FESPACO 2025/Ecocitoyenneté : La Brigade verte, ces jeunes volontaires qui ont préservé l’éclat du festival

Alors que les projecteurs illuminaient les écrans et que la capitale burkinabè vibrait au rythme du cinéma africain, des mains discrètes mais dévouées s’activaient dans l’ombre pour maintenir la propreté des sites du festival. Ces mains appartiennent aux jeunes volontaires de la Brigade verte. Des étudiants, des élèves et des citoyens engagés qui ont consacré leur temps à ramasser les déchets, balayer les espaces publics et sensibiliser les festivaliers à l’écocitoyenneté.
Il est 11 heures au siège du FESPACO à Ouagadougou. Le festival bat son plein et la cour commence à refuser du monde. Le soleil n’est pas encore au zénith, mais un groupe de jeunes vêtus de gilets sillonne le site. Fatoumata Nayité est l’une d’entre eux. Elle se penche à chaque pas pour ramasser tout ce qu’elle voit au sol. Du papier hygiénique, des sachets d’eau, des bouteilles en plastique et même des restes de repas, rien ne lui échappe. Cette étudiante en communication à l’université de Ouagadougou, munie de gants rouges n’est pas gênée par ce boulot « salissant ».
« Je voulais faire quelque chose d’utile pour ma ville et montrer que la jeunesse peut être un moteur de changement », confie-t-elle, les mains chargées d’un sac poubelle. Avec neufs autres jeunes volontaires, depuis le début de la biennale, elle arpente la cour du FESPACO. À ses cotés, Abdoul Aziz Drabo, 19 ans, se montre tout aussi infatigable. « Quand j’ai vu l’annonce de recrutement de volontaires, je n’ai pas hésité à postuler. Je voulais aussi contribuer à la réussite du festival. Voir les sites propres, me plait et me rend fier », lance-t-il en poussant une brouette pleine de déchets qu’il va vider dans un bac à ordure installé à l’arrière-cours du siège. Aux environs de 13h, nos deux éboueurs de circonstance prennent une pause avec leur équipe.

