Préservation de l’environnement : « La musique peut jouer un rôle énorme dans le changement des mentalités et des comportements », Ras Simposh, artiste musicien

L’artiste burkinabè Ras Simposh, de son vrai nom Ibrahim Simporé, est un artiste engagé qui sensibilise sur les enjeux de la protection de la nature, notamment la lutte contre les feux de brousse, la coupe abusive du bois et le braconnage. En septembre 2020, il a sorti un clip vidéo intitulé « Environnement ». Il est aussi le promoteur du Festival international de musique pour l’environnement (FESTIME), un événement dédié à éveiller les consciences et à encourager la responsabilité collective face aux défis écologiques. Dans cet entretien, il parle du lien qu’il fait entre musique et environnement.
Lefaso.net : Parlez-nous de votre carrière et de votre genre musical ?
Ras Simposh : Je suis un artiste qui s’exprime principalement à travers le reggae. La musique, pour moi, est une passion. Depuis l’enfance, c’est un domaine que j’aime profondément, comme le savent ceux qui me connaissent. C’est dès l’école primaire puis au collège que j’ai attrapé le virus de la musique, ce qui m’a poussé à composer des œuvres musicales. Ma musique parle avant tout de l’environnement, mais aussi des aléas de la vie. Je chante pour l’amour et je me positionne fermement contre l’injustice et toutes les formes d’inégalités.
Comment avez-vous eu l’idée de créer un festival international de musique pour l’environnement ? Quels en sont les objectifs ?
Le festival est né après la sortie de mon clip intitulé « Environnement », en 2020. Beaucoup d’artistes abordent des thèmes variés, mais je peux dire, sans trop m’envoyer des fleurs, que je suis l’un des premiers à avoir chanté exclusivement sur l’environnement. Tant le message que la vidéo sont entièrement dédiés à ce sujet. C’est après ce clip que l’idée m’est venue d’organiser un festival dédié à l’environnement. La première édition a eu lieu en 2023, et nous préparons actuellement la troisième. Aujourd’hui, la planète entière fait face aux effets néfastes de la destruction de l’environnement par l’homme. C’est dans cet esprit que j’ai voulu créer un festival exclusivement consacré à cette cause.
Il faut aussi rappeler qu’en avril 1985, le président Thomas Sankara avait initié trois luttes essentielles : contre la coupe abusive du bois, contre la divagation des animaux, et enfin contre les feux de brousse. L’article 29 de la constitution burkinabè reconnaît également le droit à un environnement sain, ce qui souligne la responsabilité collective de préserver notre milieu pour les générations présentes et futures. L’objectif du festival est d’amener le peuple à s’engager activement dans la protection de l’environnement.
Comment la musique peut-elle contribuer à cette lutte ?
On dit souvent que la musique est un langage universel. Moi, je suis Mossi et je chante en mooré, mais vous, par exemple, qui êtes Gourmantché, vous pouvez fredonner mes chansons sans parler la langue et pourtant comprendre le message. De plus, les gens prêtent beaucoup d’attention aux gestes et aux engagements des artistes. Pour moi, la musique peut jouer un rôle énorme dans le changement des mentalités et des comportements. C’est pourquoi nous mettons un accent particulier sur le choix des artistes pour notre festival.
L’édition de cette année porte sur la responsabilité individuelle et collective dans la lutte contre le changement climatique. Pourquoi ce thème ?
Ce thème est interpellateur et pousse chacun à se questionner. Il ne s’adresse pas uniquement à moi, artiste, au promoteur du festival, au ministre de l’environnement ou au président de la République, mais à tous. Beaucoup de personnes parlent de respect de l’environnement, mais peu l’intègrent réellement dans leurs habitudes. Ce thème vise à inciter chacun à préserver l’environnement comme un trésor précieux. Face aux défis environnementaux, la nature nous envoie des signaux forts auxquels nous devons répondre par des actions concrètes, afin d’éviter que nos enfants ne soient confrontés à des dangers qu’ils ne pourront pas résoudre.

Quelles sont les difficultés rencontrées, tant dans l’organisation du festival que dans la lutte pour la préservation de l’environnement ?
La principale difficulté réside dans la mobilisation des ressources financières. La majeure partie des budgets des sponsors est consacrée à la lutte contre l’insécurité, ce qui est compréhensible. Nous avons donc un vrai problème pour réunir les fonds nécessaires à la réussite du festival. C’est pourquoi, à travers cette tribune, je lance un appel à toutes les bonnes volontés sensibles à la cause environnementale pour qu’elles nous appuient. Les artistes pensent, proposent et sensibilisent. Même s’ils ne prennent pas les armes, ce qu’ils sèment dans les esprits est primordial pour la lutte. Comme je l’ai dit dans ma musique : « La raison sans la foi, c’est la perdition ; la foi sans raison, c’est le dogmatisme. Le dogmatisme mène au fanatisme, le fanatisme engendre les terroristes, et les terroristes font couler le sang. » Pour moi, une personne qui porte en elle des messages positifs et sains ne se laissera pas convaincre de prendre les armes contre son semblable. Cela montre à quel point la culture joue un rôle crucial face à ce fléau qui touche notre pays, avec des messages forts.
Quel impact espérez-vous avoir avec ce festival ?
Cette année, le festival propose un programme diversifié. Un panel d’experts se réunira à l’université de Ouagadougou, avec la participation de spécialistes venus des pays voisins. Grâce à la qualité des intervenants, le festival aura un impact significatif sur les comportements. Les artistes ne viendront pas seulement pour divertir, mais, à travers leurs œuvres, ils toucheront la sensibilité du public. Pour moi, transmettre un message fort de manière artistique et interactive peut véritablement changer les mentalités.
Quel conseil donneriez-vous aux artistes, engagés pour une cause, qui souhaitent mieux faire passer un message à travers leur talent ?
Je leur dirais avant tout de faire des recherches. Toute personne qui souhaite se lancer dans la musique doit d’abord comprendre l’objectif d’un artiste. Il ne suffit pas de faire du bruit ou d’être vu à la télévision. Il faut transmettre un message, car un artiste est quelqu’un qui conseille, propose des œuvres instructives pour éveiller les consciences. Je conseille donc beaucoup de patience pour produire des œuvres engagées et porteuses de sens.
Qu’avez-vous à ajouter ?
Je remercie ce grand média du Burkina Faso qu’est Lefaso.net, ainsi que tous les journalistes burkinabè qui accompagnent le Festival international de musique pour l’environnement, un événement communautaire. Merci à vous.
Farida Thiombiano
Lefaso.net