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Burkina : Interdit d’activité sur le territoire, QNET appâte des citoyens burkinabè, les escroque… et les séquestre au Ghana

Publié le mercredi 11 juin 2025 à 22h30min

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Burkina : Interdit d’activité sur le territoire, QNET appâte des citoyens burkinabè, les escroque… et les séquestre au Ghana

Le Procureur du Faso près le Tribunal de grande instance Ouaga I et le commissaire divisionnaire permanent chargé du bureau central national Interpol ont animé une conférence de presse, ce mercredi 11 juin 2025 à Ouagadougou, pour informer le public du rapatriement de 22 jeunes gens de nationalité burkinabè du Ghana, secourus par la police ghanéenne des griffes de QNET. Parmi eux, neuf sont identifiés comme étant présumés auteurs des faits de traite des personnes, d’escroquerie, de séquestration, d’extorsion de fonds, le tout sur fond de commerce pyramidal en ligne,QNET, dont l’activité est interdite au Burkina depuis juillet 2024. Ces autorités ont saisi l’instant pour inviter les populations à la prudence face à ces pratiques criminelles, qui se déploient à travers plusieurs mécanismes.

Des faits, on note que le 20 mai 2025, le parquet (du Tribunal de grande instance Ouaga I) a été informé par le bureau central national Interpol-Ouagadougou de ce que, suite à une opération spéciale de lutte contre la traite des personnes organisée par le bureau central national Interpol-Accra de concert avec l’unité en charge de la lutte contre la traite des personnes de la police ghanéenne, 22 ressortissants burkinabè qui s’adonnaient à des activités de commerce pyramidal appelé QNET ont été interpellés. L’enquête engagée a permis d’identifier formellement (parmi les 22 personnes) neuf présumés auteurs d’escroquerie à la QNET, dont certains faisaient déjà l’objet de recherches par les services judiciaires.

« Il ressort également que les cerveaux de ce vaste réseau d’arnaqueurs appelés ‘’leaders’’ se nommeraient Ido Seydou (faisant l’objet d’un mandat de dépôt à la MACO pour les mêmes faits depuis le 26 mai 2025), Zoungrana Issouf, Démé Lassina, Combasré Abdoul Fatao et Guinko Hakim (faisant partie des 22 rapatriés), Berthé Siaka et un certain alias John Sénat du Business sans autre précision, toujours au Ghana. Ces derniers sont cités comme étant des formateurs en stratégie et tenanciers des maisons où étaient séquestrées les victimes. La formation que ces leaders dispensent, appelée “stratégie”, n’est rien d’autre que l’enseignement de différentes manières d’appâter les victimes en jouant sur leurs centres d’intérêts », a reconstitué le procureur du Faso, Blaise Bazié.

Selon le Procureur du Faso, le dossier des neuf présumés auteurs s’ouvre devant le tribunal, le mardi 17 juin 2025.

Comment procèdent ces arnaqueurs ?

Selon le commissaire divisionnaire Mariam Forogo, permanent chargé du Bureau central national Interpol, il existe plusieurs options en fonction du centre d’intérêt de la victime. En effet, dévoile-t-elle, ces présumés auteurs, de nationalité burkinabè, qui se sont retrouvés au Ghana, font croire à leurs parents, amis et camarades restés au pays qu’ils résident en Europe (France, Allemagne, Portugal, Espagne). Pour montrer qu’ils gagnent bien leur vie en Europe, ils envoient des photos qu’ils se font prendre dans des endroits luxueux du Ghana, à savoir les aéroports, les supers marchés, les grands restaurants, devant les grands immeubles et même dans des salles de gymnastique. « Ils mettent ces photos sur leurs statuts Facebook et WhatsApp ou ils les envoient à leurs victimes déjà identifiées pour les appâter. Tout en maintenant une constante communication avec les victimes, ils leur font croire qu’ils travaillent dans de grandes entreprises. Si les victimes sont intéressées par ces offres d’emplois alléchantes, ils les réfèrent à des complices qu’ils font passer pour leurs amis, oncles ou cousins qui se trouvent au Ghana et par le biais desquels ils sont parvenus en Europe. Ces derniers demandent aux victimes de leur envoyer via WhatsApp leurs documents d’identité, leurs extraits d’acte de naissance et celui d’un de leurs parents pour établir leurs passeports ou pour demander le visa pour l’Europe. Une fois ces documents envoyés, ces derniers demandent aux victimes de leur verser une partie des frais de passeport et de visa qui varient entre un million (1 000 000) et deux millions (2 000 000) de francs CFA. Pour maintenir la confiance entre les victimes et leur ami qui se dit être en Europe, les complices disent que le reste des dépenses sera assuré par ce dernier. Une fois la somme envoyée, ils appellent au bout d’une ou de deux semaines les victimes pour les inviter à se présenter en urgence dans leur bureau au Ghana pour un entretien en vue de l’obtention du visa. C’est lorsque les victimes effectuent le déplacement qu’elles découvrent que leur frère, ami ou camarade qui se disait être en Europe est en réalité au Ghana », ajoute le commissaire divisionnaire Mariam Forogo.

