Etat de connaissances sur la valorisation de la case de conservation « Tilgr-Baore » des cultures maraichères dans les régions de Yaadga et du Kuilsé
Résumé
Ce document de vulgarisation est tiré exclusivement de l’article scientifique « Local Techniques for Crop Conservation in Burkina Faso : Analysis of the Valorization Status and Perception of Tilgr-Baore Technology » publié sur https://openresearchlibrary.org/content/a42561d6-7d89-4db4-ae94-9e38e6c163ce. DOI : http://dx.doi.org/10.5772/intechopen.85179/ Il présente le partage d’expériences d’une association de producteurs oignons dans la conservation des cultures maraichères afin de susciter chez les producteurs les bonnes pratiques de conservations par partir de savoirs endogènes en vue de réduire les pertes post récoltes.
Mots clés : agriculture, valorisation, technologie, perception, Tilgr-Baore
Introduction
Au Burkina Faso, l’agriculture est la principale source de revenus des populations les plus pauvres et le pilier de la sécurité alimentaire du pays. Elle emploie plus de 80 % de la population active et contribue à hauteur de 30,3 % au PIB [1]. L’agriculture est dominée par les petites exploitations familiales et la production se compose principalement de céréales, de cultures de rente, de légumineuses/tubercules et de cultures maraîchères. Les cultures maraîchères concernent les fruits et légumes et sont pratiquées surtout pendant la saison sèche. Elles représentent 16,5 % de la production agricole et génèrent environ 400 000 emplois, dont 25 % sont occupés par femmes [2].
La production maraîchère est pratiquée dans toutes les régions du pays sur une superficie estimée à 27 661 ha, avec près de 21 cultures produites. La majeure partie de la production maraîchère est destinée à la vente, avec un taux de commercialisation global supérieur à 90 % [3].
L’oignon est la principale culture maraîchère, tant en termes de superficie plantée que de quantité produite. La production totale d’oignons bulbes représente 32,4 % de la production totale de légumes, et 41,4 % des surfaces maraîchères sont consacrées à la culture des oignons bulbes. La région nord est la principale zone de production d’oignons.
Dans cette région, la pomme de terre occupe également une place importante. La production de pommes de terre dans la région du Yaadga représente plus de la moitié de la production nationale [2]. Cependant, la production maraîchère, comme la plupart des produits agricoles au Burkina Faso, est affectée par les effets du changement climatique. Les effets du changement climatique se manifestent principalement par une diminution des précipitations, une dérégulation de la saison des pluies, une plus grande irrégularité des précipitations et une fréquence des sécheresses [4]. Les phénomènes extrêmes tels que les inondations et les sécheresses sont de plus en plus récurrentes et affectent les exploitations agricoles. En effet, les inondations ont touché 6,2 % des parcelles en exploitation au cours de la campagne 2016-2017, et 23,9% des parcelles ont été touchées par la sécheresse au niveau national [5]. Cette variabilité des précipitations affecte la disponibilité de l’eau nécessaire à la production agricole.
Outre ces risques liés à la production, la production maraîchère est confrontée à des contraintes de conservation. La conservation des récoltes est affectée par les attaques d’insectes, de rongeurs et de moisissures [6]. Les infrastructures de stockage des récoltes sont insuffisantes et restent inadéquates. Ces difficultés de conservation constituent une contrainte majeure pour le maraîchage. En effet, la plupart des produits maraîchers sont périssables et une mauvaise conservation détériore leur qualité [7]. L’absence de technologies de conservation adéquates ne permet pas aux producteurs de stocker les produits en prévision des périodes où les prix sont plus rémunérateurs.
Afin de lever ces contraintes, des technologies permettant une meilleure conservation des produits ont été développées. Cependant, ces technologies sont peu connues et peu adoptées. L’objectif de ce chapitre est d’identifier les contraintes qui freinent la valorisation de ces technologies et d’analyser les facteurs qui influencent la perception des innovations par les agriculteurs. La connaissance des contraintes à la valorisation des nouvelles innovations technologiques et la compréhension des facteurs qui influencent la perception qu’en ont les agriculteurs sont essentiels pour éclairer les politiques visant à diffuser ces technologies.
