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Immigration : Quand Wade hausse le ton...

Publié le lundi 5 juin 2006 à 07h34min

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Abdoulaye Wade

Le chef de l’Etat sénégalais ne s’est pas embarrassé de précautions diplomatiques pour dire aux dirigeants politiques espagnols qu’il n’est pas content de la manière dont ses compatriotes, une centaine de migrants clandestins, ont été interceptés dans l’archipel espagnol des Canaries et rapatriés au Sénégal.

Selon des témoignages, ces clandestins qui partaient comme bien d’autres Africains à la recherche de meilleures conditions de vie en Europe, auraient été torturés. Pourtant, Madrid et un certain nombre de capitales africaines ont signé des accords de rapatriement des clandestins entrés illégalement en Espagne. Aux yeux du président Wade, les traitements subis par ses compatriotes relèvent du mépris et ne sont pas de nature à accorder un quelconque crédit à des accords sur le rapatriement des migrants africains.

Le chef de l’Etat sénégalais, pour signifier aux dirigeants espagnols, sa désapprobation et aux Sénégalais qu’il est prêt à aller jusqu’au bout pour défendre l’honneur et la dignité des Sénégalais, a demandé la suspension desdits accords. Au délà du Sénégal, Wade s’élève contre le mur du silence complice qui entoure les atrocités dont sont quotidiennement victimes les Noirs en Europe.

Les responsables espagnols, après avoir démenti les informations sur les tortures subies par des clandestins sénégalais, ont fini par envoyer à Dakar un émissaire pour résoudre ce problème qui peut bien détériorer les relations entre Madrid et l’Afrique. Ils se sont rendus compte que les propos de Wade ne sont pas des gesticulations d’un homme que l’on dit imprévisible, en quête de publicité et qui, pour des calculs politiques à usage interne, s’est saisi de cette question des clandestins pour en tirer tous les bénéfices.

D’aucuns pourraient soutenir que le président sénégalais qui est un fin manoeuvrier, un opportuniste, est prêt à sauter sur toutes les occasions, pourvu qu’elles lui rapportent des gains politiques à la présidentielle de l’année prochaine. L’attitude de Wade ne peut être guidée par ces seuls calculs politiciens. Il y a quelques années de cela, il a renvoyé des Français sans papiers chez eux, repliquant ainsi aux autorités françaises qui avaient rapatrié des Sénégalais pour défaut de documents. Wade ne faisait qu’appliquer le principe de la réciprocité.

Le président sénégalais, quels que soient les griefs qu’on peut lui porter, ne manque pas de courage. Sur des questions autour desquelles nombre de responsables n’osent pas se prononcer, il fait entendre sa voix.

Comme en France récemment où il s’est « emporté » contre la politique de l’immigration du ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy dans laquelle il voit une manière de préparer la fuite des cerveaux, notamment africains. Et cela après que la France eut exploité pendant longtemps les richesses naturelles et la main d’œuvre de ses anciennes colonies d’Afrique. Wade, cet intellectuel pétri de culture occidentale, ne souffre nullement de ce complexe de néo-colonisé.

Une chose est d’élever la voix, de hausser le ton quand il le faut, une autre est d’avoir les moyens de sa politique quand on est le président d’un pays pauvre, en butte à d’énormes difficultés économiques et sociales comme le Sénégal.

Comment retenir au pays ces nombreux Sénégalais dont de nombreux cadres qui parcourent le monde à la recherche de meilleures conditions de vie ? Cette question se pose à la plupart des pays et responsables africains dont les ressortissants sont contraints, parfois aux prix de leur vie, d’aller vers d’autres cieux alors que la générosité et l’hospitalité n’y sont plus de règle. Les pays d’Europe verrouillent leurs frontières parce qu’ils ne peuvent plus « nourrir la misère du monde ».

Aux sommets de l’Union africaine de Ouagadougou en septembre 2005 et de la Francophonie à Bamako en décembre de la même année où il a été question d’emploi, il a été reconnu l’urgence de retenir les Africains chez eux en leur offrant les meilleures conditions de travail et de vie. Il est temps de réagir. Est-ce la volonté politique qui manque ?

Bessia BABOUE

Sidwaya

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