Burkina/Environnement-Changement climatique : Wendkuni Ghislain Noba accède au grade de docteur, avec la « mention très honorable »

Pour l’obtention de son diplôme de doctorat, Wendkuni Ghislain Noba a choisi pour étude le thème intitulé : « Changement climatique et vulnérabilité des ressources en eau : cas du sous-bassin de la Nouhao au Burkina Faso ». Au terme d’années de dur labeur, le doctorant a défendu sa thèse de doctorat unique sous le titre sus-référé, le vendredi 7 mars 2025 à l’université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou. Une épreuve à l’issue de laquelle il a été déclaré, avec la « mention très honorable » du jury, digne d’accéder au grade de docteur.
Le changement climatique, qui menace de plus en plus les ressources en eau, constitue, relève Wendkuni Ghislain Noba, un frein au développement des pays sahéliens, aussi bien sur le plan économique que social. D’où le questionnement sur les manifestations de ce changement climatique dans le futur, son influence sur les écoulements et son impact sur l’accès aux ressources en eau. C’est dans la quête de réponse à cette préoccupation que l’impétrant Noba a jeté son dévolu sur cette unité hydrologique du Burkina Faso, à savoir le sous-bassin de la Nouhao (région du Centre-est). L’étude a consisté à évaluer l’impact que pourrait avoir le changement climatique sur la disponibilité et l’utilisation de la ressource en eau.

« En nous focalisant d’abord sur l’évolution climatique future à travers l’analyse des sorties des modèles climatiques issus de la réduction d’échelle basée sur les scénarios climatiques RCP 4.5 et RCP 8.5, nous avons pu déduire que les paramètres, tels que la pluviométrie, la température, la vitesse du vent et l’humidité relative, auront dans le futur une tendance spatiotemporelle très variée comparativement aux périodes historiques. Ces paramètres, qui ont par la suite servi de données d’entrée au modèle hydrologique HEC-HMS, ont permis de modéliser le comportement hydrologique futur du bassin et de déduire qu’aussi bien les volumes d’eau de ruissellement que des débits moyens annuels augmenteront par rapport aux années historiques. Ces changements, qui risquent d’avoir des implications importantes pour la planification et la gestion futures des ressources en eau, ont engendré, dans la dernière partie de nos travaux, une étude de compréhension de l’influence du climat sur la disponibilité et l’allocation de l’eau pour les usages dans le futur au sein du sous-bassin. Le modèle d’allocation d’eau WEAP ainsi mis en contribution à travers les données d’entrée climatiques et hydrologiques déduites de la première et de la deuxième partie de cette étude a permis de conclure que le bassin sera exposé à une insatisfaction croissante de la demande globale en eau des usagers au fil du temps. L’usage dont le besoin sera le moins satisfait dans le futur est l’irrigation, suivie de l’élevage. Sur le plan communal, dans le sous-bassin de la Nouhao, Bittou est la commune qui manifeste le plus un besoin insatisfait au fil du temps, quel que soit l’usage. Cette étude donne donc une orientation sur la vulnérabilité des ressources en eau dans un futur proche et lointain, constituant ainsi une base d’orientation pour la mise en place d’une politique d’adaptation, d’atténuation ou de réduction des effets liés au changement climatique dans le futur au sein du sous-bassin de la Nouhao », a globalement campé Wendkuni Ghislain Noba.
Pour mieux cerner son sujet et parvenir aux résultats, le candidat a bâti son travail autour de cinq chapitres. Ainsi, par le premier chapitre, l’étudiant fait une revue de littérature qui détaille l’importance et la vulnérabilité des ressources en eau, les méthodes de caractérisation du climat et les outils d’évaluation des risques liés à l’exposition des ressources en eau aux changements climatiques. Dans le deuxième chapitre, il présente la zone d’étude, notamment sa situation géographique, son climat, sa caractéristique morphométrique, sa typologie des sols, l’occupation de son sol, son hydrographie et ses ouvrages de mobilisation d’eau. Le chapitre III, lui, se focalise sur l’analyse des tendances du climat futur à travers les modèles de réduction d’échelle climatique, tandis que le chapitre IV aborde la modélisation de la réponse hydrologique du sous-bassin à travers un modèle hydrologique. Quant au chapitre V, il est constitué d’une analyse de l’accès à l’eau à travers une modélisation de la disponibilité de la ressource en eau.

