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Tchad-Soudan : Quand deux despotes se rencontrent...

Publié le mercredi 19 avril 2006 à 07h56min

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Idriss Déby Itno

Quand bien même rien n’est encore totalement gagné avec ces hommes politiques africains qui nous ont habitués aux retournements spectaculaires, l’on pourrait croire que la réconciliation entre les Ivoiriens est sur de bons rails depuis l’arrivée début décembre 2005 du pompier de service Charles Konan Banny.

Cela au regard du calme qui règne au pays d’Houphouët et avec le retour des Forces nouvelles (FN) au Conseil des ministres après plusieurs mois de boycott. Leur leader, Guillaume Soro, a même assuré l’intérim du Premier ministre Charles Konan Banny, en visite d’une semaine à Paris, lors de la réunion hebdomadaire du gouvernement présidée par Laurent Gbagbo, le 13 avril dernier.

Et le processus de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR) se met petitement en place, concomitemment avec l’identification des électeurs qui est l’une des revendications matricielles de la rebellion.

Mais au moment où l’espoir est permis de voir un foyer de tension s’éteindre du côté d’Abidjan, un autre s’est ouvert à N’Djamena, au Tchad. Les rebelles du Front uni pour le changement (FUC) de Mahmat Nour, après avoir pris Mongo, la capitale du Guéra, à 400 km à l’intérieur du territoire, font une avancée éclaire jusqu’à N’Djamena. Une fois de plus, le président Idriss Deby a le dos au mur.

Les combats sont acharnés entre les deux factions et l’on pensait que les jours du successeur d’Hissein Habré étaient comptés, que le glas avaient sonné pour lui. Mais les forces loyalistes résistent et réussissent à repousser les éléments du FUC. Le fauteuil du président est à nouveau sauvé.

L’heure est maintenant aux accusations et aux menaces. Ainsi, Idriss Deby Itno accuse plus que jamais son homologue soudanais Omar El-Bechir d’être le parrain de la rebellion.

Il rompt les relations diplomatiques avec ce mauvais voisin qui veut mettre le feu dans sa maison et menace de renvoyer les réfugiés soudanais du Darfour qui sont au Tchad en violation des accords internationaux. Mais il a dû battre en retraite sur ce dernier point sous la pression des Américains.

Du coup, l’on passe d’une crise Tchado-tchadienne à une crise soudano-tchadienne.

Pourtant, le 8 février 2006 à Tripoli, lors de la 6e session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, les deux pays qui s’accusent mutuellement de déstabilisation, ont signé un accord de paix sous l’égide du libyen Muhammar Khaddafi et en présence des présidents congolais, Denis Sassou Nguesso, François Bozizé de Centrafrique et Blaise Compaoré du Burkina Faso.

Le texte prévoyait "le rétablissement des relations (entre les deux pays), l’interdiction d’utiliser le territoire de l’un pour des activités hostiles contre l’autre et l’interdiction d’accueillir des rebelles des deux pays sur leurs territoires".

A l’issue de la rencontre, El Béchir déclarait que le Soudan respecterait l’accord et l’appliquerait sur le terrain pendant que pour Deby "cet accord allait permettre aux deux pays de renouer leurs relations" qui s’étaient sérieusement déteriorées.

A l’époque, nous écrivions dans notre édition du 10 février 2006, et sous cette même rubrique, que "l’accord n’engage que ceux qui ne l’ont pas signé".

Deux petits mois auront suffi pour nous donner raison. De fait, l’implication du Soudan dans cette rebellion tchadienne semble évidente au point que les Etats-Unis, en des termes à peine voilés, ont mis en garde le gouvernement de Khartoum.

D’ailleurs, ce pays n’est pas en odeur de sainteté auprès de l’administration Bush au sujet des massacres perpétrés par les milices au Darfour et aussi du fait que le Soudan a toujours été soupçonné d’être un refuge des combattants du réseau Al Qaïda de Oussama Ben Laden qui s’y serait caché pendant un moment.

Deby, on le sait, n’est pas un modèle achevé de démocrate si vous nous permettez cet euphémisme et Omar El Béchir encore moins. Alors, quand deux despotes se croient, il ne peut y avoir que des étincelles. Et tout se passe comme le Soudanais voulait exporter la double guerre qu’il y a chez (au Sud en voie d’extinction et au Darfour) et distraire en même temps ses propres populations et la communauté internationale.

Pendans ce temps Idriss Deby, fait comme s’il n’y avait rien puisqu’il maintient la date de la présidentielle au 3 mai 2006. Or, c’est justement ces situations politiques non résolues qui conduisent aux conflits.

Si le régime au Tchad est acculé par des rebelles, c’est lié en grande partie à la mal gouvernance économique et politique qui a culminé avec la modification de la Constitution pour permettre à l’homme fort de N’Djamena rester scotcher à son fauteuil. Ainsi, les pouvoirs africains ont en eux, les germes de leur propre crise, sous le regard de la France qui a toujours adopté une attitude ambiguë.

Voici qu’à nouveau elle nie toute implication tout en indiquant que son rôle a consisté "seulement" à faire du renseignement. Or, pour gagner une guerre, il faut un service de renseignements efficace justement et il n’y a pas meilleure implication que de survoler les positions rebelles pour en informer les troupes loyalistes, tirant au passage des "coups de semonce" pour dire à la rebellion de ne pas s’en prendre aux ressortissants français.

Paris doit savoir manœuvrer pour ne pas filer du mauvais coton comme depuis 3 ans au pays d’Houphouët Boigny ou pire, le Rwanda il y a plus d’une décennie. Car, ce conflit est loin d’être terminé surtout avec des élections débridées qui se profilent à l’horizon.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur

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