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Les ambassadeurs de France à Ouagadougou : portraits croisés (2)

Publié le mardi 25 avril 2006 à 08h41min

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La Haute-Volta est devenue, en 1966, le premier pays d’Afrique où l’armée sera appelée au pouvoir. Maurice Yaméogo est remplacé par Sangoulé Lamizana, le chef des Forces armées voltaïques. En 1971, le général Lamizana, qui a fait adopter une constitution sur mesure lui assurant de garder longtemps le pouvoir, viendra en visite officielle en France.

Un an plus tard, les lundi 20 et mardi 21 novembre 1972, c’est au tour du président Pompidou de se rendre en visite à Ouagadougou.

Le 14 mars 1973, un nouvel ambassadeur de France est nommé à Ouagadougou. Il s’agit de Paul Blanc. Né le 12 août 1924 à Besançon, dans le département du Doubs, fils d’un notaire, c’est à Sète puis à Montpellier qu’il fera ses études secondaires avant de "monter" à Paris pour y être breveté de la France d’outre-mer. Il sera également, par la suite, docteur en droit, sa thèse portant sur le régime international de tutelle et son application au Cameroun de 1950 à 1955.

Pendant dix ans (1946-1956), il va servir outre-mer comme administrateur. Au Congo d’abord, au Gabon ensuite (où il va multiplier les entretiens avec le docteur Schweitzer), au Cameroun enfin où, pendant cinq ans, il va être conseiller juridique auprès du Haut-commissaire, s’intéressant tout particulièrement aux délicats problèmes fonciers qui se posaient alors dans le Sud du pays. Il assurera également une mission d’études foncières au Maroc en 1952.

En 1956, il revient à Paris, il est nommé administrateur à la section des Affaires internationales (1956-1958) du ministère de la France d’outre-mer puis à la direction des Relations économiques extérieures (1959-1960). Intégré au ministère des Affaires étrangères, il rejoint l’administration centrale, Afrique-Levant, où il va collaborer pendant deux ans (1960-1962) tout en assurant des activités professorales à l’Institut des hautes études d’outre-mer. Ce sera, ensuite, Ottawa (1962-1966) - il mettra à profit son séjour au Canada pour y enseigner à l’université - Fort-Lamy (1966-1969) et New York (1969-1973) : il y a été nommé représentant de la France au conseil de tutelle et deuxième conseiller à la mission permanente de la France auprès des Nations unies pour les questions africaines et de décolonisation.

C’est le 14 mars 1973 qu’il est nommé ambassadeur à Ouagadougou. Il va rester en poste en Haute-Volta jusqu’en 1977. Il sera, par la suite ambassadeur à Maputo (1977-1981) avec attribution pour le Swaziland et le Lesotho, ambassadeur à Tananarive (1981-1984), ambassadeur à Beyrouth (1987-1989). Il part alors à la retraite. Membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, administrateur du Secours catholique, amateur de mises en scène, Blanc est l’auteur de : Les
chemins ne repoussent pas, Le Prince et le griot, Le Liban entre la guerre et l’oubli.

La situation politique en Haute-Volta, pendant le séjour de Blanc, ne s’est pas vraiment décantée. Le 8 février 1974, Lamizana a décidé la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Les activités politiques sont suspendues. Un gouvernement dit du Renouveau national est mis en place. Les militaires reviennent sur le devant de la scène. Mais la grève générale des 17 et 18 décembre 1975 (qui fait suite, notamment, à la création du
Mouvement national pour le Renouveau, le MNR) va obliger Lamizana a former un nouveau
gouvernement au sein duquel les civils seront prééminents.

Blanc est resté près de cinq ans en Haute-Volta. Il est vrai qu’il n’avait pas cinquante ans lors de sa nomination, ce qui était, plus encore à l’époque, jeune pour un ambassadeur, même en Afrique. Foccart avait une bonne opinion de lui (alors même qu’il aurait souhaité la nomination de son conseiller pour les affaires administratives, Gérard Barrère), considérant qu’il avait
"réussi très bien avec les Africains" lorsqu’il était à l’Onu et qu’il avait "le contact humain".