Le commissaire divisionnaire, permanent chargé du Bureau central national Interpol-Ouaga, Mariam Forogo.

Dès lors, ils entretiennent leurs victimes sur le Network Marketing qui n’est rien d’autre que l’activité Qnet, qu’ils qualifient de business d’avenir qui peut changer leurs vies, relate Mme la commissaire divisionnaire Forogo, révélant que, face au refus des victimes de s’adonner à cette activité, elles sont dépouillées de tous leurs biens, séquestrées avec d’autres victimes dans une maison de trois pièces et se voient confisquer tous leurs moyens de communication.

Ils les obligent, poursuit-elle, à suivre une formation de vente en ligne pyramidale pendant des heures interminables pour leur enseigner les techniques d’escroquerie en vue d’appâter de nouvelles victimes.
« La deuxième option consiste pour ces présumés auteurs à faire croire aux victimes qu’ils travaillent dans une entreprise au Ghana dont les salaires mensuels varient entre cinq cent mille (500 000) et plus d’un million (1 000 000) de francs CFA. Pour ce faire, ils disent à leurs victimes de se tenir prêtes pour un éventuel recrutement au sein de l’entreprise. Quelques jours plus tard, ils envoient un communiqué de recrutement de l’entreprise, tout en leur demandant de constituer leurs dossiers afin qu’ils les aident à postuler. Une fois les dossiers soumis, ils attendent deux à trois semaines pour annoncer aux victimes qu’elles sont admises tout en leur disant d’apprêter une somme qui varie entre huit cent mille (800 000) et un million (1 000 000) de francs CFA pour la location d’une maison et un bain linguistique. Lorsque la victime effectue le voyage au Ghana, elle est logée dans un hôtel, le temps de lui soutirer l’argent ou de lui faire envoyer l’argent par ses parents. Une fois le dépôt effectué sur leur compte mobile money, ils prennent le soin d’expliquer à la victime qu’il s’agit en réalité de l’activité Qnet qu’ils souhaiteraient que la victime mène en faisant venir ses proches de la même manière qu’elle a été appâtée. N’ayant généralement pas le choix face aux pertes déjà subies et aux mauvaises conditions de vie qui sont désormais les leurs, le tout dans l’espoir de gagner leur vie, ces victimes s’adonnent aussi à ces pratiques », déroule le co-conférencier, le commissaire divisionnaire, permanent chargé du Bureau central national Interpol, Mariam Forogo.

Le Procureur du Faso, Blaise Bazié, avec à sa droite, le commissaire divisionnaire, permanent chargé du Bureau central national Interpol, Mariam Forogo, et à sa gauche, le magistrat Tarsida Ismaël Komi.

Il ressort également de son récit que, pour les candidats à l’aventure en Europe, ils utilisent le motif du visa ; pour les footballeurs, ils promettent un recrutement dans une académie de football en Europe ou dans un club à l’étranger ayant besoin de nouveaux talents. Les chercheurs d’emploi sont, quant à eux, appâtés par des promesses d’emplois hautement rémunérés.

