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Quelle capacité technique pour une production optimale du sorgho au Burkina ?

Publié le samedi 18 janvier 2025 à 15h00min

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Introduction

L’agriculture est un pilier essentiel du développement socio-économique dans de nombreux pays en développement, comme le Burkina Faso. Dans le pays, le secteur agricole emploie plus de 82 % de la population active et contribue à environ 35 % du PIB. Les cultures principales sont les céréales telles que le maïs, le riz, le sorgho et le mil, qui représentent environ 57 % de des besoins calorifiques des ménages (MAAH, 2020). Par conséquent, l’amélioration des rendements agricoles des céréales reste l’un des principaux défis des politiques agricoles au Burkina Faso.

Au cours des dernières décennies, des investissements ont été réalisés dans le secteur agricole, notamment à travers le développement et la diffusion de semences améliorées, des subventions aux intrants et aux équipements agricoles, visant à augmenter les niveaux de production céréalière. Cependant, malgré ces mesures, les rendements agricoles demeurent faibles, compromettant ainsi la sécurité alimentaire. Une solution possible pour l’augmentation durable de la production agricole consiste à augmenter les productivités des facteurs de production en améliorant les capacités productives des producteurs.

Ainsi, améliorer les capacités productives des agriculteurs en intensifiant la production agricole est essentiel pour la sécurité alimentaire au Burkina Faso. Compte tenu de ces constats, il est important d’analyser les facteurs déterminant l’efficacité des céréaliers du Burkina Faso afin de formuler des recommandations pour une agriculture durable. Le choix de ce travail s’est porté sur le sorgho en raison de la place qu’il occupe sur le plan alimentaire et nutritionnel humain et animal. En effet, le sorgho occupe une place prépondérante parmi les céréales cultivées au Burkina Faso, couvrant plus d’un million et demi d’hectares.

Aux côtés du mil, il constitue la pierre angulaire de l’alimentation des communautés rurales en termes de superficie cultivée et de volume de production (CIRAD, 2020). Le sorgho est également utilisé pour la fabrication de boissons alcoolisées telles que la bière locale appelée « le dolo », ainsi que dans la production de bière industrielle. Malgré son importance pour l’économie du pays, les niveaux de productivité demeurent relativement faibles, probablement en raison de la faible adoption des technologies agricoles et de l’éventuelle inefficacité des producteurs. Entre 2012 et 2021, le rendement le plus élevé atteint a été d’environ 1,1 tonne par hectare, malgré la mise en place de programmes de sélection variétale.

Selon les données du ministère de l’agriculture, la plus forte baisse annuelle de la production totale lors de la campagne 2023-2024 par rapport à la campagne précédente (22,25%) et sur cinq ans (6,87%) a été enregistrée pour le sorgho rouge. Fort de ces constats, il est nécessaire de faire une analyse de la productivité du sorgho et aussi identifier les facteurs favorables ou défavorables à l’amélioration des capacités techniques de ses producteurs en vue d’en dégager des implications en termes de politiques agricoles d’amélioration de la sécurité alimentaire. Ce document, tiré de l’article scientifique de Ouédraogo et al. 2024, a pour objectif d’estimer le niveau d’efficacité ou de productivité des producteurs de sorgho et d’identifier les facteurs déterminants leurs productivités.

Méthodologie

Pour la réalisation de cette étude, nous avons utilisé des données secondaires provenant de l’enquête sur les conditions de vie des ménages ruraux de la troisième phase du deuxième Programme National de Gestion des Terroirs (PNGT). L’enquête a été réalisée par le Laboratoire d’Analyse Quantitative Appliquée au Développement-Sahel (LAQAD-S), courant juillet - août 2017 et couvre les 13 régions du pays. Les données collectées ont porté sur les caractéristiques socioéconomiques, démographiques et institutionnelles des ménages ruraux au cours des 12 mois précédant le passage de l’enquêteur. Pour les besoins de cette recherche, on s’est intéressé aux producteurs de sorgho uniquement. Par conséquent, l’échantillon s’est réduit à 1257 producteurs de l’ensemble des 13 régions étant donné que le sorgho est cultivé sur la quasi-totalité du territoire.