La littérature sur l’adoption des innovations révèle que la perception qu’ont les agriculteurs des technologies modernes a une influence significative sur leurs décisions d’adoption ([8] et [9]). L’adoption des technologies par les agriculteurs peut refléter une prise de décision rationnelle basée sur leur perception de la pertinence des caractéristiques et de la valeur de la technologie. Ce document vise à partager les résultats d’une recherche sur les facteurs socio-économiques qui déterminent leur perception de la case de conservation dénommée Tilgr-baoré.
2.Methodes d’analyses et sources de données
La perception de Tilgr-Baore est analysée à l’aide d’un modèle probit. La variable dépendante est une variable binaire (prend 1 si l’exploitant a une très bonne perception de la case et prend 0 sinon) qui permet d’apprécier la perception de l’innovation ou l’adoption de l’innovation en intégrant les caractéristiques sociodémographiques et institutionnelles susceptibles d’influencer la perception de l’innovation. Les données de cette étude ont été collectées dans le cadre du programme recherche-action sous le thème « Adoption et popularisation des techniques de conservation des oignons et des pommes de terre pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Burkina Faso : le cas de Tilgr-Baore », menée par une équipe multidisciplinaire. Pour la phase de terrain, un échantillon de 300 producteurs a été interrogé, dont 200 producteurs de pommes de terre et 100 producteurs d’oignons, dans les régions du Yaadga (Nord) et du Kuilsé (centre-nord) du pays.
5.Resultats
5.1. Perception des agriculteurs à l’égard de la technologie Tilgr-Baore
La perception de l’innovation est très importante dans le processus d’adoption. Elle indique le point de vue de l’utilisateur sur une technologie. Les décisions individuelles en matière d’innovation sont basées sur la perception qu’a l’individu de l’innovation. Selon [19], le rejet, l’abandon et la réinvention sont fréquents lors de la diffusion d’une innovation, et ce comportement peut être rationnel et approprié du point de vue de l’individu, à condition que le spécialiste de la diffusion puisse comprendre correctement la perception qu’a l’individu de l’innovation et de sa propre situation, de ses problèmes et de ses besoins. Nous analysons donc la perception des agriculteurs à l’égard de Tilgr-Baore, afin d’orienter les politiques visant à mieux diffuser cette innovation.
Tableau 1. Connaissance de la case Tilgr-Baore par les producteurs. Source : auteurs, données d’enquête, juillet 2018.
Plus de la moitié des producteurs interrogés (51,5%) ne connaissent pas encore la case de conservation Tilgr baore. Cette méconnaissance de l’innovation empêche les producteurs de bénéficier des avantages offerts par cette technologie. Est-ce que cette méconnaissance est liée à une faible utilisation des canaux de communication ?
En se concentrant sur les canaux de communication par lesquels les producteurs ont entendu parler de la case, les résultats montrent que les médias ont joué un rôle faible dans la diffusion de l’information auprès des producteurs. Les échanges au sein des coopératives d’agriculteurs sont le canal de communication le plus utilisé pour diffuser des informations sur les innovations. Ce mode de communication a permis à 41 % des producteurs d’être informés de l’existence de l’innovation.
Seuls 17 % des producteurs ont reçu des informations par le biais des médias (principalement la radio). Ce résultat signifie que les organisations d’agriculteurs jouent un rôle important dans la diffusion de l’information, car ces cadres d’échange constituent des éléments du capital social des producteurs.
Parmi les producteurs qui connaissent l’existence de cette innovation, on constate que 44 % ont une très bonne appréciation de la case de conservation. La majorité des producteurs interrogés (environ 53 %) ont une bonne appréciation de la case. Cependant, pour permettre à la technologie Tilgr-Baore de jouer un rôle important dans la conservation et la commercialisation des produits, 55,9 % des producteurs estiment que sa gestion devrait être assurée en groupe ou en association.
En outre, une proportion importante de producteurs (41,4 %) souhaite que la technologie soit gérée au niveau familial. Les producteurs évaluent les avantages de Tilgr-Baore en termes d’augmentation des revenus, d’amélioration de la qualité des produits et de sécurité alimentaire. La figure 10 représente la perception des producteurs sur les avantages de l’innovation.
