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Villepin à Matignon, an I : CPE, corbeaux et précampagne

Publié le jeudi 1er juin 2006 à 08h08min

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Dominique de Villepin

Les 365 jours que Dominique Galouzeau de Villepin a passés à Matignon ressemblent à cette légende de la séparation que décrit Blaise Cendrars (1) le poète qu’affectionne justement le Premier ministre français, amateur, lui aussi, des envolées lyriques.

Lorsque le 31 mai 2005, Jacques Chirac décidait de faire partir Jean-Pierre Raffarin, empêtré dans ses raffinades, et le remplaçait par l’ex-ministre des Affaires étrangères, les analystes politiques avaient eu la même lecture en s’accordant que c’était dans la suite logique des choses. Du reste, l’intéressé avait déclaré, avant sa nomination, que "c’était Matignon ou les champignons". A l’époque, il triomphait de son ennemi intime, Nicolas Sarkozy, qui lorgnait aussi cette primature, mais qui, finalement, retrouvera la Place Beauveau, qu’il avait occupée en 2003.

Une promotion qui ne trompe personne, car l’horloger politique de la France ces quinze dernières années, en bombardant son ancien secrétaire général de la présidence PM, nourrissait le dessein affiché de barrer la route à celui déjà qui s’était emparé du parti gaulliste, l’UMP, et qui "pensait à l’Elysée, pas seulement en se rasant chaque matin". Le mentor de Villepin avait vu juste, car en ce temps-là, seul l’actuel PM pouvait espérer croiser le fer avec Nicolas Sarkozy, qui avait survécu à tous les traquenards politiques, et qui ne craignait que... Chirac, et là encore... En se carrant dans le fauteuil de chef du gouvernement, l’homme avait promis de "donner espoir aux Français en 100 jours" ; l’image de la baignade à la Baule a fait aussi le tour du monde, bref, Villepin cultivait un optimisme qui, du reste, ne l’a jamais quitté.

Nommé donc sous de bons auspices, une année après, le bilan est mitigé pour ses thuriféraires et mauvais pour ses contempteurs. D’emblée, c’est connu, Villepin a du bagout, le verbe haut et si, comme on le dit, c’est "La bouche qui arrange, c’est la bouche qui gâte également", ses adversaires estiment qu’il cultive une certaine arrogance, est hautain et a une haute opinion de sa personne. Et en une année, beaucoup estiment que l’intéressé a fait des sorties hasardeuses, s’est souvent fourvoyé, et, pire, a fait de la résistance avant souvent de jeter l’éponge. Ce que ne veulent pas entendre les villepinistes, ses partisans, qui estiment au contraire que le Premier ministre a une stature d’homme d’Etat et ne vise que le bonheur des Français.

En tout cas, le premier baptême du feu de Villepin à ce poste aura été la crise des banlieues, dont la responsabilité a été imputée à Sarkozy par les fidèles de Villepin. Une crise dans laquelle a barboté tout le gouvernement français au premier rang duquel Chirac himself. On l’aura remarqué à l’époque, passées les accusations réciproques, Villepin a tenté de calmer le jeu, et a même assumé ce qui apparaît, avec le recul, comme une crise conjoncturelle. Même si cette bombe sociale a été désamorcée, elle demeure latente, et c’est sans doute pour y apporter un début de solution que naquit le contrat premier embauche (CPE).

Le CPE ! Voilà un projet, porté à bout de bras par Villepin pendant des semaines, car "c’était son bébé, il y croyait fermement", mais in fine, qui fera flop. Pourtant, le CPE n’était pas si mauvais que cela. Certes, le fait qu’un patron puisse renvoyer son employé sans explications durant les 2 ans d’essai confine à de la précarité, mais la vraie précarité dans l’embauche est bien ces CDD à n’en pas finir, avec à la clef un chômage qui ne dit pas son nom. Mais que voulez-vous, depuis Alain Juppé, aucun PM n’a pu faire passer une réforme à même de bouleverser le train-train des Français. A y observer de près, les Français semblent réfractaires à toute réforme, et tout projet y relatif remplit la rue de monde et provoque des tirs groupes dans la presse sur le gouvernement.

A peine Villepin avait-il mis sous boisseau le CPE, que déjà des corbeaux se mirent à croasser au-dessus de Matignon, via la DST, la DGSE et le RG. Bonjour clearsteam ! Une affaire qui vient en rajouter au pathos dans lequel barbote Villepin. On accuse, dans cette affaire, le PM d’avoir, alors qu’il était en charge des Affaires étrangères, enquêté sur Nicolas Sarkozy (à l’époque ministre de l’Intérieur) sans avertir ce dernier. L’enquête avait abouti à la conclusion que des personnalités dont Sarkozy possédaient des comptes bancaires à l’extérieur notamment à la Banco populare de Sandrio. Une affaire politico-mediatico-judiciaire, mise à nue après l’audition du chef enquêteur de l’époque, le général Rondot, mais surtout avant, par l’envoi de lettres anonymes par des corbeaux dont l’un deux, Jean-Louis Gergorin, est devenu ces derniers jours une pie craignant pour sa vie.

Dans cette histoire, les têtes du monstre bicéphale de Chirac se rejettent la balle. Sarkozy pense qu’on veut le cannibaliser politiquement à moins d’un an de la présidentielle, alors que le PM estime que les Sarko boys, qui ne supportent pas sa "réussite contre le chômage, veulent le flinguer avant 2007". Un feuilleton en tout cas qui n’a pas encore livrer son épilogue, et qui risque de causer des conséquences incalculables aux prétendants au "Château". Enfin, à la veille de ce premier anniversaire, une autre affaire dont le PM poète aurait voulu se passer est celle relative à Guy Drut.

A l’évidence, cela fait trop pour Villepin, qui est au creux des sondages, entraînant avec lui Jacques Chirac. En vérité, ce que vit Villepin et qu’ont vécu ses devanciers avant lui est le signe annonciateur d’une grave crise de la Ve République française. Le livre du directeur du Point (2) décrit bien à propos le drame que vit Chirac à travers Villepin : frappé par la logique biologique (il a 74 ans) et sans doute même politique, il tente de faire élire son homme, qui a en face un autre, qui veut aussi cette place douillette de l’Elysée. Alors questions : Villepin, qui n’envisage pas de démissionner, sera-t-il limogé par Chirac et remplacé avant le 14 juillet 2006 par Sarkozy, Jean-Louis Borloo ou Thierry Bretton comme le susurrent certains ? Ou bien Chirac le gardera-t-il quitte à ce qu’ils coulent ensemble avant l’échéance de 2007, plombés qu’ils sont par ces sulfureuses affaires ? Toujours est-il que de l’avis de nombreuses personnes, Chirac est turlupiné au sujet de son "conseiller aulique" comme l’appelle François Bayrou.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Notes :
(1) : Anthologie Negre de Blaise Cendrars
(2) : La tragédie du président de Franz-Olivier Giesbert.

Observateur Paalga

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