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Nationalisation du pétrole bolivien : L’Afrique devrait s’en inspirer

Publié le lundi 8 mai 2006 à 09h11min

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Après certains Dragons d’Asie, affranchis de la tutelle économique des Occidentaux, le 21e siècle sera-t-il celui de l’Amérique du Sud ? On est tenté de répondre par l’affirmative. Il y a moins d’un demi-siècle, cette partie du monde était réputée être le terreau des pronunciamentos à répétition.

Aujourd’hui, bon nombre des Etats qui la composent ont troqué la mitraillette contre les urnes pour asseoir des régimes démocratiques, renonçant ainsi à la logique de la prise du pouvoir par les armes.

Mais, s’étant aperçus que la démocratie politique resterait une symphonie inachevée et désaccordée si elle n’était pas accompagnée par une démocratie économique et sociale, celle qui prend en compte les besoins essentiels des citoyens, plusieurs dirigeants jouent aujourd’hui la carte de la récupération des richesses du sous-sol de leur pays jusque-là aux mains des multinationales, ces pétroprédateurs sans foi ni loi qui échappent aux législations nationales des pays producteurs.

C’est pour mettre un terme à cette exploitation éhontée des richesses de son pays et qui ne laisse aux citoyens que des miettes sinon rien, que le président bolivien, Evo Morales, vient de décider la nationalisation des gisements gaziers et prétroliers de son pays. Il respecte ainsi ses promesses électorales lors de la campagne présidentielle.

Mais, promesses ou pas, combien de chefs d’Etat, surtout sous nos tropiques, ont-ils le courage politique de couper le cordon ombilical de l’inféodation qui les lie aux puissants lobbies pétroliers soutenus par les pays occidentaux ? Combien sont-ils, ces dirigeants qui peuvent se passer de réciter le bréviaire et de marcher au rythme de la fanfare des apôtres de l’ultralibéralisme sauvage sans craindre de perdre leur trône ?

En Afrique, on l’a vu. Certains chefs d’Etat, pour sauvegarder leur régime, ont même gagé le pétrole pour se procurer des armes afin de protéger leur régime et de mater les populations plutôt que de répartir judicieusement les revenus pétroliers en les injectant dans des domaines prioritaires comme la santé, l’éducation et les infrastructures.

Transformés en relais locaux des éponges que sont les grandes compagnies pétrolières internationales, certains chefs d’Etat ne songent même pas à l’après-pétrole et ne cherchent pas à utiliser, pendant qu’il est encore temps, la manne pétrolière pour promouvoir par exemple l’agriculture. Résultat, l’autosuffisance alimentaire, tant criée sur tous les toits, est devenue un cauchemar alimentaire.

La décision du président bolivien rappelle le choc pétrolier des années 70, durant lesquelles les Etats producteurs de pétrole, au sein du groupe des pays Non Alignés, avaient décidé de mettre un terme aux rapports inégaux entre le Nord et le Sud et d’asseoir un nouvel ordre économique mondial basé sur un meilleur contrôle de leurs richesses nationales au profit du bien-être des populations.

Ce sursaut salvateur a fait long feu en raison de la résistance farouche et des intimidations multiformes des pays riches, allant jusqu’à la déstabilisation des pays qui avaient pris la tête de la croisade contre le pillage de leurs richesses naturelle. En même temps, les pays riches avaient réussi à briser l’élan unitaire des pays producteurs.

C’est dire tout le risque que le président Morales prend. Il est certain que dans la mesure où le pétrole a toujours été un enjeu géopolitique et géostratégique et une source de compétition entre les grandes puissances, la Bolivie va rejoindre le peloton des pays de l’"Axe du Mal" ou des "Etats voyous" dont seuls les Etats-Unis, le voisin gendarme du monde, savent dessiner les contours. Mais Morales n’est pas seul.

Ses atouts, ce sont des pays comme Cuba et le Venezuela (ces pays en savent quelque chose pour être dans le collimateur de Washington) et dans une moindre mesure, le Brésil qui a déradicalisé sa position vis-à-vis des Etats-Unis. D’ailleurs, le Brésil et l’Argentine qui sont tributaires du pétrole et du gaz de la Bolivie, viennent de signer avec cette dernière un pacte régional au terme duquel ces deux pays continueront à avoir accès à ces sources d’énergie avec des tarifs préférentiels.

Ce sont surtout les citoyens boliviens qui ont déjà défait deux présidents accusés d’avoir bradé le pétrole et le gaz du pays au profit des multinationales étrangères. La Bolivie peut également compter sur les autres pays de la région à qui elle a consenti des tarifs préférentiels. En procédant à la nationalisation de ses produits pétroliers et gaziers, qui doit se solder par "une redistribution des revenus" et qui doit mettre fin "au pillage des compagnies étrangères", le président bolivien trouve là un thème mobilisateur autour de lui et contre toutes les velléités de déstabilisation de son régime. L’Afrique devrait s’en inspirer.

Le Pays

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