Célébration de la semaine des langues africaines et la journée internationale de la langue maternelle dans le Nayala : Un pas vers la souveraineté culturelle

Le jeudi 27 février 2025, l’école Amitié de Toma, dans la province du Nayala, a été le lieu d’une double célébration : la Semaine des langues africaines (SLA) et la Journée internationale de la langue maternelle (JILM). Elle a été marquée par une série d’activités comme la montée des couleurs nationales, des contes, des jeux de devinettes en langue San-makaa, ainsi qu’un défilé en tenue traditionnelle, un slam en langue locale et une lutte traditionnelle. Cet événement a rassemblé autorités, éducateurs, élèves et membres de la communauté pour souligner l’importance des langues dans la préservation de l’identité culturelle et le développement de l’Afrique.
Adama Diallo secrétaire général de la province du Nayala, représentant le haut-commissaire de la province a pris la parole pour saluer l’initiative et souligner l’importance des langues nationales dans la cohésion sociale et le développement du pays. Il a expliqué que les langues nationales constituent non seulement un outil de communication essentiel, mais qu’elles jouent également un rôle fondamental dans la valorisation de l’identité culturelle du Burkina Faso.
« Le français, bien qu’il soit la langue officielle du pays, ne peut pas être l’unique moyen de communication avec l’ensemble de la population », a-t-il rappelé. Le représentant a évoqué la récente adoption par le gouvernement d’une loi reconnaissant les langues nationales comme langues officielles du pays. Cette décision représente un tournant dans la lutte pour l’affranchissement des mentalités coloniales et pour une communication plus fluide entre gouvernants et gouvernés.

Le directeur provincial en charge de l’éducation, Thomas Garané a également pris la parole pour rappeler l’importance de cette double commémoration, soulignant que l’initiative découle de la volonté des autorités burkinabè de faire des langues maternelles un véritable levier de développement. « L’école, qui devait être le creuset de la promotion de nos langues, est devenue à un moment donné un lieu où l’on étouffait nos langues nationales. Un temps où un élève qui osait prononcer un mot dans sa langue maternelle était puni », a-t-il déclaré.
Cet héritage colonial, qui a voulu imposer des langues étrangères au détriment des langues africaines, a laissé des séquelles profondes. Toutefois, la vision actuelle des autorités, qui consiste à promouvoir les langues nationales comme vecteurs d’émancipation, constitue une rupture décisive avec ce passé. Pour le directeur provincial en charge de l’éducation, cette démarche vise à restaurer la souveraineté culturelle du Burkina Faso et à renforcer les liens entre les jeunes générations et leurs racines culturelles.
À l’occasion de cette célébration, Thomas Garané a invoqué le nom de Joseph Ki-Zerbo, éminent penseur et défenseur de l’éducation africaine et du développement endogène. Le message qui a résonné est celui de l’importance de l’africanisation et la généralisation de l’éducation, ainsi que de l’amélioration des performances scolaires. Selon Joseph Ki-Zerbo, les programmes et contenus d’enseignement doivent être pensés et adaptés aux réalités africaines pour être véritablement utiles aux peuples de l’Afrique. Il a martelé l’idée que sans une éducation véritablement africaine, il n’y a pas d’avenir possible pour les pays africains.
La généralisation de l’éducation et l’amélioration des performances scolaires, avec un accent particulier sur les langues nationales, étaient au cœur des préoccupations de Ki-Zerbo, et sont toujours d’actualité dans les réformes éducatives du Burkina Faso. La promotion des langues africaines, selon lui, est une condition sine qua non pour le développement intellectuel et social du continent.
Une autre dimension de la commémoration a été l’accent mis sur l’importance de la langue maternelle dans l’éducation. Lassina Toé, président de la sous-commission nationale du San-makaa a rappelé les nombreux avantages de l’utilisation des langues maternelles dans l’enseignement, notamment dans le développement cognitif et affectif des élèves. Selon lui, l’adoption de la langue maternelle comme langue d’enseignement est non seulement bénéfique pour la compréhension des matières enseignées, mais elle participe également à la transmission des savoirs traditionnels et des valeurs culturelles.

Il a également souligné que la langue maternelle est un facteur essentiel d’inclusion sociale et de réussite scolaire, favorisant une meilleure intégration des élèves dans le processus d’apprentissage.
Le président de la sous-commission a également souligné l’importance de l’engagement des enseignants et des élèves dans les activités culturelles et linguistiques, en précisant que cette célébration représente une occasion unique de raviver l’intérêt pour les langues locales et de les intégrer pleinement dans le système éducatif.
Les festivités de la journée ont été marquées par des manifestations culturelles, telles que des jeux de devinettes en SAN, des contes en SAN, d’un slam en SAN, un défilé de mode en tenues traditionnelles et une compétition de lutte traditionnelle entre élèves. Ces activités se sont tous déroulées en langue SAN-MAKAA et ont permis de mettre en lumière les talents linguistiques et artistiques des élèves et des acteurs de l’éducation.
Y.I K-Z
Lefaso.net