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Nucléaire iranien : Pékin donne le tempo

Publié le mardi 2 mai 2006 à 06h11min

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Après le dépôt du rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sur le nucléaire iranien, lequel rapport constate que Téhéran a « ignoré » les recommandations du Conseil de sécurité de l’ONU, George W. Bush s’est contenté de déclarer que « le processus diplomatique ne faisait que commencer ».

Une volte-face qui traduit la montée en puissance de Pékin dans la gestion du dossier, mais aussi les pressions intérieures subies par Bush qui avait privilégié jusque-là l’option « guerrière ».

Lors de sa récente visite aux USA, le président chinois Hu Jintao a principalement discuté avec son homologue américain du destin futur de l’île de Taïwan que Pékin n’envisage pas autrement que dans le giron du « grand-frère » chinois. Une position que la Chine n’a eu de cesse de réaffirmer depuis la « sécession » de l’Ile de Formose sous la houlette de Tchang Kaï Check et qui divise la communauté internationale. Sans entrer dans ce débat dans lequel droits éthique et politique sont intimement liés, disons que Washington n’est pas prêt pour l’heure à « lâcher » Taïwan, surtout depuis que l’émergence de la Chine fait de ce pays le principal concurrent des USA pour les années à venir.

Céder sur Taïwan reviendrait à reconnaître le magistère ou à tout le moins le poids de plus en plus grandissant de Pékin dans la gestion des affaires du monde. Un poids qui transparaît cependant dans l’affaire dite du nucléaire iranien, la nouvelle position modérée de Washington résultant en partie du « diktat » de la Chine. Après l’envahissement de l’Irak qui a entraîné la « déstructuration » et cela de façon durable du pays, la Chine ne veut pas voir un autre pays, grand producteur de pétrole plongé dans la tourmente.

On l’a dit et redit, la Chine, devenue la première « usine » du monde a des besoins pétroliers immenses et, la récente visite du même Hu Jintao au Nigeria puis au Kenya vient illustrer une fois de plus cette assertion. En quête de nouveaux « paradis » pétroliers, Pékin n’hésite plus à prospecter sur le continent noir avec, il est vrai, de juteux accords de coopération dans la main. Pour autant, c’est en Arabie et dans le Golfe persique que les Chinois font l’essentiel de leur marché et, une déstabilisation de l’Iran ne pourrait qu’entraîner une raréfaction de l’or noir, avec comme conséquence un possible troisième choc pétrolier. Alors, Hu Jintao a proposé à Bush-fils un « deal » clair et limpide : continuer la négociation avec Téhéran quitte à hauser le ton de temps à autre, la Chine en contrepartie acceptant de céder sur certains dossiers tels que le cours de sa monnaie (Washington estime que le yuan est sous-évalué) et le textile. Aussi, Pékin accepte de s’approvisionner sur le marché américain dans le domaine aéronautique et des nouvelles technologies de l’information.

Le diktat du monde des affaires aussi...

On a vu que le premier tête-à-tête qu’a eu Hu Jintao aux USA a été avec le patron de Microsoft, Bill Gates. L’industrie informatique est en plein essor en Chine et ce marché de plus d’un milliard de consommateurs aiguise l’appétit du numéro un mondial.

La technologie chinoise est pour l’heure, assez rudimentaire et Mircrosoft s’est vu proposé des contrats d’assistance qui pourraient lui permettre de doubler, voire de tripler son chiffre d’affaires. Aux USA, les affaires passent avant la politique et Bush a du céder aux pressions du géant de l’informatique. Surtout que derrière Bill Gates, se profilait l’ombre du numéro un de l’aéronautique Boeïng.

Pékin qui veut refaire sa flotte aérienne n’hésite pas, selon ses intérêts, à jouer Boeïng contre le constructeur Européen Airbus. A ce sujet, on a constaté que les Européens sont restés muets sur la question de la violation des droits humains en Chine, lors de la visite du Premier ministre chinois en Allemagne puis en France. Rien, même pas une condamnation de principe, Jacques Chirac ayant même poussé le ridicule jusqu’à prétendre que la Chine avait fait des « avancées » sur le champ démocratique. Chirac faisait allusion à « l’ouverture » sur le plan économique de la Chine, même si le Parti communiste chinois est le seul à être autorisé dans le pays. Le ridicule ne tue pas surtout lorsqu’il y a du « gombo » au bout. Pour en revenir aux affaires sino-américaines, disons qu’en faisant chorus avec Microsoft, Boeïng a lui aussi contribué à assouplir la position de Bush.

Lequel Bush en entamant ses multiples croisades sous le prétexte de « remodeler » le grand Moyen-Orient (Afghanistan - Irak, Syrie, voire Arabie Saoudite et Koweït) était surtout mû par des intérêts mercantiles. Il ne faut pas oublier qu’il est l’héritier d’une « dynastie » pétrolière qui engrange actuellement d’énormes bénéfices avec l’envolée du cours de l’or noir. Son paternel avait solidifié le capital avec la guerre du « Golfe I » et lui-même vient y ajouter de substantielles réserves avec le conflit déclenché en mars 2003.

Le reste en dehors de la protection du « petit-frère » israélien n’est que folklore pour esprits crédules. Les autres barons de l’industrie américaine pensent qu’il a assez d’argent et qu’il faut les laisser eux aussi engranger du « fric ». Ce d’autant que la « facture humaine » est de plus en plus corsée et que son entêtement fait planer une menace de récession mondiale. Mahmud Amadinejad qui a intégré toutes ces variables peut donc pavoiser et menacer de « cesser » sa coopération avec l’AIEA.

Ce d’autant qu’il a le soutien de Moscou, la Russie désirant être le partenaire privilégié de Téhéran dans son projet nucléaire. Moscou a en effet proposé d’enrichir l’uranium iranien sur son sol, avant de le rétrocéder à Téhéran. Pour l’heure, les mollahs refusent cette voie médiane même si elle ne les empêchera pas d’atteindre leur objectif ultime à savoir disposer de l’arme nucléaire. En définitive, Pékin est le maître du jeu dans cette nouvelle crise mondiale, ce qui confirme l’adage qui dit que « quand la Chine s’éveillera, plus rien ne sera plus comme avant ».

Boubakar SY

Sidwaya

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