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Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

Publié le jeudi 27 avril 2006 à 07h40min

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Le continent africain a les ressources naturelles, humaines et culturelles nécessaires à son développement. Mais il lui manque de véritables leaders. Telle est la conviction de Céline Sika dont l’écrit suit.

Elle est formelle : "Le jour où les fils et filles de notre cher continent comprendront que l’avenir de l’Afrique se trouve entre leurs mains et non pas entre les mains de ceux-là qui prétendent nous aider à nous développer (...), l’Afrique cessera d’être cette mère qui vomit ses enfants pour être une véritable terre d’opportunités pour tous".

L’image qu’on nous renvoie de l’Afrique est celle d’un continent noir, au sens propre comme au figuré, un continent sans espoir où les hommes et les femmes, décimés par les épidémies et pandémies ; traumatisés par des années de famine, de sécheresse, de guerres civiles et de catastrophes de tout genre ; traqués par des dirigeants qui ne tolèrent aucune contradiction ou remise en question et usent de tous les moyens pour s’éterniser au pouvoir, tuant ainsi tout espoir de changement, ne pouvant conjuguer aucun verbe au futur. Ces dirigeants sont souvent arrivés au pouvoir par des méthodes que nous savons : les coups de force. Mais ils ont parfois été aussi démocratiquement élus.

Mais, une fois au pouvoir, ils oublient, comme par enchantement, toutes les promesses faites aux populations et deviennent leurs bourreaux, n’hésitant pas à écraser tout obstacle sur le chemin de leur enrichissement et démanteler et vendre par pièces détachées leur pays avec biens et meubles. On en vient à se demander d’où venaient ces guides, ces visionnaires, ces planificateurs, ces bâtisseurs qui ont fait la fierté de l’Afrique dans les années soixante et immédiatement après, c’est-à-dire ceux qui étaient prêts à vivre pauvres mais libres et debout, au lieu d’être « riches » mais assujettis, esclaves ?

Nos dirigeants d’aujourd’hui, à quelques très rares exceptions, ont tout sauf le sens de la responsabilité, du partage, de l’honneur. Alors que leurs pays sont riches et même immensément riches, ils se battent bec et ongles pour figurer en bonne place sur la liste des pays pauvres très endettés, pour recevoir quelques miettes de ce qu’on leur vole quotidiennement.

Où est leur sens de l’honneur ? Où est cette fierté qui a toujours habité les Africains et qui a poussé des hommes et femmes de la trempe des reines Ranavalona III et N’Zinga, le roi Béhanzin et les Amazones, Samory, Ruben Um Nyobé, Patrice Lumumba, Nelson Mandela pour ne citer que quelques-uns parmi ces figures emblématiques, à développer sur l’ensemble du continent et même hors de celui-ci différentes formes de résistance et de lutte face à l’agression militaire, politique, économique, culturelle et psychologique étrangère ? Quand se départiront-ils de cet esprit de mendiant qui les habite en permanence et les empêche d’être lucides et de prendre en main les rênes de leur destin ?

Pendant longtemps, l’Afrique a servi d’échelle aux occidentaux pour « grimper sur le baobab du développement », pour paraphraser le Pr Joseph Ki-Zerbo.

"Nous avons besoin de véritables leaders"

Aujourd’hui encore, cette même Afrique continue d’être le wagon que les Occidentaux utilisent, au sens propre comme au figuré, pour se développer. Alors, penser un seul instant que ce continent rattrapera l’Occident comme on nous le dit sans cesse, c’est faire preuve d’une naïveté colossale parce que le statut du wagon, c’est de rester irrémédiablement derrière la locomotive. Au lieu de s’embarquer

dans cette course effrénée vers le Développement dans laquelle on l’embarque, et dans laquelle rien n’est épargné ; ni l’Homme pour qui on se bat, ni la Nature qui soutient la vie. Ce que nous devons faire, c’est de descendre le plus rapidement possible de ces rails que nous n’avons pas construits ni contribué à construire, et construire nos propres rails sur lesquels nous roulerons à notre propre rythme, parce que le développement ne se mesure pas au nombre d’immeubles ou d’industries construits, de voitures par kilomètre, mais bien par le bonheur et le bien-être des populations, lesquels sont très relatifs.

Nous en avons les ressources aussi bien naturelles qu’humaines et culturelles. Nous avons tout simplement besoin de véritables leaders, c’est-à-dire des hommes et des femmes capables d’avoir une vision et de mobiliser les compétences et de les rassembler pour faciliter la réalisation de nos objectifs communs. Malheureusement, ce genre d’Hommes fait cruellement défaut en Afrique. C’est pourquoi il est juste de saluer l’initiative de LEAD Afrique Francophone qui œuvre pour l’émergence en Afrique d’une masse critique de leaders plus sensibles et ouverts aux exigences du développement durable.

L’Afrique n’est pas mal partie. Elle se cherche encore. L’Afrique se vide de ses fils et de ses ressources tous les jours, à cause de ses multiples maux. Des villages entiers émigrent, bravant coups, injures, humiliations, affrontant le désert et la mer, à la recherche d’un eldorado improbable de l’autre côté, mais bien possible en Afrique. Ils fuient la misère, les catastrophes naturelles ou humaines, les guerres, etc.

