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États-Unis : George Foreman s’est éteint le 21 mars 2025 après qu’Ali l’eut tué à Kinshasa, il y a 41 ans

Publié le dimanche 23 mars 2025 à 22h30min

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États-Unis : George Foreman s’est éteint le 21 mars 2025 après qu’Ali l’eut tué à Kinshasa, il y a 41 ans

La vie du boxeur américain poids lourd George Foreman est l’histoire d’une défaite et de la résilience d’un champion. Parce que les médias et l’opinion n’ont retenu de sa carrière que sa défaite contre Mohammed Ali à Kinshasa en 1974, pour la ceinture de champion du monde. La presse américaine l’a baptisé le « combat dans la jungle ». Mohammed Ali ne lui a jamais donné l’occasion pour qu’ils croisent de nouveau les gants. Ce combat, qui l’a marqué et l’a emmené à chercher le but de sa vie en combattant ses démons sur les rings et ailleurs, lui fera dépenser sa fortune dans une vie débridée qui va le conduire sur les chemins de la foi et à faire le plus grand come-back dans la légende de la boxe en devenant le plus vieux champion du monde. Sans le charisme de Mohammed Ali, George Foreman a eu une vie inspirante. Feuilletons quelques pages de cette vie.

Les boxeurs ne sont pas des basketteurs, ils peuvent se passer de la taille. Mais George Foreman n’était pas petit avec ses 1,92m et sa force surhumaine. Sa légende a commencé aux Jeux olympiques de 1968 à Mexico, au Mexique, où, en deux rounds expéditifs, il envoie son adversaire soviétique au tapis. À 19 ans, il remporte la médaille d’or de boxe dans la catégorie poids lourds. Le fait que Big George était jeune et qu’il a quitté l’école à 15 ans et son histoire familiale expliquent qu’il était à mille lieux de ce qui se passait dans son pays et dans le monde, notamment les mouvements et manifestations pour les droits civiques des Noirs, contre la ségrégation raciale. Foreman était un boxeur, point !

Martin Luther King a été assassiné, et ensuite John Fitzgerald Kennedy, tous en 1968. La jeunesse, toujours cette année, était dans la rue dans le monde. George Foreman n’avait pas de contact avec les coureurs américains du 200m Smith et Carlos, qui avaient brandi leurs poings et baissé la tête quand l’hymne américain célébrait leurs victoires aux mêmes jeux que lui, comme premier et troisième de cette course. Aussi, après sa victoire, c’est un petit drapeau américain qu’il a brandi sans faire de vagues. Il ne pouvait en être autrement au point où il en était de la maîtrise de sa boxe et de sa réflexion personnelle. En 1995, avant sa retraite, il a confié au journal français Le Monde ces mots : « J’étais un voyou, un mauvais garçon. Je montais sur le ring pour tuer mon adversaire. La haine était dans mon corps, dans mes muscles, derrière chacun de mes coups de poing. » C’est un euphémisme pour dire que sa jeunesse s’est passée dans des bagarres de rue, des agressions pour voler et autres cambriolages.

Foreman est né le 10 janvier 1949 dans un quartier noir défavorisé de Houston. Il n’avait pour seuls atouts que la force et la puissance de ses poings et son destin fut de monter sur les rings. Ce qui se passa quand il rencontra son premier coach. Très vite après les Jeux olympiques, il vole de victoire en victoire avec un pourcentage incroyable de victoires avant la limite et de KO. Il devient en 1973 champion du monde contre Joe Frazier en Jamaïque. Ce dernier était un champion du monde invaincu jusqu’à ce combat du 22 janvier 1973 à Kingston contre Foreman. Le 25 mars 1974, Foreman va gagner contre Ken Norton à Caracas, au Venezuela. Il totalise alors 40 victoires, dont 37 par KO, soit 92,5 % de victoires par KO. Big George est à son apogée, mais l’histoire continue et va le mener en Afrique, dans le Zaïre d’alors, actuelle République démocratique du Congo, pour se battre contre Mohammed Ali.

