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Félix Tientarboum (Pdt de l’’USO) : "La sélection des Etalons était mauvaise"

Publié le mardi 17 février 2004 à 08h25min

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Après la débâcle des Etalons à la CAN’2004, notre consoeur, la
radio Ouaga FM, est allée rencontrer le président de l’Union
sportive de Ouagadougou (USO), le Colonel Félix Tientarboum.
Autrefois président de la Fédération burkinabè de football, Félix
Tientarboum dit dans l’entretien qui suit, toutes ses vérités, et
fait au passage, des propositions pour que demain cessent nos
larmes.

<B<En tant que premier responsable d’un club de première division
et en tant qu’observateur avisé du football burkinabè, qu’est-ce
qu’il fallait aux Etalons pour que la CAN’2004 fût une réussite
pour notre équipe nationale ?

Félix Tientarboum (Président de l’USO) : Le président de la
Fédération a reconnu lui-même que ce fut une défaillance
collective. C’est ce qu’il a dit et je ne saurais le démentir.
Seulement, on peut faire quelques observations. Je crois que
les Etalons étaient bien préparés, les moyens ont été mis à leur
disposition. Mais fallait-il qu’il y eût des hommes. Je crois que
tout le problème est là. En peu de mots, je dis que la sélection
était mauvaise, la gestion des trois matches à la CAN était
mauvaise. En tant que responsable d’un club, je répète que la
sélection était mauvaise.

Que voulez-vous dire en affirmant que la gestion des matches
était mauvaise ?

On s’est jeté à corps perdu pour arrêter le Sénégal. Ce n’était
pas le seul match du tournoi pour nous. Nous avions 3 matches
à gérer. On n’a pas joué au football. On a empêché le Sénégal
de jouer. On a réussi, mais nous y avons laissé toutes nos
forces. Pour des joueurs qui ne jouent pas dans leur club, c’était
difficile. Il y en a qui manquent de compétition. S’entraîner n’est
pas jouer. C’est plus fatigant d’empêcher l’adversaire de jouer
(comme on l’a fait contre le Sénégal), tant et si bien que les
joueurs étaient pompés. On a bien vu la première mi-temps du
2e match (NDLR, contre le Mali) : nos Etalons étaient
méconnaissables. A les voir jouer, on se demandait vraiment ce
qu’ils cherchaient là. Ce sont les effets de la fatigue du premier
match. Si on avait joué ouvert, le Sénégal pouvait marquer, nous
aussi. Si la sélection était bonne, les 22 joueurs pouvaient être
interchangeables. On a tout laissé dans le premier match. Ce
n’est pas du football. Est-ce qu’en championnat on joue comme
cela ? ll fallait répartir les efforts. Je ne sais pas qui est le fautif.
Je ne cherche même pas le fautif. Je trouve seulement que
c’était mauvais. C’est tout !

Que faut-il faire pour relancer le football burkinabè ? Que lui
faut-il véritablement pour son décollage ?

Ce sera de la répétition. Il faut former les clubs. Il faut des clubs
compétitifs sur le plan africain. Je ne dis pas des clubs qui se
font la guerre interne. Cela suppose qu’ils aient un effectif de
bon niveau, un savoir-faire. Cela suppose aussi que ces clubs
aient les moyens pour entretenir et former des joueurs. Je
privilégie la formation dans les clubs. Les clubs doivent avoir et
les moyens financiers et les moyens humains pour encadrer et
former les joueurs. Le vrai travail se fait au niveau des clubs. On
aura beau chercher des joueurs ailleurs pour venir défendre nos
couleurs, l’objectif ne sera jamais atteint. Notre présence
africaine part du travail abattu dans nos clubs. Tant qu’on
n’atteindra pas ce niveau, on n’aura pas une équipe nationale
compétitive. On se battra comme devant le Sénégal et après,
c’est terminé.

Nous avons quand-même des joueurs qui évoluent à
l’étranger...