« Les différentes parties abordées dans cette recherche ont permis d’aboutir à des résultats en réponse aux objectifs spécifiques fixés. Le premier objectif spécifique de cette recherche, qui consistait à caractériser le climat futur, a abouti aux déductions suivantes : l’évolution des précipitations future suivant les scénarios climatiques RCP 4.5 et RCP 8.5 est contrasté (en effet, la pluviométrie dans le SBN aura une tendance à la baisse à court, moyen et long terme suivant le RCP 4.5 mais dans le RCP 8.5 c’est une hausse qui est constaté dans son évolution) ; la dynamique spatiale des précipitations présente un déplacement latitudinal des cumuls pluviométriques annuels au fil du temps du nord vers le sud-est suivant les RCP 4.5 (l’évolution dans le sens inverse est constaté pour le RCP 8.5) ; pour ce qui est de la température, les résultats présentent une tendance au réchauffement au fil du temps pour les deux scénarios climatiques conformément à celle observé à l’échelle globale (la seule nuance est relevée au niveau du RCP 8.5 qui affiche une augmentation supérieure à celle du RCP 4.5 dans le futur lointain ) ; la vitesse du vent, ne montre pas une variabilité importante quel que soit le scénario climatique (RCP 4.5 ou RCP 8.5) ; l’humidité relative, quant à elle, présente une tendance à la baisse de ses valeurs moyennes au fil du temps suivant les deux scénarios, tout en présentant de façon spatiale un déplacement latitudinal du nord-est vers le sud-est des valeurs moyennes au fur et à mesure que l’on avance vers la fin du siècle », a-t-il présenté.

Pour ce qui est du second objectif spécifique, qui consistait à évaluer l’influence climatique sur le ruissellement, les résultats affichent que les volumes d’eau ruisselés présentent une augmentation variable dans le RCP 4.5, comparativement aux années historiques (ces augmentations sont de l’ordre de 23%, 25,5% et 20,3%, respectivement pour le court, moyen et long termes définis dans cette étude. Dans le RCP 8.5 cette augmentation est de l’ordre 18,2% pour le court terme, 34,5% pour le moyen terme et de 39,6% pour le long terme) ; les débits moyens de pics simulés sont inférieurs à ceux de la période de référence sous les deux scénarios climatiques ; les débits moyens mensuels simulés de début et de fin de saison pluviométrique sont inférieurs à ceux de la période de référence quel que soit le scénario.
« Le troisième et dernier objectif spécifique qui cherchait à donner une vue d’ensemble sur l’évolution de l’offre et de la demande en eau au vu du changement climatique a abouti aux déductions suivantes : en année de base, c’est-à-dire l’année choisit pour la mise en marche de la simulation des allocations d’eau qui est 2017, le besoin global en eau dans le SBN s’élevait à 17 215 549 m3 et la disponibilité à 7 274 525 m3 (le niveau de satisfaction était de 42%) ; l’insatisfaction de la demande en eau, évaluée en se basant sur les scénarios climatiques RCP 4.5 et RCP 8.5, aura une tendance à la hausse lorsque l’on évolue vers la fin du siècle ; le besoin en eau potable est l’usage le mieux satisfait dans les deux scénarios climatiques (l’irrigation est l’usage le moins satisfait sur l’ensemble du SBN) ; sur le plan communal, la commune de Bittou présente une particularité vis-à-vis des autres communes car elle est celle qui présente une insatisfaction croissante en eau pour les trois principaux usages analysés dans cette étude », a commenté Wendkuni Ghislain Noba, soulevant par ailleurs quelques limites et contraintes de cette étude.

