LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Association des experts automobiles : "Nous allons radier les fraudeurs"

Publié le lundi 15 mai 2006 à 07h47min

PARTAGER :                          

Les experts regroupés au sein de l’ABEAI (Association burkinabè des experts automobiles, industriels et incendies) ambitionnent de créer dans les mois à venir un ordre, afin de mieux organiser leur profession. Pourquoi un tel projet ?

Quelles sont leurs motivations ? Dans cet entretien, Mamadou Banikoro, président de l’ABEAI, met le doigt sur la crise opposant son entité aux services de la Douane. Il n’occulte pas les brebis galeuses du domaine et déplore l’apathie des services de Douane face aux multiples efforts fournis par son association pour concilier les deux corps.

"Le Pays" : Pourquoi avez-vous décidé de passer du statut d’association à celui d’ordre ?

Mamadou Banikoro : Nous avons décidé de passer de l’association à l’ordre des experts automobiles, industriels et incendies afin de mieux nous organiser. La profession occupe aujourd’hui une place importante. C’est également afin de pouvoir faire face à certaines difficultés. Nous allons nous retrouver pour mieux nous organiser.

Quels sont les problèmes auxquels vous êtes confrontés sur le terrain ?

Les difficultés, c’est surtout du côté de la Douane que nous les rencontrons. La Douane ne doit pas normalement évaluer des véhicules qui sont hors Argus. A vrai dire, je ne sais pas sur quel critère la Douane se base pour évaluer ces véhicules. Ce n’est pas normal.

A cela, s’ajoutent des rumeurs selon lesquelles certains moyens seraient mis en place par la Douane tel un logiciel afin de créer une fourchette de valeurs selon les véhicules. Et cela ne tiendra totalement plus compte de l’âge de ces engins. C’est-à-dire qu’on va dédouaner au même prix un véhicule de trois et un autre de 10 ans . C’est donc à l’achat que le problème va se poser. Si à l’achat, on pouvait avoir un véhicule de 3 ans et un autre de 10 ans au même prix, cela ne poserait pas problème. Le commun des mortels acceptera-t-il de dédouaner un véhicule d’occasion au même prix qu’un véhicule neuf ?

Nous nous regroupons pour nous organiser, faire la promotion des membres de l’organisation. Ensemble, nous arriverons à coordonner nos affaires. Nous allons veiller à la formation des membres et réfléchir sur la question suivante : "Comment arriver à agréer des experts de qualité ?" Nous essayons de voir avec des institutions, dont la Cour d’appel, comment porter pertinemment une réflexion sur la question.

Quel intérêt la Douane a-t-elle à vous créer des problèmes ?

Je ne saurais le dire. Certains prétendent que nous ne travaillons pas à renflouer les caisses de l’Etat. Pourtant, on ne doit pas partir seulement sur ces bases-là. La question de l’automobile est plus que sociale aujourd’hui. Et les experts emploient aujourd’hui des gens qui ont le niveau CAP et qui n’ont pas d’autres débouchés. Il faut qu’on tienne compte de ces aspects-là. Les experts ne vivent que de ce travail. Nous avons effectué des démarches auprès de la Douane ; nous avons demandé des audiences depuis 2005, mais jusqu’à ce jour, nos correspondances sont restées sans suite.

Croyez-vous que le problème provient réellement de l’extérieur du groupe ? Des enquêtes sur le terrain laissent percevoir que certains experts ont la manie d’influer sur les frais de dédouanement des véhicules, en effectuant de fausses expertises...

Ce n’est pas forcément lié à cela. Il se peut que ce soit des personnes extérieures qui influencent la question. Pour ce qui concerne les mauvais experts, il faut savoir que l’organisation est née pour les bouter. Si nous devenons un ordre, tout expert pris en train de frauder sera carrément radié. Les textes que nous avons préparés disent cela. Nous devons faire de la lutte contre la fraude notre cheval de bataille. Un bon expert doit bien faire son travail. Il doit faire une bonne évaluation. Nous visons la bonne collaboration entre la Douane et notre corps, une meilleure coordination de nos activités. Si un expert trouve une carte grise fausse, qu’il la signale à la Police, parce que nous ne voulons pas être complice de fraudes. Dans nos textes, c’est absolument interdit.

Lorsqu’une organisation se présente à vous , le respect mutuel veut qu’on la reçoive normalement. Vous lui demandez de présenter ses griefs, et l’organisation vous dira ce qui ne va pas de votre côté. Et ensemble, on peut faire avancer les choses sans pénaliser les Burkinabè qui viennent de s’acheter un véhicule.

Que proposez-vous donc comme solution à la Douane pour détendre l’atmosphère ?

Nous avons décidé d’appliquer une méthode qui permettra d’offrir un service sain. Nous avons décidé de régulariser la situation afin d’avoir un certain nombre de valeurs harmonisées. Nous avons décidé de créer au niveau de l’association, un bureau unique. La direction de ce bureau sera tournante et les cabinets la composant passeront chacune à sa tête à tour de rôle. Deux directeurs issus de deux autres cabinets seront ses assistants. Le directeur du bureau n’aura pas de contact avec les cabinets d’experts en place. Ce sont ses deux assistants qui feront les relevés. Ils les feront apprécier par le directeur du bureau et c’est à partir de cela que ce dernier calculera la valeur du véhicule indiqué. Il remettra le document final au secrétariat pour le client, c’est-à-dire le propriétaire du véhicule.

