopolitiques, culturels et l’exacerbation des extrémistes qu’elles ont entraînée. Des guerres qui en sus d’être politiques ("remodelage" du Proche-Orient) et économiques (contrôle du pétrole mondial) étaient aussi culturelles ; l’Amérique voulant imposer la démocratie libérale dans ces contrées.

Avec la présentation "soft" de ce modèle à travers les télés-satellitaires de la région, et les paquets de dollars distribués généralement aux opposants, il y a de quoi susciter des "vocations". Qui plus est, la "conjoncture" économique que traversait le pays suite à la coûteuse mesure de rétorsion prise contre le régime (boycott de son pétrole, gel des avoirs extérieurs) incitaient plus d’un Iranien à aspirer au changement.

Tous ces effets, conjugués, au désir de mettre fin à la "gérontocratie" ont conduit à la naissance d’un courant réformateur au sein de la société iranienne. Affolés par cette vague satanique, les gardiens du temple ont cru bien faire en coupant la tête de "l’Hydre". Exit donc les candidats réformateurs, mais cela règle t-il pour autant le problème ? Rien n’est moins sûr dans la mesure où le "réformisme" a attint des degrés insoupçonnés au sein de la société iranienne (le propre frère du président Mohamed Khateni est un réformateur).

D’autre part, la prédation politique que subit actuellement le pays (l’Iran est dans l’axe du mal) contribue à l’isoler et à le fragiliser davantage. Inséré mécaniquement dans la mondialisation à l’instar de la majorité des pays de la planète, l’Iran refuse de perdre son identité culturelle, son âme. En un mot, le pays refuse d’être "mondialisé" dans le style "DMC-FMI, Banque mondiale". Un "crime" de lèse-majesté qui lui vaut aujourd’hui d’être à la croisée des chemins.

Boubakar SY
Sidwaya

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