Burkina/ Exploitation minière (2017-2022) : La Cour des comptes révèle des failles dans la gestion des revenus

La Cour des comptes du Burkina Faso a rendu public, le jeudi 3 avril 2025, un rapport d’audit accablant sur la gestion des revenus issus de l’exploitation de l’or et autres substances précieuses entre 2017 et 2022. Intitulé « Audit de performance du cadre juridique et institutionnel de la mobilisation des droits et taxes issus de l’activité extractive de l’or et des autres substances précieuses au Burkina Faso ». Ce document met en lumière des faiblesses significatives favorisant les flux financiers illicites et appelle à une réforme en profondeur du secteur.
Lancé en juillet 2023 et finalisé en septembre 2024, cet audit de performance a passé au crible le cadre juridique et institutionnel régissant la collecte des revenus miniers. Comme l’a expliqué Sarra Bazié, conseillère à la Cour des comptes, l’objectif était de « présenter à la presse et à l’opinion nationale les résultats de nos travaux d’audit qui ont porté sur les flux financiers illicites, principalement dans le secteur minier », a-t-elle fait savoir.
Latin Poda, premier président de la Cour des comptes, a précisé dans son discours que cette conférence de presse se tient durant la 2e édition des Journées d’engagement patriotique et de participation citoyenne, placée sous le thème de l’ordre et de la discipline. Tout en ajoutant qu’en tant qu’institution supérieure de contrôle des finances publiques, la Cour des comptes a pour mission de veiller à la bonne gestion des ressources publiques et à l’efficacité des dispositifs mis en place pour le développement économique et social de notre pays.
La méthodologie employée, combinant audit de performance et aspects de conformité, a permis d’analyser en détail les processus et mécanismes mis en place. L’équipe d’audit a examiné les lois et règlements, les procédures de collecte et de gestion des revenus, les mécanismes de contrôle et de surveillance, et a formulé des recommandations pour améliorer la transparence et la responsabilité.

Des faiblesses juridiques et institutionnelles préoccupantes
Les résultats de l’audit sont alarmants. Car ils révèlent un système d’octroi et de renouvellement des titres miniers peu transparent, une faible accessibilité à l’information, et un contrôle insuffisant de l’exactitude des déclarations de revenus. L’environnement de contrôle est jugé « faiblement maîtrisé », avec des lacunes dans les procédures et une application inégale des textes.
Mme Bazié a souligné que « les flux financiers illicites désignent tout transfert international de richesses gagnées, transférées ou utilisées de manière illégale et qui nuisent au développement ». Ces flux, qui incluent l’optimisation fiscale agressive des multinationales, privent le Burkina Faso de ressources cruciales pour son développement.
Des recommandations pour une meilleure gouvernance
Face aux constats alarmants révélés par son audit, la Cour des comptes du Burkina Faso a formulé une série de recommandations fortes pour améliorer la gouvernance du secteur minier. En premier lieu, il est impératif de développer l’expertise nationale, afin de garantir une meilleure maîtrise des potentialités minières et des spécifications techniques. Parallèlement, un renforcement du suivi, de la surveillance et de la responsabilisation des acteurs, en particulier au sein de l’administration minière, s’avère indispensable. De surcroît, une rationalisation des dépenses fiscales et un renforcement de la coopération internationale permettraient d’optimiser les revenus issus de l’exploitation minière.
En outre, l’élaboration d’une cartographie des risques de flux financiers illicites, assortie d’une stratégie adaptée, est cruciale pour lutter efficacement contre ce fléau. Par ailleurs, une réforme de la législation sur les prix de transfert, la dématérialisation des procédures et l’interconnexion des systèmes d’information sont nécessaires pour garantir une plus grande transparence et efficacité. Enfin, la mise en place d’une raffinerie nationale d’or permettrait de sécuriser les revenus et de valoriser la production locale. Ainsi, à travers ces recommandations, la Cour des comptes appelle à une refonte en profondeur du secteur minier burkinabè, afin que les richesses du sous-sol contribuent pleinement au développement du pays.

Des défis à relever
L’audit couvre la période 2017-2022, marquée par l’entrée en vigueur d’un nouveau code minier en 2021. Le défi majeur est de s’assurer que les dispositions de ce nouveau code, plus favorables à l’État, soient effectivement respectées.
La Cour des comptes appelle à une synergie d’action de tous les acteurs : administrations, société civile, presse pour garantir une gestion transparente et efficace des revenus miniers. Elle insiste sur la nécessité de « maintenir le niveau d’alerte » et d’utiliser efficacement les ressources disponibles.
Cet audit de la Cour des comptes constitue un signal fort pour améliorer la gouvernance du secteur minier au Burkina Faso et assurer que les richesses du sous-sol bénéficient à l’ensemble de la population.
Y. Alex Lankoandé (Stagiaire)
Lefaso.net