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Burkina : « La désinformation érode la confiance des citoyens dans l’information » (expert Pousseni Bakouan)

Publié le dimanche 16 février 2025 à 22h30min

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Burkina :  « La désinformation érode la confiance des citoyens dans l’information » (expert Pousseni  Bakouan)

Dans le cadre de la sensibilisation du grand public qu’il mène contre la désinformation, la diffusion de discours de violence et de haine sur les médias sociaux, le Conseil supérieur de la communication (CSC) a, en collaboration avec le ministère de la Transition digitale des postes et des communications électroniques (MTDPCE) et le ministère de la Communication, de la culture, des arts et du tourisme (MCCAT), animé une conférence publique, le vendredi, 7 février 2025 à Ouagadougou. Cette activité, qui a mobilisé de nombreux jeunes, a enregistré plusieurs communications en lien avec le sujet.

Parmi les thèmes, celui qui a porté sur « Quelles solutions législatives et techniques face à la désinformation au Burkina Faso ? ». Il a été décortiqué par le macro-économiste et enseignant-chercheur à l’Université virtuelle du Burkina Faso, Dr Pousseni Bakouan, expert au Secrétariat permanent de l’innovation et de la veille sur les technologies émergentes du numérique (SPIVTEN) au ministère de la Transition digitale, des postes et des communications électroniques.

Le panéliste a abordé sa communication par une contextualisation, d’où il a entre autres expliqué les contours de ce que c’est que la « désinformation », comprise comme la diffusion intentionnelle d’informations manipulées ou erronées dans le but de tromper le public. Une information est fausse, lorsqu’elle procède d’une imputation inexacte ou trompeuse, relève Dr Bakouan, situant également le sujet dans l’environnement de boom numérique.

« Au Burkina Faso, la désinformation menace la cohésion sociale, fragilise la stabilité politique et érode la confiance des citoyens dans l’information. Elle compromet également les efforts visant à renforcer la sécurité et à préserver l’unité nationale. Même si les plateformes numériques offrent d’importantes opportunités de communication et d’expression, elles deviennent également des vecteurs majeurs de diffusion de fausses informations, de stigmatisation et de discours haineux, notamment sur des sujets sensibles. Ces contenus sont souvent amplifiés par des algorithmes qui privilégient le sensationnalisme et encouragent des dynamiques virales préoccupantes », mesure l’expert Bakouan.

Le premier panel, avec de la droite vers la gauche, Dr Pousséni Bakouan, Zoumana Traoré (modérateur), Dr Cyriaque Paré et Dr Myriam Sanou.

Face à cette réalité, jauge-t-il, la lutte contre la désinformation ne saurait se limiter aux seules initiatives individuelles ; elle exige une approche globale et coordonnée, combinant des solutions législatives et technologiques adaptées au contexte national.
Ce qui implique, annonce Dr Bakouan, d’une part un cadre juridique qui régule la diffusion de l’information en ligne, tout en préservant l’équilibre entre contrôle et respect de la liberté d’expression et d’autre part, des solutions technologiques innovantes des outils avancés de vérification des sources, à développer et à intégrer aux stratégies de régulation et de sensibilisation.
Abordant la première partie de sa communication, relative au cadre juridique pour prévenir et lutter contre la désinformation tout en garantissant la liberté d’expression au Burkina Faso, Dr Pousseni Bakouan a d’abord fait focus sur le droit commun.

Sur ce point, il a expliqué que le contenu de l’infraction de fausses nouvelles est d’abord intégré dans le corpus juridique pénal burkinabè à l’article 312-13 de la loi N°044-2019/AN portant modification de la loi N°25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal. Il rappelle à cet effet que selon l’alinéa 1 de ladite disposition, est « puni d’une peine d’emprisonnement de un an à cinq ans et d’une amende de un million (1 000 000) de francs CFA à dix millions (10 000 000) de francs CFA, quiconque intentionnellement communique, publie, divulgue ou relaie par le biais d’un moyen de communication quel qu’en soit le support, une fausse information de nature à faire croire qu’une destruction, une dégradation ou une détérioration de biens ou une atteinte aux personnes a été commise ou va être commise ».

L’alinéa 2 a, poursuit-il, tenté de définir de manière problématique, la fausse information, comme « toute allégation ou imputation inexacte ou trompeuse d’un fait ». Une telle définition présente des risques de confusion avec d’autres infractions classiques en matière pénale telles que le faux et l’usage de faux, qu’il convient d’éviter, relève l’enseignant-chercheur.

Dr Bakouan a ensuite abordé le droit spécial de la communication, en citant l’article 130 de la loi portant radiodiffusion qui dispose que « la diffusion ou la reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongères de nature à porter atteinte à la paix publique est punie conformément au code pénal ». Cette disposition est suivie par l’article 86 de la loi portant presse en ligne, en des termes légèrement différents, « la publication ou la reproduction, par voie de presse en ligne, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongères, de nature à porter atteinte à la paix publique est punie conformément aux dispositions du code pénal », pousse l’expert.

« Concernant l’articulation de ces différentes dispositions, il y a lieu de préciser que contrairement à l’article 312-13 de la loi N°044-2019/AN portant modification de la loi N°25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, qui semble tourner vers la protection des biens et des personnes, autrement dit, des intérêts matériels privés ou des particuliers, les deux dispositions spéciales que nous venons de citer permettent plus facilement la sanction de la diffusion des fausses nouvelles à des fins politiques ou dans toutes les circonstances où la paix publique serait menacée », commente le communicant, précisant que la constitution de l’infraction de fausses nouvelles suppose la réunion de quatre conditions, à savoir un élément matériel, une communication intentionnelle ou délibérée, la fausseté de l’information et un dol spécial.

Ainsi, l’élément matériel consiste au fait de communiquer, publier, divulguer ou de relayer l’information (like, poser un lien hypertexte, commenter, etc.).
L’enseignant-chercheur a également évoqué la loi 001 2021 relative à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés des données avant de convoquer la deuxième partie de son exposé. Elle a consisté à s’interroger sur les innovations technologiques à même d’être mobilisées pour détecter, analyser et limiter la propagation de fausses informations dans l’écosystème numérique burkinabè.
Ce qui a emmené l’expert à présenter ici la plateforme « DJAM », un outil de détection des menaces pesant sur la sécurité nationale.

Dr Pousséni Bakouan.

« DJAM » est une plateforme qui agit comme un moteur de détection des menaces pesant sur la cohésion nationale. Elle est basée sur une ontologie et exploite des algorithmes avancés d’analyse des données. Elle permet d’évaluer si un contenu (textuel ou audio) représente un risque. La plateforme vise à promouvoir une communication respectueuse et responsable en ligne, favorisant ainsi un environnement numérique positif et constructif ; évaluer les contenus publiés afin de déterminer s’ils constituent une menace pour la sécurité nationale ; favoriser la cohésion sociale et la réconciliation en identifiant les discours susceptibles d’alimenter les tensions.

« DJAM » a également pour objectifs d’analyser la véracité des informations en détectant les faits référencés comme étant faux, hors contexte, exagérés ou inexacts et d’assurer un suivi des médias sociaux à travers un tableau de bord inter-actif permettant de surveiller les tendances liées aux menaces sécuritaires, aux fausses informations et aux dynamiques de réconciliation.

O.L
Lefaso.net

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