Burkina/Consommation des produits locaux : Les transformateurs partagés entre enthousiasme et défis du secteur
Quelques produits transformés
La consommation des produits issus de la production et de la transformation locale est de plus en plus promue ces dernières années par les autorités. Si les populations adhèrent assez progressivement au concept du consommons local, les promoteurs de ces produits, eux, se réjouissent de pouvoir non seulement mettre à la disposition des consommateurs des produits locaux de qualité, mais aussi de pouvoir occuper une part de marché très souvent ravie par les produits importés. En dépit de leur volonté de bien faire, ils sont bien, des fois, confrontés à des défis qui plombent quelque peu le décollage de leurs activités. Des jeunes transformateurs agroalimentaires que nous avons rencontrés disent être confrontés à des problèmes liés à la conformité aux normes, à l’approvisionnement en matières premières mais aussi à l’écoulement du fait du manque de visibilité.
Aida Koenao, promotrice de l’entreprise SODEL, spécialisée dans le séchage des légumes et la fabrication de bouillons naturels sans additifs
« En tant que transformatrice agroalimentaire, les principales difficultés que nous rencontrons sont liées aux analyses de nos produits en vue de la conformité. Les analyses coûtent extrêmement cher, alors que pour rassurer le consommateur sur la qualité du produit et l’inciter à acheter, il faut forcément passer par cette étape-là. L’approvisionnement en matières premières, surtout en ce qui concerne les légumes, pose souvent problème. Ces dernières années, avec la situation sécuritaire, la plupart des producteurs se sont déplacés vers les villes. Dans le passé, nous achetions la tonne d’oignons à 150 000 FCFA. Actuellement la tonne est à 225 000 FCFA, soit une hausse de 75 000 FCFA. Et en ce qui concerne l’écoulement, c’est vrai que les gens sont dans la dynamique du consommons local, mais beaucoup hésitent à faire le pas. Certains trouvent que les produits locaux sont chers, d’autres encore n’ont même pas confiance en ces produits car ils ne les trouvent pas sains ou propres. Notre cri de cœur est que quelque chose soit fait pour accompagner les transformateurs afin qu’ils puissent faire analyser leurs produits et être en conformité avec les normes. Je me rappelle que j’ai fait analyser quatre de mes bouillons à 900 000 FCFA et j’ai même été subventionnée à 50 %. Donc pour une petite entreprise, ce n’est pas toujours évident. Un renforcement de capacités est aussi nécessaire en ce qui concerne l’hygiène, la sécurité sanitaire des aliments, la conformité, pour qu’il n’y ait pas d’intoxication du consommateur. »
Daouda Touré, promoteur de Jus naturels du Faso, spécialisé dans la production de jus de citron pur
« En termes de difficultés, je dirai qu’elles se situent à deux niveaux. Il y a d’une part les difficultés liées à la disponibilité de la matière première qu’est le citron. Par exemple, actuellement le citron est très disponible. Mais dans deux ou trois mois, il n’y en aura plus. Ce qui fait que nous sommes obligés de les presser et de garder le jus pour la production. D’autre part, il y a également le fait que la transformation est un nouveau défi pour nous parce qu’à la base nous sommes producteurs. Donc il y a certains paramètres tels que les règles de conditionnement des produits à respecter, les conditions de transformation, les emballages, où nous avons besoin d’être renforcés par des formations. Donc bénéficier de formations va nous permettre de savoir quoi faire pour mettre nos produits en conformité avec les normes requises. Nous demandons donc à être accompagnés afin de pouvoir mettre sur le marché des produits de qualité que nous pourrons aussi exporter au-delà de nos frontières. Une chose est de produire et une autre est de vendre. Et pour vendre, il faut que les produits soient de qualité. »
Jocelyne Somé, promotrice de M’maa Conserve, spécialisée dans la transformation des fruits et légumes frais en conserves (tomates, haricot vert, carottes, piment)
« Un des défis majeurs auxquels nous sommes confrontés reste le manque de visibilité. Et qui parle de visibilité parle d’écoulement. Quand on est visible et connu du public, on arrive plus facilement à avoir des marchés. Le ravitaillement en matières premières pose également problème, surtout à certaines périodes de l’année. Notre plaidoyer est de pouvoir être accompagnés pour avoir plus de visibilité et pour améliorer la qualité de nos produits. Cet accompagnement va nous permettre d’avoir la confiance des consommateurs, ce qui va aussi élargir le marché. »
Foras Fassinou, promoteur de la farine infantile Croissance Faso produite à base de céréales locales (mil, maïs, soja)
« Les défis se posent au niveau des moyens de production et de la visibilité, donc de la connaissance du produit par le public. Nous sommes une jeune entreprise, ce qui fait que nous n’avons pas forcément les moyens nécessaires pour produire en grande quantité. Ce qui fait que nous n’arrivons pas à ravitailler un grand public parce que nous ne produisons pas beaucoup actuellement. Et nos productions sont limitées parce que nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour cela. Les clients que nous avons déjà nous font des retours positifs sur la qualité de la farine, ce qui nous encourage beaucoup. Nous avons vraiment besoin d’appui technique et financier pour produire en grande quantité et faire connaitre le produit partout. »
Propos recueillis par Armelle Ouédraogo
Lefaso.net