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Impunité en Afrique : Les ingérences maladroites de l’Occident

Publié le mardi 23 mai 2006 à 05h53min

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Hissène Habré

Les anciens dictateurs doivent-ils avoir un exil doré en Afrique ? La question agite depuis quelques années tous les cercles de réflexion tant politiques, sociaux qu’intellectuels, sans qu’une position unique et consensuelle soit trouvée.

L’Union africaine, qui a été pour la première fois mise devant ses responsabilités, à travers l’affaire Hissène Habré, a voulu prendre le temps de la réflexion. C’est ainsi qu’au sommet de Khartoum en janvier dernier, un groupe d’experts a eu la charge de dire aux chefs d’Etat, le traitement à réserver à l’ancien président tchadien. En prenant à bras-le-corps ce dossier pourtant délicat, l’UA ne fait qu’appliquer les règles qu’elle s’est fixées dans son acte constitutif, qui condamnent et interdisent l’impunité.

Pendant que l’on fait une fixation sur Hissène Habré, d’autres dictateurs, peut-être plus sanguinaires, sont loin des feux de l’actualité. Ce fut le cas pour Jean Bedel Bokassa et Idi Amin Dada qui avaient bénéficié de l’asile politique respectivement en France et en Arabie Saoudite. C’est le cas aujourd’hui de Mengistu Hailé Mariam à qui le Zimbabwe offre l’hospitalité. Ce dernier est sans doute l’un des pires dictateurs que le continent ait sécrété.

Sa carte de visite est en effet impressionnante :coup d’Etat en 1974, exécution des dirigeants renversés, assassinat de milliers d’opposants, généralisation de la torture, déplacement forcé de centaines de milliers de paysans, bombardement de populations civiles, utilisation de la famine comme arme de guerre, instauration d’un régime de terreur.

Le Négus rouge, comme on le surnommait, n’a pas fait dans la dentelle. Ces « hauts faits d’armes » valent au colonel Mengistu d’être inculpé par son pays de génocide. Son jugement se fait par contumace puisque son hôte, Robert Mugabé, refuse de l’extrader. On s’étonne donc qu’avec un tel passé, Mugabé ne fasse pas l’objet de pressions aussi fortes que celles qui sont exercées sur le président Wade et l’UA ou, récemment, sur le président Obasanjo et qui l’ont obligé à remettre Charles Taylor au Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Les associations de défense des droits de l’homme, l’UA et la communauté internationale ont des motifs supplémentaires pour régler au plus vite le cas Mengistu en ce qu’il a plus de sang sur les mains et qu’il a perpétré ses crimes sur le sol même qui a l’honneur d’abriter le siège de l’UA. L’Ethiopie devrait être, par le symbole du siège, exemplaire à tous points de vue. Malheureusement, la fin de la Terreur rouge en 1991 n’a pas permis à ce pays d’entrer dans le cercle vertueux du développement et de la démocratie.

Le constat de Human rights watch , sur la situation du pays, est alarmant : « Les conditions de vie sont mauvaises, les salaires sont bas et le taux de chômage élevé. Par conséquent, la prostitution s’est répandue et les enfants abandonnés dans la rue constituent un problème inquiétant ». Les libertés politiques sont en péril aussi en Ethiopie et il n’est pas rare que du haut de leur Tour, les fonctionnaires de l’UA assistent à la répression d’opposants.

Cette chape de silence sur certaines dérives du pouvoir éthiopien n’est certainement pas étrangère à l’appui inconditionnel qu’il reçoit des Etats-Unis, pour services rendus probablement en matière de lutte contre le terrorisme. L’UA devait être la première à déplorer la situation chaotique qui prévaut en Ethiopie. Elle ne le fait pas parce que la première puissance du monde souhaite qu’il en soit ainsi.

Mais en optant pour le profil bas, l’organisation continentale révèle la faiblesse de sa marge de manoeuvre et son incapacité à imposer la bonne gouvernance dans les Etats membres. Dans ces conditions, on voit mal comment elle pourra venir à bout de l’impunité, sinon à regarder les grandes puissances faire régner leur loi , en décidant, selon leurs intérêts, de qui subira les foudres de la justice et de qui ne le sera pas.

L’Union africaine n’a fait que prendre acte de l’extradition de Charles Taylor vers la Sierra Leone parce que telle était la volonté de Washington. La même logique sélective s’applique aussi à l’appréciation que les grandes puissances font des avancées démocratiques. Les pays pauvres sans grands enjeux géostratégiques sont soumis à un régime sévère qui les oblige à se soumettre à des règles économiques et politiques édictées de l’extérieur. Sur eux pèse en permanence, le couperet des sanctions.

A contrario, d’autres pays peuvent tout se permettre, rien ne leur arrivera tant qu’ils regorgeront de pétrole ou serviront de base arrière pour la lutte contre le terrorisme. Cet interventionnisme extérieur contribue à perpétuer, en définitive, l’impunité en Afrique, puisqu’il crée un système préférentiel en matière de criminalité.

Le Pays

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