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Désarmement en Côte d’Ivoire : Dangereuse fixation

Publié le mercredi 10 mai 2006 à 06h18min

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Charles Konan Banny

De retour à Abidjan, après un périple de 3 semaines qui l’a conduit successivement à Paris, Washington, New York et Bruxelles, et dont l’objectif était de convaincre les partenaires au développement de financer sa feuille de route, en clair, de mobiliser des financements nécessaires pour la conduite des opérations du processus de sortie de crise,...

... c’est en homme confiant, "réconforté" et déterminé à "continuer la lutte pour la paix" que le Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny, est apparu à nombre de ses concitoyens.

Qui plus est, un chef de gouvernement visiblement sûr de ses attaches et de ses soutiens. Une telle apparente bonne humeur et un tel supplément "d’énergie" se comprennent aisément. L’ex-banquier a obtenu des promesses fermes de soutien et d’aide à son pays. Les bailleurs de fonds se disent en effet disposés à délier les cordons d’une bourse qui s’élèverait à 175 milliards de F CFA.

Dans l’immédiat, 26 milliards seront décaissés au titre de l’aide d’urgence. Le reste des décaissements est soumis à des conditionnalités que le gouvernement de transition doit remplir. "Tous nos partenaires (multilatéraux, bilatéraux) sont engagés auprès de la Côte d’Ivoire, soutient le Premier ministre de transition. Ils sont décidés à nous aider, pourvu que nous le voulions. Et si nous le voulons, ils nous aideront à nous sortir de cette situation".

Mais hélas, et comme il en a une claire conscience, le travail qui attend le chef du gouvernement ivoirien s’avère titanesque. Pour booster le processus de paix jugé au point mort, il sait qu’il devra se résoudre à une course "d’obstacles" et... de fond. Car, c’est peu de le dire, bien des acteurs de la crise ivoirienne n’ont aucun intérêt à ce que ce pays se dépêtre du marécage dans lequel il patauge depuis bientôt quatre ans.

Orfèvres en la matière, ils ne manquent pas d’imagination pour mettre des bâtons dans les roues du train bringuebalant de la réconciliation et de la paix et ce, par Premier ministre interposé. Ces "prédateurs" de la paix useront toujours non seulement d’artifices, mais aussi de manoeuvres dilatoires pour faire durer la marche douloureuse sur les chemins sinueux et rocailleux menant vers une sortie de crise.

A titre d’exemple : la décision unilatérale de prolonger les mandats des députés du Parlement, les attaques répétées contre des missions étrangères - notamment celle de l’ONU- par des jeunes se réclamant des "patriotes" (partisans du président Laurent Gbagbo), etc., voilà autant d’ingrédients propres à donner des coups de canif à la paix, mais aussi à maintenir un climat délétère.

Les opérations de désarmement et l’identification concomitantes - proposition du président en exercice de l’Union africaine, le Congolais Denis Sassou Nguesso-, une proposition saluée, approuvée et considérée aussi bien par l’opposition armée et politique que par les bailleurs de fonds comme une solution salutaire, qui pourrait clore enfin un débat ayant paralysé pendant des mois le processus de paix, ont été balayées d’un revers de main par le camp de Gbagbo.

Et pourtant, ce n’est pas que la position de Charles Konan Banny, à qui a été confiée la lourde mission de faire sortir le pays de la crise, n’a pas été claire : désarmement et identification doivent aller de pair, seuls préalables aux élections du 30 octobre prochain. Il est conscient que la contribution des bailleurs de fonds, notamment l’Union européenne (Ue) au processus de paix, est suspendue à ces deux préalables. Une position d’autant plus compréhensible que la classe politique ivoirienne, dans son ensemble, estime que c’est un bon remède au mal ivoirien.

Mais l’attitude ambiguë de Gbagbo qui a dû, dans un premier temps, se plier à la recommandation du président de l’Union africaine, et qui, par la suite, a tourné casaque, posant de nouveau le désarmement des ex-combattants comme un préalable à l’organisation des élections et la seule solution de sortie de crise, est révélateur des intentions du pouvoir de dresser sur la route du navire battant pavillon Banny, des courants à même de lui faire changer de cap.

Il est quasiment certain que ceux qui, dans la faune politique ivoirienne, estiment que Banny est tout, sauf l’homme de la situation, qui vont jusqu’à le qualifier d’"illusionniste", ne lui faciliteront pas la tâche. Sera-ce aussi le cas du président ivoirien ? On sait en tout cas que Laurent Gbagbo a émis de sérieuses réserves quant à la réussite du projet, allant même jusqu’à défier quiconque de réussir ces deux opérations concomitantes.

Après un tel défi, on imagine mal que Gbagbo veuille que la concomitance fasse florès. Quant à ses boutefeux, ils feront sans doute feu de tout bois pour mettre Banny sur le gril. Alors, en cas d’échec du Premier ministre, Gbagbo pourra clamer tout haut qu’il avait averti ! Le rendez-vous du 30 octobre sera-t-il, dans ces conditions, respecté ? En tout cas, le rêve caressé par certains du camp du pouvoir, c’est qu’il n’y ait pas d’élection en octobre prochain. Dans ce cas, ils feront valoir que Laurent Gbagbo doit encore rester au pouvoir. C’est dire si la dangereuse fixation sur le désarmement n’est pas anodine.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 10 mai 2006 à 22:27, par ye vive En réponse à : > Désarmement en Côte d’Ivoire : Dangereuse fixation

    SVP Messieurs les journalistes soyez un tant soit peu sérieux. Comment croire qu’un magistrat en charge de la délivrance de la nationalité Ivoirienne puisse effectuer son travail correctement avec une "kalach" pointée sur le nez. Comment demander à des fonctionnaires de retourner mener les opérations d’identification dans une zone plongée dans l’insécurité permanente. Les réflexions du Président Gbagbo ne sont pas simplement une vue de l’esprit, les fonctionnaires Ivoiriens refusent de s’installer en zone rebelle. A titre d’exemple le deploiement des enseignants avance trés peu et ne rencontre pas beaucoup d’enthousiasme. De plus, il faut être honnête, la concommitance n’apparaît dans aucun des accords signés jusque là. Tout le monde sait bien que c’est sur instruction écrite de Kofi Anan que le Pr. de l’ UA Sassou Nguesso a proposé à Abidjan la concommitance des opérations.

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