« Ali bomaye ! », swahili que l’on peut traduire en français par « Ali tue-le ! »

Si on fait un sondage aujourd’hui, beaucoup de gens vous diront que ce fût le combat du siècle, le meilleur combat de boxe de tous les temps. La légende de ce combat n’a jamais pali, auréolé par un best-seller, Le combat du siècle et un documentaire oscarisé : When we were Kings. Tant il a réuni tous les ingrédients pour faire d’un match de boxe, un combat en dehors du ring de plusieurs protagonistes. Celui d’un promoteur de combat noir, Don King, qui va trouver un dictateur africain Mobutu Sese Seko en mal de publicité, pour financer un combat dans son pays où il offre 5 millions de dollars aux deux adversaires (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Foreman). En CFA aujourd’hui cela ferait 2 milliards 500 millions. C’est fou, ce serait 5 milliards sans compter les multiples invités comprenant des stars de musique, de journalistes etc., aux frais du pays dont la monnaie, le Zaïre, valait pour une unité deux dollars américains à sa création.
Revenons à la boxe où George Foreman a reçu la leçon de sa vie.

Mohammed Ali a multiplié les déclarations vantant sa beauté -ce qui est vrai- et faisant passer son jeune adversaire pour quelqu’un qui n’aimait pas les Noirs. Et les 100 000 spectateurs du stade des Martyrs étaient tous pour lui, des fans fous qui criaient : Ali Bomaye ! Mais sa victoire est réellement une victoire stratégique et de ruse acquise sur le ring. Il connaissait la puissance d’un Foreman habitué à gagner dans les premiers rounds. Foreman était le favori et il le savait. Mais il a gagné par la tête, par l’esprit et non par la force brute. Il s’est entraîné à encaisser les coups en les parant et en faisant durer le match qui va épuiser Foreman qui s’est dépensé beaucoup, en pure perte.

Au 8e round, Mohammed Ali va envoyer au tapis George Foreman qui concède le premier KO de sa carrière. C’est lourdement que George s’est écroulé dans la « jungle » le 30 octobre 1974. Mohammed Ali revient à 32 ans contre son cadet qui a 26 ans en combattant pour l’Afrique contre l’Américain Foreman. Quelque chose s’est brisé en George ce jour-là : il sera envoyé au tapis par KO par Joe Frazier en 1976 et prend sa retraite en 1977 à 28 ans après une défaite contre Jimmy Young.

Dieu parle aux vestiaires

Et ce jour de défaite, dans les vestiaires, « il tombe malade d’un coup de chaleur et d’épuisement » et rencontre Dieu. Il a touché le fond : « il ne peut plus se battre, se battre pour sa vie ». Et dans les vestiaires, une voix lui parle : « Crois-tu en Dieu ? Pourquoi es-tu prêt à mourir ? » Foreman, qui n’avait pas de religion, ne se prend pas pour Moïse ou Élie, il propose de l’argent pour les œuvres caritatives, mais la voix lui dit : « Je ne veux pas de ton argent, je te veux. » Voilà comment George Foreman est devenu pasteur pendant dix ans, sans remettre les gants. Et en 1990, il renoue avec la boxe.

Foreman a raconté que longtemps après, il n’en revenait pas toujours de cette défaite de Kinshasa : « avec le sommeil perturbé. Tellement ce combat l’a anéanti et a bouleversé sa vie. Il pensait qu’il n’était plus un homme. » C’est pourquoi il n’a pas gagné tant qu’il n’avait pas soldé ses comptes avec cette défaite. C’est ce qu’il a fait en 1990 quand il remonte sur les rings.

C’est en tant que pasteur et sportif qu’il se bat et sans haine de l’adversaire. Et il fait son come-back à 45 ans contre Michael Moore et parviendra à redevenir champion du monde en 1994. Vingt ans après 1974, c’est le combat de la résilience, de l’homme qui affronte son passé et combat ses vieux démons en face, les yeux dans les yeux. Quand il se retire définitivement en 1997 à 48 ans, il compte 76 victoires et 5 défaites seulement. Soit seulement 6 % de combats perdus. Mohammed Ali et George Foreman ont eu une belle amitié montrant aux yeux du monde qu’ils étaient de grands sportifs, surtout durant la maladie de Parkinson de Mohammed Ali. Et Foreman dira de lui : « Ali a toujours été plus grand que la boxe … Il change le monde. Aucun autre boxeur ne pouvait faire ça. » Pour ce compliment à l’homme qui l’a fait descendre en enfer, peut-on douter que Dieu parlait à ce grand homme qui vient de nous quitter ?

Sana Guy
Lefaso.net

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