Cela va amener tous les experts à avoir une idée de l’évolution des valeurs des véhicules selon leur âge. En matière d’expertise, on ne peut pas fixer les valeurs des véhicules ou des fourchettes de prix, sans les consulter. Deux véhicules de dix ans peuvent ne pas avoir les mêmes problèmes ou ne pas avoir franchi les mêmes obstacles. Quand on leur donne la même valeur, c’est pénalisant quand même. Le propriétaire doit faire également des réparations après l’expertise et le dédouanement.

Nous pensons que si nos propositions avaient été acceptées dans un premier temps, cela annulerait la concurrence certes, mais aurait permis de résoudre un certain nombre de problèmes. Si après toute cette expertise , la Douane trouve que ce travail n’est pas conforme, elle peut directement commettre un autre expert et dans les normes

Parce que quand on veut faire une contre-expertise, le second expert ne doit pas savoir la valeur proposée par le premier. Ici en général, on dit au second expert : " vous voyez la valeur qu’il a marquée !". Le second expert ne doit même pas avoir de contact avec le client. Nous avons fait de bonnes propositions dans notre document et cela allait nous avantager tous, la Douane et les experts. Nous tenons à travailler sans piller le client. Nous tenons à être impartiaux. C’est cette proposition que nous avons faite à la Douane, mais jusqu’à présent, nous n’avons pas reçu d’écho favorable.

Y a-t-il d’autres difficultés en dehors de la situation que vous venez de présenter ?

Oui. Il y a un nombre important d’interventions au niveau de la valorisation des véhicules. C’est un véritable problème et nous tenons à y remédier. Il faut que le travail se fasse dans la transparence et dans les meilleures conditions. Nous voulons travailler sur des bases essentiellement techniques et indéniables. Les conditions d’évaluation dans les autres pays, c’est une catastrophe.

Pourquoi ?

Quand deux experts évaluent individuellement un véhicule, l’écart entre les valeurs proposées ne dépasse pas 30 000 F CFA ou 35 000 F CFA. Mais dans les autres pays, cela peut atteindre quelquefois 100 000 F CFA. Ici au Burkina, on a expérimenté par une commission d’évaluation de la Douane. On a trouvé qu’il y avait un écart énorme d’un client à un autre. C’est pour cela qu’ils ont fait appel aux experts-comptables. Nous nous sommes concertés plusieurs fois afin de fixer les prix.

Quel rapport entretenez-vous avec le CCVA ?

Nous n’avons pas de rapport en particulier avec le CCVA. C’est ces derniers temps que des représentants de cette institution assistent à nos réunions. Nous les considérons aujourd’hui comme des membres de notre association. Nos relations étaient mal en point au moment où on parlait de conformité. Il y avait à ce moment une pression de leur côté pour récupérer nos clients. Nous n’avons pas pu élever le ton sur la question parce que nous avions la possibilité de faire baisser nos prix pour avoir les clients, mais eux, non. C’est surtout cela que la commission est venue réguler, mais nous n’avons pas eu l’appui de l’Administration douanière. C’est dommage !

Théodore Boyarm : Nous avons constaté qu’il y a des experts mercenaires qui ne sont pas agréés mais qui exercent. Il y a également les intermédiaires qui sont directement en contact avec les clients. Ils proposent leurs services aux clients et leur proposent des sommes afin qu’ils baissent les prix. Les experts mercenaires tombent facilement dans le piège et ils commencent à baisser les prix qui peuvent quelquefois aller jusqu’à 4 000 F CFA. Et le même intermédiaire va dire au client que l’expertise a coûté 17 500 F CFA. Le reliquat lui revient donc. Un cabinet normalement installé ne doit jamais faire une expertise à 4 000 F CFA. Nous envisageons de faire la liste de tous les experts du pays. Certains sont allés jusqu’à s’installer à Ouagarinter. Ce n’est pas normal. Ils ne peuvent pas avoir le cabinet principal en ville et aller s’installer à Ouagarinter. Tous ces problèmes nous exposent. Et nous ne pouvons, de ce fait, bénéficier du respect de la Douane.

A chaque fois qu’on rencontrait des responsables de la Douane pour aborder ces problèmes, la tension montait. Les menaces s’ensuivaient. Si vous ne faites pas ceci, on vous retirera cela.

Je suis personnellement contre le journal Argus. On ne peut pas appliquer le contenu d’un journal fait spécialement pour les véhicules issus de la France à des véhicules venus des Etats- Unis, de la Belgique, etc. On pouvait appliquer le contenu du document dans les années 70 car notre profession n’était pas connue à cette période. Et actuellement en France, ce ne sont pas tous les vendeurs automobiles qui s’en servent pour évaluer leurs produits. Les vendeurs professionnels font appel à des experts pour évaluer leurs véhicules. On doit tenir compte de la distance parcourue par l’engin, de son origine, des aléas climatiques, du transport jusqu’à Ouagarinter, etc. pour apprécier leur valeur.

Quelles sont vos perspectives ?

Aujourd’hui, la majorité des experts automobiles, industriels et incendies s’intéressent à la vie de l’association. Nous avons établi des textes que nous enverront au ministère de tutelle. Nous tenons à ce que cette association devienne un ordre. L’ordre permettra de purifier le milieu.

Propos recueillis par Alain DABILOUGOU

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique