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Émigration clandestine : L’Europe seule ne résoudra rien

Publié le samedi 10 juin 2006 à 08h34min

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Les barbelés de Ceuta

Enfin, on parle avec responsabilité de l’émigration clandestine. Les candidats africains au départ vers l’Europe sont de plus en plus nombreux. Pour y mettre un terme, ne fallait-il pas que les deux continents concernés acceptent de se parler d’abord ? C’est ce qui vient de se passer à Dakar mardi dernier. Il était bien temps.

L’Europe avait choisi de faire le contraire. Chaque gouvernement s’évertuait à dresser autour de ses frontières des barbelés et à concevoir une batterie de lois inspirées par des impératifs de politique intérieure. Forcément la dureté des mesures ne pouvait qu’entraîner des levées de boucliers de l’autre côté de l’Atlantique.

Bien qu’il ne faille pas dénier le droit aux Occidentaux de contrôler les flux migratoires, dès lors que la poussée est de plus en plus forte, il demeure un fait indéniable, la remise en cause de certains principes acquis.

En effet, les textes adoptés, notamment ceux de l’ambitieux Nicolas Sarkozy ne se contentent pas uniquement de stopper l’émigration clandestine. Ils s’attaquent aussi à ceux déjà établis sur place, obligeant nombre d’entre eux à reprendre le chemin inverse.

Cette politique délibérée débutée par la France depuis le début des années 90 n’a cessé d’être accentuée, par les lois Charles Pasqua de 1993 et plus grave par celles Sarkozy récemment.

Passe encore que les frontières de notre chère France se ferment face à ceux qui partent en "clando", mais pour ceux qui veulent s’y rendre officiellement, vacances, études, soins... les difficultés d’obtention des visas, les longues files d’attente dans les représentations diplomatiques sont autant de gouttes d’eau en trop. La pilule a fini par rester en travers des gorges.

Divorce consommé

Aussi pour nombre d’Africains, notamment les francophones, la France et partant l’Europe n’est plus l’eldorado annoncé. A force d’humiliations, d’avaler des couleuvres, ils ont fini par se tourner vers la "grande et belle" Amérique, Etats-Unis et Canada ayant désormais leur faveur.

Oui, en France, l’impression établie pour tout Africain, c’est qu’on n’est plus désiré, clandestin ou pas. Nicolas Sarkozy par ses lois a mis un terme au regroupement familial, au renouvellement systématique d’une carte de séjour de dix ans, à la non-régularisation des clandestins de longue durée sur le sol français...

Le divorce était d’autant prévisible, levée de boucliers tous azimuts que dernièrement la visite du ministre Sarkozy au Mali et au Bénin, n’a plutôt agi qu’à creuser le fossé des divergences de vision et de traitement de la question.

La politique du tout répressif, de la tolérance zéro menée en "solo" par l’Occident est vouée à l’échec. Du reste, si les rapatriements dans les conditions inhumaines étaient la solution, il y a longtemps que le problème était résolu.

Il faut espérer

Il est certes vrai que personne ne va se hasarder à dire que la table ronde de Dakar, tenue mardi entre cadres africains et européens sur les causes et le contrôle de l’émigration sera couronnée de succès. Mais elle s’inscrit dans ce qu’il aurait fallu faire depuis longtemps, se parler entre protagonistes et essayer ensemble de dégager des pistes de solutionnement.

Le projet de plan d’action euro-africain conçu n’a pas encore fini de cheminer puisque début juillet à Rabat, il sera vu à la loupe par les ministres des deux continents. La vraie avancée dans ce dossier épineux, c’est que la réunion sénégalaise ait admis que le contrôle des flux migratoires dépend autant des Africains que des Européens. La mise, du moins on l’espère sous le boisseau du cavalier seul européen, sonne comme une grosse pierre dans le jardin du ministre de l’Intérieur français.

Quant au contenu du plan d’action, prônant le co-développement qui consiste à initier des projets locaux capables de maintenir les jeunes dans leur terroir, la problématique du financement a été soulevée. Selon les Occidentaux, qui doivent délier le cordon de la bourse, cela se fera comme une lettre à la poste. Par d’un, une augmentation de l’aide au développement et de deux, une adaptation des aides déjà existantes.

Pour la seconde piste, on demande à voir, mais pour la première comment ne pas admettre que leur décision d’accorder 0,1 % de leur PIB à l’aide au développement n’est pas respectée par plus de 90 % d’entre eux. Il revient donc à nos ministres qui seront à Rabat de mettre leurs interlocuteurs en face de cet engagement non mis en œuvre, avant d’aborder tout autre aspect de ce dossier.

En fait, aucun Africain ne se précipitera en Europe, envers et à mieux entrevoir l’avenir. Avoir donc une politique lisible est la seule, alternative aujourd’hui capable de tenir la route.

Enfin, il ne faudra pas occulter la réalité selon laquelle, l’histoire de l’humanité montre que l’homme a toujours eu le besoin de bouger. Les flux migratoires existaient et continueront de l’être, barrières renforcées de textes durs ou pas. La rencontre de Rabat ne devra pas occulter ce fait établi dès l’aube des temps.

Souleymane KONE

Sidwaya

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