Le
séjour de Blanc à Ouagadougou ne sera pas de tout repos compte tenu des incessantes luttes d’influence entre les leaders politiques, sans compter bien sûr l’action des militaires. Blanc souffrira, par ailleurs, en 1974, d’un zona facial qui lui déclenchera une quasi hémiplégie.

Son remplaçant, nommé le 7 juin 1977, s’appelle Jean Le Cannelier. Né le 3 mars 1922 à Cherbourg, dans le département de la Manche, il est le fils d’un officier supérieur d’aviation. Il débutera ses études à Cherbourg, les poursuivra à Alger puis à Paris. Engagé dans les Forces françaises libres à l’âge de vingt ans (1942-1945), titulaire de certificats d’études supérieures de lettres, diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, il a débuté sa carrière comme secrétaire d’administration au ministère des Finances (1948-1950).

Après avoir été admissible à l’Ena en 1948, il intégrera la promotion "Paul Cambon" (1951-1953) et rejoindra le Quai d’Orsay à sa sortie. Il sera en poste à l’administration centrale, Conventions administratives, secrétariat des conférences (1953-1957), avant de rejoindre Washington comme deuxième puis premier secrétaire (1957-1960).

A son retour à Paris, il est détaché auprès du Secrétariat d’Etat aux relations avec les Etats de la Communauté (1960-1961) et sera le conseiller diplomatique du Haut-commissaire de France à Abidjan (qui est, alors, Yves Guéna, actuel président du Conseil constitutionnel). Il sera en poste dans la capitale ivoirienne en 1961-1962, reviendra à l’administration centrale, Afrique-Levant (1962-1963), avant d’être nommé à... Lima (1963-1967) puis à la Nouvelle Orléans (1968-1971) et à Tananarive (1971-1973). Il est alors nommé ambassadeur haut re résent nt à Ban- ui (1973-1976) puis ambassadeur à Ouagadougou (1977-1981). Il est le premier ambassadeur de France nommé en Haute-Volta qui ait, déjà, une expérience d’ambassadeur dans un autre pays.

Il sera, ensuite, consul général à Barcelone (1981-1984) avant d’être nommé ambassadeur à Port of Spain à La Barbade 1984-1987 avec attribution sur la République coopérative de Guyana, La Trinité et Tobago. En 1988, il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Quand Jean Le Cannelier est arrivé à Ouagadougou, au printemps 1977, la Haute-Volta était passée du Renouveau national à l’Union nationale. Un nouveau gouvernement avait été mis en place le 13 janvier 1977 avec pour mission le retour à "une vie constitutionnelle normale".
Une nouvelle constitution sera adoptée le 27 novembre 1977. L’élection présidentielle des 14 et 28 mai 1978 verra la victoire (contestée par les partisans de Maurice Yaméogo) de Lamizana.

La IIIème République va naître sur fond de contestation permanente à tous les niveaux (présidence, gouvernement, parlement). Le 7 juillet 1978, un gouvernement est formé au sein duquel les civils sont largement majoritaires (19 ministres) face aux militaires (2 ministres). Les grèves vont se multiplier et, une fois encore, compte tenu de l’impéritie des politiques ce sont les militaires qui vont ramasser la mise.

Le 25 novembre 1980, le colonel Saye Zerbo forme un Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) qui évince le général Sangoulé Lamizana de la scène politique voltaïque après qu’il ait passé quinze années au pouvoir.

C’est le retour des militaires au pouvoir. Le CMRPN rassemble 25 officiers, 5 sous-officiers et 1 soldat mais il fait l’unanimité dans le pays. Les syndicats et la hiérarchie catholique ("Ce coup d’Etat, c’est une grâce de Dieu ", déclarera le cardinal Zoungrana) soutiennent le gouvernement formé le 7 décembre 1980 : 8 militaires et 9 civils.

Mais l’évolution du régime va vite provoquer des scissions au sein du groupe des officiers voltaïques. Les capitaines Thomas Sankara, Henri Zongo et Blaise Compaoré ont pris leurs distances. Considérés comme "rebelles", ils sont mis en résidence surveillée. Une nouvelle page de l’histoire de la Haute-Volta n’est pas loin d’être tournée.

A suivre

Jean-Pierre Béjot
La Dépêche Diplomatique (octobre 2002)

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