Des méthodes économétriques appropriées (Méthode des frontières) ont été utilisées pour l’analyse. La méthode des frontières permet de déterminer la quantité maximale qu’on peut produire avec les facteurs de production dont on dispose. La méthode permet ensuite de situer les productions réellement obtenues par les producteurs par rapport au niveau de production maximale appelé frontière de production. Enfin, la méthode identifie également les facteurs qui expliquent l’écart entre la production maximale possible et les quantités réelles produites c’est-à-dire les facteurs d’amélioration des capacités techniques des producteurs.

Résultats

A l’issu de la recherche, les résultats révèlent que les producteurs de sorgho ont un niveau de productivité assez faible. En effet, pour une quantité maximale possible à produire de 100 unités, ces agriculteurs produisent en moyenne 52 unités seulement, signifiant que les producteurs pouvaient produire 48 unités de plus sans utilisation supplémentaire d’intrants agricoles. La représentation graphique des niveaux moyens d’efficacité indique une faible disparité entre ces niveaux de productivités moyens par région.

Toutefois, les régions du Centre-Nord, du Centre-Ouest, du Centre-Sud et de la Boucle du Mouhoun semblent avoir des niveaux de productivités plus élevés. Vu ces résultats, l’on peut dire que dans l’ensemble, les producteurs de sorgho du Burkina Faso ont des performances faibles dans la production du sorgho en termes d’efficacité. Les mesures visant à améliorer les capacités techniques des producteurs de sorgho sont fortement à encourager pour une amélioration certaine de la sécurité alimentaire.

Figure 1 : Niveau de productivité des producteurs par région

Source : auteurs à partir des résultats d’estimations

Les facteurs déterminant les écarts entre les productions potentielles et les productions réelles

Plusieurs facteurs ont été identifiés capables de contribuer à l’amélioration des productivités du sorgho. Il s’agit de la gestion individuelle de la parcelle, la présence de marché dans la localité, la pratique d’activités non agricoles qui contribuent à permettre aux producteurs d’avoir des revenus pour l’achat des intrants nécessaires, l’accès aux différents services de la vulgarisation agricole et à l’utilisation des techniques de conservations des eaux et des sols. Les résultats montrent aussi que les femmes sont plus éloignées du niveau de production optimale comparativement aux hommes étant donné qu’elles sont plus vulnérables quant à l’accès aux terres et aux intrants. En plus, l’âge du producteur est un facteur important. Plus il est jeune et plus il est plus apte techniquement quant à l’utilisation des technologies innovantes et aux intrants agricoles pour une production optimale.

Conclusion

La présente étude avait pour objectif d’identifier les facteurs favorables à une meilleure production du sorgho au Burkina Faso. Au terme de l’analyse, les résultats ont montré que les producteurs de sorgho ont un niveau de productivité ou d’efficacité assez faible et les facteurs pouvant contribuer à améliorer la production du sorgho sont d’ordre socioéconomique et technologique. Il s’agit de l’âge de l’agriculteur, le sexe, la gestion individuelle de la parcelle, la présence de marché dans la localité, la pratique d’activités non agricoles, l’accès à la vulgarisation agricole et la pratique des techniques de conservations des eaux et des sols. Au vu de ces résultats, des politiques agricoles peuvent être proposées en vue de permettre aux producteurs de sorgho de s’approcher davantage de leur niveau de production potentielle.

Ainsi, nous encourageons les politiques d’incitation des jeunes, plus ouverts aux techniques culturales modernes, à la production du sorgho tout en encourageant les plus âgés à travailler aux côtés des jeunes avec l’assistance des services techniques. Une politique d’accompagnement et d’organisation des femmes doit être envisagée dans le but de contribuer à améliorer leur performance technique à travers leur formation sur les techniques de conservations des eaux et des sols par exemple. Cette formation devra concerner également les hommes. L’assistance technique dans la production du sorgho est également à renforcer pour une amélioration certaine de la production du sorgho au Burkina Faso.

OUEDRAOGO Baowendsom Irène, Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA/CNRST)
BOUGMA Salamata, PhD à l’Université Félix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire
SAWADOGO/COMPAORE Eveline, Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA/CNRST)

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