Un travail qui n’est pas passé inaperçu
Les festivaliers et usagers des sites du FESPACO n’ont pas tardé à remarquer la présence des jeunes volontaires de la Brigade verte. Certains ont admirés ces jeunes, armés de balais et de sacs-poubelles, ramasser les déchets sans relâche. « Franchement, c’est admirable de les voir travailler comme ça », confie Alima, une étudiante venue visiter le Marché international du cinéma africain et de la télévision (MICA). « On voit qu’ils ne font pas semblant, ils ramassent tout, même les bois des brochettes. Ça nous pousse à réfléchir à nos propres comportements », a-t-elle dit avec un brin de gêne. C’est le même sentiment que partage Yacouba qui aide à vendre de la boisson dans un stand.
Pour cet habitué du commerce au FESPACO, c’est une innovation qui leur facilite la tâche. « Ces jeunes nous aident à évacuer les ordures que nos clients créent autour des stands. On ne s’y attendait pas mais ils font vraiment du bon travail sinon ça serait difficile de gérer les odeurs et les déchets », a lancé Yacouba.
Un « soulagement » pour le festival
Le délégué général du FESPACO, Moussa Alex Sawadogo, souligne l’importance de cette initiative pour la réussite du festival. « Cette brigade verte a travaillé dans l’ombre mais a fait ses preuves. Cela montre que professionnaliser un festival, ce n’est pas seulement organiser des projections, c’est aussi prendre soin de l’environnement et de la santé des invités », pense-t-il, indiquant qu’avec près de 20 000 personnes sur les différents sites, la production de déchets était inévitable. Mais grâce à la Brigade verte, nous avons pu maintenir les espaces propres tout au long de l’évènement. « Ces jeunes ont été des véritables acteurs de ce changement pour le FESPACO », s’est réjoui le délégué.
Il a aussi rappelé que cette démarche ne se limite pas au nettoyage des espaces. Selon lui, il s’est agi aussi de veiller à la santé des festivaliers et à la préservation des sites culturels. « Quand je quitte le site tard le soir et que je le retrouve impeccable au matin, je mesure l’impact de leur présence. C’est la preuve que la jeunesse burkinabè est capable de grandes choses lorsqu’on lui fait confiance et qu’on lui donne les moyens d’agir », a-t-il précisé, en saluant l’engagement de ces jeunes qui ont pu maintenir les espaces propres tout au long de l’évènement. Moussa Alex Sawadogo ajoute que le comité d’organisation du festival a, pour cette édition, réduit les impressions papier pour privilégier le numérique.
Une fierté pour la commune
Maurice Konaté, Président de la délégation spéciale (PDS) de Ouagadougou, ne cache pas sa satisfaction face à l’engagement des jeunes volontaires de la Brigade verte. « C’est avec fierté que nous avons accueilli cette initiative car l’assainissement est au cœur de nos priorités », explique-t-il. « Ces jeunes montrent l’exemple, ils nous rappellent que garder une ville propre est une responsabilité collective. » Il souligne que cette action, soutenue par l’UNICEF et la coopération italienne, est un modèle à suivre pour la jeunesse. « Voir des étudiants s’organiser de leur propre gré pour ramasser les déchets durant toute la durée du FESPACO, c’est une véritable leçon de civisme. Nous savons que la production de déchets est massive pendant le festival, mais grâce à ces jeunes, la ville garde un visage plus accueillant pour les festivaliers et les habitants. »
Maurice Konaté n’a pas manqué de rappeler que la propreté de la capitale est un défi quotidien. « La notion d’assainissement n’est pas encore totalement ancrée dans nos cultures. Mais quand des jeunes se lèvent pour changer les mentalités, cela prouve que nous avançons. », a-t-il dit ajoutant que la commune, en collaboration avec les services techniques, a mis à disposition des bacs de collecte pour soutenir l’initiative. « Les déchets ramassés par les volontaires sont ensuite transportés vers des centres de traitement. C’est une chaîne d’efforts coordonnés qui a permis de conserver la ville saine malgré le flux de personnes », a souligné le PDS, ajoutant que l’assainissement est une affaire de tous. Même si vous n’êtes pas membre d’une association, chacun doit adopter le réflexe de préserver son environnement. C’est ainsi que nous construirons une ville plus vivable pour tous. », car l’assainissement est au cœur de nos priorités », explique-t-il.
Mamounata Ouédraogo Kiemtoré, directrice provinciale de la jeunesse et de l’emploi du Kadiogo, explique que la création de la Brigade verte résulte d’une collaboration étroite entre le ministère de la Jeunesse et l’UNICEF, dans le cadre de l’initiative U-Report. « Nous avons voulu marquer la présence de cette jeunesse écocitoyenne tout au long du FESPACO », a-t-elle souligné. Elle fait savoir que cette activité d’une semaine environ est du volontariat et qu’il n’y a pas de salaire. « Mais nous leur donnons une petite prime d’encouragement. L’idée, c’est de cultiver l’esprit d’engagement tout en valorisant leur contribution », a précisé la directrice Mamounata Ouédraogo Kiemtoré.

Repartis en équipes du matin et de l’après-midi, ces volontaires ont travaillé sans relâche, pour collecter les déchets et assurer le tri avant que la mairie ne vienne les acheminer vers des centres de traitement. Ils étaient composés de dix jeunes sur différents sites abritant les activités du festival. Cette brigade a été formée grâce à un partenariat entre le ministère de la Jeunesse et l’UNICEF, qui ont recruté 100 jeunes après avoir reçu plus de 800 candidatures.
Pour Fatoumata et Abdoul Aziz, cette expérience va bien au-delà du nettoyage. « Nous avons appris l’importance de l’engagement et des bonnes habitudes. Beaucoup de festivaliers jettent encore leurs déchets au sol par habitude, mais en nous voyant ramasser, certains changent de comportement », explique les éléments de la Brigade verte.
Leur travail a illustré la volonté de la jeunesse burkinabè pour un FESPACO réussi et aussi pour un avenir plus vert et plus responsable. Et alors que les rideaux du FESPACO se sont baissés, ces jeunes repartent avec la satisfaction d’avoir laissé derrière eux des sites aussi propres que leur engagement.
Farida Thiombiano
Lefaso.net