Les résultats de l’analyse de la perception des producteurs sur les avantages de l’innovation montrent que 41 % des producteurs estiment que l’utilisation de la case de conservation améliore les revenus.
5.5. Résultats de l’estimation de la perception de la technologie Tilgr-Baore
On note que lorsque le producteur est instruit, la probabilité d’avoir une très bonne perception de Tilgr-Baore augmente de 12,71 %. il apprécie mieux l’utilité des nouvelles technologies et est ouvert aux nouvelles idées. on observe que lorsque la taille de l’exploitation augmente d’un hectare, la probabilité d’avoir une très bonne perception de Tilgr-Baore diminue de 4,02 %. Cela s’explique par le fait que les petites exploitations sont celles qui sont les plus confrontées aux contraintes de stockage des récoltes. La disponibilité d’informations sur l’existence de nouvelles technologies a incité les agriculteurs à percevoir davantage la technologie Tilgr-Baore. Enfin l’accès à des informations sur l’existence de nouvelles technologies de stockage des produits augmente la probabilité d’avoir une très bonne perception de Tilgr-Baore de 28,07 %. Par ailleurs, on retient que l’âge, le sexe, la taille du ménage et à l’expérience agricole n’expliquent pas la différence de perception entre les producteurs.
6. Conclusion
La production de l’oignon et de la pomme de terre a fortement augmenté ces dernières années du Burkina Faso. Une grande partie de la production est mise sur le marché au moment de la récolte afin d’éviter les pertes après récolte dues au manque d’infrastructures de stockage adaptées. Afin d’améliorer les marges bénéficiaires des agriculteurs et de maintenir la qualité des produits tout au long de l’année, des innovateurs locaux ont créé de nouvelles technologies de conservation. Ces technologies doivent être valorisées car elles ne sont pas suffisamment connues des utilisateurs. Les résultats montrent que de nombreux producteurs agricoles ne sont pas encore sensibilisés aux innovations technologiques en matière de conservation des oignons et des pommes de terre.
Le manque de formation de nombreux producteurs et le coût élevé des innovations peuvent limiter l’utilisation de technologies innovantes. Le niveau d’éducation et la disponibilité des informations ont une influence positive et significative sur la perception des producteurs de Tilgr-Baore. Pour une meilleure diffusion de ces technologies de conservation, il scie d’améliorer l’accès à l’information sur les innovations. Les résultats impliquent également que les politiques visant à promouvoir l’adoption de nouvelles technologies (principalement le Tilgr-Baore) devraient cibler en priorité les petites exploitations agricoles.
Kala Brigitte HEMA, Bienlo Annick Marina Paré, Marie-Thérèse Arcens Somé
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HEMA Kala Brigitte, Attachée de recherche à l’Institut des Sciences des Sociétés/ Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (INSS/CNRST), Ouagadougou/Burkina Faso
Références bibliographiques
[1] Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) ; 2016-2020, Burkina Faso. 88p
[2] Ministère de l’Agriculture de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) 2007. « Analyse de la filière maraichage au Burkina » / DSA/DGPSA/MAHRH/FAO 127p
[3] Direction de la Prospective et des Statistiques Agricoles et Alimentaires (DPSAA) ; 2011. Rapport général du module maraichage. 318p
[4] Ouédraogo M, Dembélé Y, Somé L. Perceptions et stratégies d’adaptation aux changements des précipitations : cas des paysans du Burkina Faso. Sécheresse. 2010 ;21(2):87-96
[5] Ministère de l’Agriculture et des Aménagements Hydrauliques (MAAH) 2017. Rapport général des résultats définitifs de la campagne agricole 2016/2017 et des perspectives de la situation alimentaire et nutritionnelle. DGEES ? 95p
[6] Waongo A, Yamkoulga M, Dabire- Binso CL, BA MN, et Sanon A. Conservation post-récolte des céréales en zone sud-soudanienne du Burkina Faso : Perception paysanne et évaluation des stocks. International Journal of Biological and Chemical Sciences 2013 ;7(3):1157-1167. Available from :
http://indexmedicus.afro.who.int