Cette première étape de la soutenance, consacrée à la présentation succincte de la thèse par le candidat, a fait place aux échanges avec les membres du jury. Ainsi, rapporteurs, examinateurs, directeur et co-directeur de thèse et président du jury ont scruté le travail, allant de la forme au fond.
Entre questions d’éclaircissement, d’explications et commentaires, le jury a salué, entre autres, la pertinence de la thématique, la qualité du travail… qui dénote du dévouement du doctorant. Après avoir également soumis le candidat à une explication accessible au grand public du contenu de son travail et à une traduction en langue nationale mooré (sa langue maternelle), un exercice surprise pour lequel il a été félicité, le jury s’est retiré pour l’ultime acte, c’est-à-dire la délibération.
Après une heure de suspense pour le candidat et l’assistance composée notamment de parents, d’amis, de collègues, le jury fait son retour dans la salle pour la proclamation des résultats.
« Le jury, après avoir pris connaissance de vos travaux, de manière unanime, vous déclare digne du grade de doctorat de l’université Joseph Ki-Zerbo, avec la mention très honorable », a proclamé le président du jury, arrachant une salve d’applaudissements dans la salle.
Réagissant au sortir de la soutenance, le président du jury, Harouna Karambiri, professeur titulaire à 2iE, Burkina Faso, a mis en exergue le mérite de la thèse qui, selon lui, apporte un éclairage nouveau sur le devenir des ressources en eau dans un contexte d’usage multiple.
« Cette recherche s’inscrit dans une problématique non seulement nationale, qui touche le Burkina Faso, mais aussi régionale ; autant le Burkina est touché, autant les autres pays de la sous-région (Mali, Niger, Côte d’Ivoire ou Ghana) sont touchés par cette même problématique. Donc, cette étude peut, je pense, être dupliquée dans ces pays, pour justement appréhender au niveau local, au niveau national, voire régional, la problématique de l’eau ; parce que l’eau n’a pas de frontière administrative, l’eau n’a une frontière que celle de son bassin versant. Et la composition du jury, qui est international, montre l’intérêt de la problématique pour la sous-région », apprécie le président du jury.
Professeur Karambiri décèle au travail du désormais docteur Noba de nombreux points forts. « Le doctorant a d’abord mis en place une démarche scientifique, qui est très pertinente, pour la modélisation. Et cette modélisation touche dans un premier temps la modélisation climatique, parce qu’il fallait, à travers des scenarii d’évolutions climatiques, voir l’évolution des paramètres du climat, notamment la précipitation, la température, l’évapotranspiration…).
Donc, il a construit à partir des scenarii une démarche qui permet d’avoir une vision sur l’horizon moyen terme, qui est 2050, mais aussi l’horizon long terme, qui est 2 100. L’autre point fort, c’est qu’il a aussi développé une démarche de mobilisation, mobilisation de la ressource en eau à partir d’une approche hydrologique qui a permis effectivement de mettre en place un modèle qui soit validé et calibré, qui puisse permettre de traduire l’évolution de cette ressource-là. Le troisième point fort, c’est qu’il a mis en adéquation, par des assimilations futures… », fait ressortir Pr Karambiri, félicitant, une fois de plus, Dr Wendkuni Ghislain Noba.
Outre le président, le jury était composé de François Zougmoré, professeur titulaire, Université Joseph Ki-Zerbo, Burkina Faso (directeur de thèse) ; Inoussa Zongo, directeur de recherche, IRSAT-CNRST (Institut de recherche en sciences appliquées et technologies-Centre national de la recherche scientifique et technologique), Burkina (co-directeur de thèse) ; Agnidé Emmanuel Lawin, professeur titulaire, Université d’Abomey-Calavi, Bénin (rapporteur) ; Marcel B. Kébré, maître de conférences, Université Joseph Ki-Zerbo, Burkina Faso (rapporteur) ; Emmanuel Nanéma, directeur de recherche, IRSAT-CNRST, Burkina (examinateur).
O.L
Lefaso.net