D’énormes conséquences matérielles et morales

L’enquête menée par le Bureau central national Interpol établit le préjudice financier pour les 22 cas à plus de 33 000 000 de FCFA. « Et comme conséquences, nous pouvons citer : la déscolarisation, la perte d’emploi, l’appauvrissement des familles, car certains proches de victimes ont vendu des parcelles et divers biens familiaux ou ont même contracté des prêts et autres engagements pour financer le faux projet de leurs enfants ou de leurs frères. Toutes les personnes mises en cause, au nombre de neuf et identifiées parmi les 22 personnes rapatriées, ont été conduites devant mon parquet, placées sous mandat de dépôt depuis le jeudi 5 juin 2025 et le dossier programmé à l’audience du 17 juin 2025.

Les investigations se poursuivent afin d’interpeller les autres personnes citées par les victimes comme étant les cerveaux du réseau. Quant aux victimes au nombre de treize, elles sont prises en charge dans un centre d’accueil en attendant leur retour dans leurs familles respectives. Ces résultats témoignent de l’importance de la coopération sous-régionale en matière de lutte contre la criminalité transfrontalière et attestent de l’engagement des services de sécurité du Ghana et du Burkina Faso à démanteler les réseaux criminels qui s’adonnent à cette forme d’escroquerie et de traite des personnes », a poursuivi le Procureur du Faso, Blaise Bazié.

Le Parquet a félicité la Police judiciaire pour son travail, préalable à de nombreuses actions en justice.

Selon l’autorité de poursuite, les auteurs encourent des peines de prison ; pour l’escroquerie, la sanction peut aller à cinq ans de prison ferme, et au-delà de dix ans pour ce qui est de la traite des personnes. « Quoi qu’il en soit, il reviendra au tribunal de déterminer la gravité des faits et la peine ; parce que les peines sont personnelles, deux ou trois personnes peuvent se retrouver dans la même situation et ne pas avoir exactement la même peine », décline le Procureur du Faso Blaise Bazié, expliquant que le parquet se donne le droit de poursuivre et laisse la possibilité au juge de donner la décision qui sied.

Les victimes sont, quant à elles, prises en charge dans un centre d’accueil. « Il va sans dire que toutes ces personnes qui reviennent du Ghana, certaines ne retrouvent pas le chemin de la maison, il faut rechercher la famille. Aussi, certains ont menti et donc, il faut essayer de sensibiliser la famille pour qu’ils puissent retourner chez eux, à la maison. Donc, prise en charge alimentaire, au moins un toit pour dormir avant de regagner la famille. En dehors de cela, je ne pense pas qu’il y ait une prise en charge financière ; elle est alimentaire, psychologique également, parce qu’il faut les préparer à se reprendre, car certains ont dû perdre une, deux ans, voire plus, de scolarité », détaille Blaise Bazié.

Relativement à la prise en charge, la commissaire divisionnaire Mme Forogo précise que, depuis la frontière, le ministère en charge de l’action sociale et celui en charge des affaires étrangères, à travers leurs directions compétentes, assurent ce volet (qui inclut des soins).
« Il y a des Camerounais qui étaient au Burkina. Des Ivoiriens, des Guinéens, des Nigériens… Ils ont été tous appâtés par leurs propres compatriotes au Burkina, de la même façon qu’Ido (Seydou) et d’autres personnes ont appâté des Burkinabè au Ghana. Et quand vous arrivez, on vous séquestre (vous êtes dans une maison, vous ne sortez pas et vous êtes obligés d’appâter d’autres personnes, à votre gré ou contre votre gré) », présente le Procureur du Faso, en réaction à une question sur l’ampleur du phénomène.

Les conférenciers ont exprimé les reconnaissances à l’Ambassade du Burkina au Ghana, qui a travaillé de concert avec la Police ghanéenne et Interpol-Ouaga pour ramener au Burkina, les 22 personnes.

Les conférenciers recommandent aux populations, notamment aux jeunes diplômés, d’observer la plus grande prudence et vigilance face aux multiples offres alléchantes, même émanant de leurs proches, que ce soit en termes d’emploi bien rémunéré, de visa pour poursuivre les études à l’étranger ou de recrutement dans un centre de football ou dans un club de football à l’étranger.

O.L
Lefaso.net

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