Mais surtout la mauvaise gouvernance parce que c’est elle qui est souvent à l’origine de tout cela. Le jour où les fils et filles de notre cher continent comprendront que l’avenir de l’Afrique se trouve entre leurs mains, et non pas entre les mains de ceux-là qui prétendent nous aider à nous développer et les rattraper, alors qu’ils ne sont pas prêts à descendre de la locomotive dans laquelle ils sont confortablement installés depuis la nuit des temps ou même seulement à partager la cabine du conducteur avec nous, l’Afrique cessera d’être cette mère qui vomit ses enfants pour être une véritable terre d’opportunités pour tous.

Céline Sika

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 avril 2006 à 10:17, par N. S En réponse à : > Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

    Je vous tire mon châpeau pour votre analyse pertinente. Cependant, en s’attaquant seulement aux dirigeants on risque de ne jamais trouver une solutuion aux problèmes soulevés à travers votre analyse. La jeunesse, et partant le peuple, a une part de responsabilité dans cette situation déplorable vécue par les populations africaines et favorisée par nos dirigeants. Cette jeunesse a perdu sa dignité d’antan, elle est prête à se vendre à vil prix pour satisfaire des besoins à court terme et non à long terme, elle ne s’est plus dire non, l’esprit de critique emerge en elle au détriment de l’esprit critique. Elle est infectée par le virus "chacun pour soi, Dieu pour tous", raison pour laquelle il est difiicile pour elle d’atteindre ses objectifs dans une lutte pour le bien-être, elle est facilement prenable par la stratégie politicienne qui consiste à diviser pour mieux règner. La jeunesse africaine a oublié que notre mère Afrique mise tout son espoir sur elle, car son avenir dépendra d’ elle (la jeunesse).
    Le corompu et le corrupteur son tous coupable de la corruption.
    Il faut que la jeunesse, fer de lance de toute nation sache quand il le faut !

    • Le 29 avril 2006 à 00:49 En réponse à : > Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

      L’analyse de l’article est pertinente. Cela montre qu’il y a beaucoup d’africains qui réflechissent sur l’avenir à long terme de notre continent. C’est très positif.
      Je suis tout à fait d’accord avec l’intervenant qui dit qu’il faut former des gens capables, des cadres, une élite africaine.
      Mais je dois ajouter que l’autre problème de l’Afrique c’est la fuite des cervaux ; car le continent produit des hommes et des femmes très à la hauteurs et inovant dans beaucoup de domaines:informatiques, médecine, la recherche,... Mais que constate-t-on ? ils s’en vont tous en Europes et aux Etats-Unis laissant l’Afrique dans la pénurie...
      Pourquoi partent-ils ? A mon avis l’instabilité politique, les mauvaises conditions économiques qui s’en suivent, sont autant d’éléments incitant à la fuite.
      Comme on l’a déjà dit, la bonne gouvernance, c’est le point de départ pour notre développement. Car, quand nos fameux gouvernants se remplissent les poches au détriment des populations, les fameux bailleurs de fond (qui sont très malins !) et leurs aides au développement profitent de cette situation, de ce desordre dans la gestion des finances. Ce (le peu) qu’ils ’’donnent’’ d’une main, l’autre main le reprend mais au centuple ! Une vraie spoliation. Pire ! Parfois ils nous apporte le malheur en nous vendant leurs armes (la destabilisation ; diviser pour bien régner) pour que le chaos règent encore et toujours. le documentaire intitulé le "cauchemar de Darwin" diffusé sur la chaîne ARTE m’a stupéfait... (Mais je me suis demandé les intentions -les arrière pensées- de celui qui a fait ce documentaire et le but de sa diffusion. Je me méfie de l’homme blanc et je doute qu’il ait toujours de bonnes intentions pour l’Afrque... soit).

      Pour revenir à la bonne gouvernance, elle ne doit pas nous être dictée par les occidentaux. C’est nous même, Africains, qui savons de quoi on a besoin et les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre nos objectis. Et si on a beson d’aide (c’est indéniable) de l’extérieur, il faut qu’ils nous aident comme nous le souhaitons, pas comme eux le souhaitent (et le conçoivent ; la colonisation est fini !).

      Par ailleurs, les africains doivent se réapproprier leur Histoire. Car, qu’a fait la colonisation ? Une aliénation des gens, un anéantissement de notre mémoire, de notre passé.
      On a besoin d’une Histoire écrite par les africains, lue par les africains, interprétée par les africains pour les africains ; pas d’une ’’histoire’’ truffée de mensonges, ocultant la vérité historique et cachant des preuves archéologiques quand celles-ci démontrent l’ingéniosité et les inovations qu’ont apportées les civisations africaines à l’humanité entière. Car l’histoire qui est enseignée aux écoliers et élèves dans certains pays africains (la plupart), est une histoire dont le but "caché’’ est de glorifier (de la part des africains) la civilisation occidentale et partant de justifer, à l’aventage de l’homme blanc, toutes les atrocités et tous les ravages que celui-ci a causés à nos peuples.