Je vous ai dit que la sélection était mauvaise. Je ne voulais pas
m’étendre là-dessus, mais la chose est claire. Il y a des joueurs
qui étaient ici l’année dernière. Simplement parce qu’ils sont
passés en Europe par une filière douteuse, qu’ ils deviennent
subitement de bons joueurs ? Il y a quelque chose qui ne vas
pas ! S’il suffit de passer la frontière en catimini pour devenir bon
joueur, voilà le résultat. Nous avons joué 11 journées de
championnat avec trois jours d’intervalle entre les différents
matches. On a quand-même la condition pour jouer des
matches qui se déroulent dans cet intervalle de temps ! Mais qui
nous représente dans cette dans sélection ? Quand je dis
"nous", je parle de l’ensemble des douze clubs de D1. Parmi
ceux qui ont joué régulièrement en équipe nationale, il y en avait
combien ? Il y avait des locaux parmi les vingt deux mais qui
n’ont jamais mouillé le maillot pour leur club ! Et puis, il y a des
joueurs qui sont partis à l’étranger et qui ne sont même pas
dans des clubs reconnus ou même quand ils y sont, ils ne
jouent pas. Ce sont eux qu’on trouve meilleurs à ceux qui sont
restés au pays. Même si on a l’argent ce n’est pas pour autant
qu’on doit le jeter par la fenêtre ! Mobiliser ces joueurs pendant
toute la préparation, pendant les matchs éliminatoires a dû
coûter une fortune. J’espère que la Fédération va nous faire un
rapport pour qu’on se rende effectivement compte de ce que tout
cela a coûté ! Moi, je trouve qu’il y a gaspillage quelque part. Je
ne dis pas de donner tout cet argent aux clubs, mais ils seraient
contents d’en bénéficier pour mieux encadrer les joueurs, pour
être plus rigoureux vis-à-vis des joueurs. C’est dommage, nos
enfants ne connaissent plus d’autre langage que de celui
l’argent. Ils veulent que leur effort soit toujours monnayé. Il faut y
passer, on ne peut plus les ramener au temps de l’honneur.
C’est leur époque qui veut ça.

Que dites-vous du problème de gestion des hommes,
notamment des joueurs. On rajeunit chaque fois l’équipe
nationale...

Nous constatons effectivement qu’il y a une certaine instabilité.
Je ne suis pas dans le milieu des Etalons pour savoir pourquoi
cela se fait. Mais, il eût été souhaitable que parmi ceux qui ont
participé à la CAN’98, qu’il y ait deux ou trois dans le groupe. Six
ans après, il y a forcément une expérience acquise pour pouvoir
encadrer encore ceux qui montent. Ceux qui sont chargés de
bâtir l’équipe nationale le savent, ils savent qu’il faut la stabilité.
Ceux qui ont joué en 1998 ne sont pas si vieux que ça. Les
revendications sont devenues pléthores. Lorsque vous avez des
joueurs qui demandent la lune, il faut choisir entre ceux qui
veulent jouer et ceux qui veulent faire du chantage.

L’entraîneur national, Jean-Paul Rabier déclarait avant la CAN
qu’il a retenu les joueurs qui étaient à même de compétir. Juste
après le match contre le Kenya, il avouait qu’il manque de bons
joueurs au Burkina. Est-ce votre avis ?

J’ai été surpris par cette déclaration. On se demande qui est
derrière Rabier pour qu’il choisisse des joueurs qu’il ne veut
pas, et qui l’oblige à dire que ce sont les meilleurs. Ce ne sont
pas les meilleurs joueurs, il se trompe. ça au moins, c’est clair.
Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais ce ne sont pas les
meilleurs. Si j’avais Rabier en face, je lui demanderais
sincèrement de nous dire ce qu’il veut nous cacher.

Selon vous, a-t-on besoin d’aller chercher des expatriés pour
encadrer notre équipe nationale ?

Tout est question de compétence. Si vous pensez qu’on en a
sur le plan local... Personnellement, j’ai un entraîneur ghanéen à
l’USO qui me donne entière satisfaction et a été reconnu comme
meilleur entraîneur l’année dernière. Depuis qu’il est là, le club
respire bien. Est-ce qu’on ne peut pas travailler entre frères ?
C’est possible. Est-ce la même chose sur le plan national ? Ce
n’est pas une négation de notre savoir-faire que de prendre des
expatriés. On ne jette pas la pierre à nos techniciens.

Auriez-vous quelque chose à ajouter ?

Je souhaite que les analyses qui découleront de cette débâcle
à la CAN’2004 soient sincères. Si en faisant le bilan de cette
débâcle, on se cache les vérités , on n’ira nulle part. On dit que
la vérité rougit les yeux mais porte toujours des fruits. Il faut être
sincère dans le rapport qui sera fait sur cette débâcle. Ce n’est
pas opportun de cacher encore des choses. Je sais que la
gestion a coûté extrêmement cher à la Fédération. N’eût été
Seydou Diakité, je ne sais pas si quelqu’un aurait pu faire ce
qu’il a fait pour rester disponible afin d’exploser les Etalons. On
constate que malgré tous ses efforts, il n’a pas été
recompensé. Il faut qu’on prenne des orientations qui
permettent le suivi du travail. Il ne faut pas arracher la plante
qu’on a plantée. Mais c’est ce que nous faisons. On ne prend
pas assez en compte ce qui a été fait. C’est ça le problème au
Burkina. Je ne sais pas quel mal nous avons. Ce n’est pas
seulement en sport, c’est le caractère national. Et c’est bien
dommage.

Propos recueillis par Salif KABORE (Ouaga FM) et retranscris
par A. L. G
Le Pays

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