      On ne pourra pas s’épanouir économiquement et culturellement et artistiquement en déniant notre passé. Le fait de vouloir se développer en mettan entre parenthèse notre propre Histoire, c’est comme vouloir construire une mais sans fondations ou sur du sable ou encore, comme l’a déjà dit quelqu’un construire en commencant par le toit !! Il ne faut pas brûler les étapes à vouloir ressembler à l’Occident à tot prix. Si nous faisons tout dans la précipitation, on commettra des erreurs aux conséquences lourdes. L’homme occidental (très futé) adorerait ça (entre temps il profite du chaos qu’il a introduit par la colonisation, pour tout piller. Il faut sérieusement qu’on se réveille).

      Amin Malouf (écrivain libanais) a écrit :"l’Occident ne veut pas qu’on lui ressemble, il veut qu’on l’obéissent." Je répondrais qu’en voulant nous développer, on n’a pas nécessairement l’intention de ressembler à l’Occident. VOULOIR NOUS DEVELOPPER EST NOTRE DROIT ;comme l’a rappelé un intervenant, développement n’est pas égal gratte-ciel, nombre de voitures sur les routes, etc. Tout peuple sur terre, donc les africains aussi, aspire au bien-être et au bonheur ; à l’auto-suffisance alimentaire.

      En parlant de revoir notre Histoire, cela ne veut pas dire qu’on doit tous nous transformer en chercheurs en histoire, que toute notre attention doit être portée à l’histoire de l’Afrique. Non. Chacun doit oeuvrer dans son domaine ; l’histoire aux historiens et les mathématiques aux mathématiciens. On n’a pas tous la même vocation, on ne va pas tous faire la même chose. Au contraire, le développement concerne tous les domaines mais en étant FIERS de notre passé et de nos encêtres.

      Un proverbe africain :’’ aussi longtemps que les lions n’aurons pas leur (s) propre(s) conteurs, les histoires de chasse tourneront à l’aventage du chasseur’’
      Je trouve qu’il s’applique bien à la situation que connaît l’Afrique depuis que l’homme blanc s’y est introduit.

      Jeunes africains (j’en suis un) lisez les ouvrages d’historiens africains qui n’ont pas peur d’en être (il y en a qui ont honte, qui sont aliénés jusqu’aux os et caressent le blanc dans le sens du poil). Je vous conseille de lire Cheik Anta Diop. Consultez aussi des sites internet comme : africamaat.com

      N.H.

  • Le 27 avril 2006 à 13:13 En réponse à : > Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

    Je suis tout à fait d’accord avec votre article. Je crois que, même si tout le monde est à blamer dans cette histoire, il faut reconnaître que nos dirigeants apparaissent comme les premiers responsables. J’ai l’impression qu’ils sont insensibles à l’image que l’on se fait de l’Afrique en Occident : misère et pauvreté, guerres tribales, épidémies... D’ailleurs remarquez comment nous sommes traités en Europe et constatez les vigoureuses protestations de nos dirigeants... A plusieurs reprises, je suis arrivé à la conclusion que nous étions une race maudite ! Je suis en Occident, et je pense que ceux qui y sont peuvent aussi contribuer à ce qu’une image digne de l’Afrique puisse y circuler. Cessons de jouer au singe, au bon nègre, à celui qui aime rire, danser pour rien. Levons la tête et faisons savoir qu’en Afrique nous avons tous les moyens pour nous en sortir pour qu’enfin, bientôt, quand on parlera du monde, on inclura l’Afrique.

  • Le 27 avril 2006 à 20:14, par Pierre olivier - Association "Rencontres Solidaires" qui a pour but de faire connaître et aimer le Burkina Faso En réponse à : > Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

    Bravo, Céline Sika pour votre analyse de la situation de l’Afrique. Je suis aussi convaincu que l’Afrique a en elle, tout le potentiel nécessaire à son émergeance et à sa réussite. Peut-être faut-il que tout cet assistanat des pays plus développés cesse, pour que les responsables décident enfin de se prendre en charge et de motiver les populations.

  • Le 27 avril 2006 à 23:39, par Bonny En réponse à : > Développement : "L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants"

    Une bonne analyse. Mais ce que je peux ajouter, c’est que former des hommes et des femmes capables de relever aujourd’hui et demain les defis de developpement en Afrique ne se fera pas au hasard. C’est quelque chose qui doit etre plannifie et programme. En Afrique, la question-clef de la formation des cadres, des elites est un grand flou. On ne peut se developer sans resoudre cette question fondamentale : la formation d’hommes et de femmes capables.

    Quand on observe seulement les choses, on voit que l’Afrique s’en remet totalement a l’etranger, a tout ce qui est etranger pour former ses cadres, ses elites epars d’aujourd’hui : formation professionelle, education universitaire, religion et autres aspects de la spiritualite. On achete tout de l’Occident, de l’Asie, meme ce qui n’est pas par essence achetable.

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