Burkina : L’ONG Afrique verte Burkina et l’université Joseph Ki-Zerbo en tandem pour une « diversité des cultures » en faveur des populations vulnérables dans les communes de Dapelgo et de Zitenga

L’Organisation non-gouvernementale (ONG) Afrique verte Burkina et l’université Joseph Ki-Zerbo à travers le laboratoire Biosciences déploient un projet dénommé « La diversité des cultures : une opportunité pour les populations vulnérables à la crise sécuritaire et aux changements climatiques au Sahel ». Le projet vise à diversifier et améliorer la production de trois cultures (mil, niébé et voandzou) dont les centres d’origine et de domestication se trouvent en Afrique de l’Ouest et qui sont fondamentales pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle des pays du Sahel. En outre ces cultures constituent aussi une source de revenus pour les populations. La présentation de l’initiative a fait l’objet d’un atelier, mardi, 14 janvier 2025 à Dapelogo, commune rurale de la province de l’Oubritenga, région du Plateau-central.
Les changements climatiques, avec leurs lots de conséquences (inondations, sécheresses, perte de semences, baisse des rendements, etc.), et la crise sécuritaire au Sahel ont impacté sans doute la production agricole. Cela entraîne également, entre autres, la perte des semences que ces populations locales et déplacées utilisaient pour la production agricole. En d’autres termes, cette situation provoque la perte de certaines cultures, contraignant ces populations vulnérables à adopter par défaut des cultures, avec les conséquences socio-économiques et culturelles qui en découlent.

D’où la pertinence de l’initiative « La diversité des cultures : une opportunité pour les populations vulnérables à la crise sécuritaire et aux changements climatiques au Sahel ». Elle vise à, selon le chargé de programme de Afrique verte Burkina, Narcisse Ouédraogo, évaluer les ressources phytogénétiques du mil, du niébé et du voandzou, en cultures dans le site du projet. Il s’agira aussi de sensibiliser les populations de la commune de Dapelogo, où se fera l’expérimentation, sur les avantages d’utiliser la diversité agricole ; recueillir auprès d’elles, les informations sur les variétés perdues qui peuvent être retrouvées dans les banques de gènes nationales ou internationales ; réaliser les tests de sélection participative pour identifier les semences de variétés prometteuses et préférées par les producteurs dans le site du projet ; susciter l’implication active du genre dans le choix des variétés ; améliorer la chaîne de valeur du mil, du niébé et du voandzou et mettre en place des banques de semences communautaires.
C’est pour expliquer et faciliter l’appropriation de l’initiative pour une mise en œuvre réussie, qu’a été organisé cet atelier qui fait également office de lancement du projet. Le cadre a donc réuni tous les acteurs concernés par l’initiative (producteurs, services techniques et de vulgarisation agricoles, services de recherche, services de l’environnement, semenciers, acteurs communaux, etc.).
La commune rurale de Dapelogo comme point de lancement pour le premier atelier
L’initiative est de la FAO (Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et de l’Alliance de Bioversity International-CIAT, en partenariat avec l’université Joseph Ki-Zerbo et l’ONG Afrique verte Burkina. Elle sera exécutée simultanément dans deux communes : Dapélogo et Zitenga.
L’autre aspect de l’initiative va consister en une enquête exploratoire (échange avec l’ensemble des producteurs, pour voir quelles sont les variétés de mil, niébé et de voandzou qu’ils utilisent, ce qu’ils préfèrent, mais dont ils ne disposent pas). À partir de cette étude, seront ciblées les variétés sur lesquelles il faut travailler à multiplier la semence pour les mettre à la disposition des producteurs. C’est pourquoi la collaboration des producteurs est, selon les responsables du projet, nécessaire pour le succès de l’initiative, dont la finalité est de contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour les communautés qui, parfois, disposent de savoir-faire, mais éprouvent des difficultés ou vivent d’autres raisons empiétant leur potentiel.
Selon Dr Lardia Ali Bougma du laboratoire Biosciences de l’université Joseph Ki-Zerbo, partie-prenante depuis la conception du projet, les réflexions ont commencé depuis 2019 sur les changements climatiques qui affectent les ressources phytogénétiques ces dix dernières années et combinés avec les facteurs anthropiques. « Cela nous a amenés à ajouter ce troisième facteur, la crise sécuritaire, qui pourrait encore impacter négativement nos ressources phytogénétiques locales au regard des mouvements des populations.

C’est dans cet esprit que nous avons élaboré le projet, et avons soumis à nos partenaires, notamment l’Alliance Bioversity International-CIAT (qui a le mandat mondial de la gestion des ressources phytogénétiques en terme de conservation), pour déjà leur expliquer le concept du projet et la mesure dans laquelle, on souhaiterait pouvoir travailler ensemble. C’est donc très important que, quand il y a un évènement qui sévit dans une zone et qui peut affecter les ressources phytogénétiques, cette organisation mondiale puisse être contactée en collaboration avec la Commission nationale de gestion des ressources phytogénétiques (CONAGREP) pour voir la conduite à tenir. Dans le cadre du présent projet l’université fournira les conseils techniques et les méthodologies pour l’évaluation et la maintenance de champs de diversité. Elle fera un diagnostic initial de la diversité variétale utilisée par les communautés et des systèmes semenciers qui fonctionnent dans les différentes localités. Nous appuierons également les agriculteurs à avoir des accessions prometteuses auprès des banques de gènes nationales et internationales et à obtenir de nouvelles variétés issues de programmes de sélection nationaux et internationaux.
Travailler à la sécurité semencière
« Ce volet contient plusieurs activités. Il s’agit dans un premier temps, de faire une évaluation des ressources phytogénétiques perdues au niveau des personnes déplacées internes et des populations d’accueil. À partir des résultats de l’enquête, on évaluera les besoins et les critères de préférences à la recherche de ce matériel dans les banques de gènes nationales ou internationales, où nous savons que plusieurs phases de collecte des ressources phytogénétiques ont été opérées depuis les années 1957 jusqu’à nos toujours et conservées dans diverses banques de gènes, il se pourrait qu’en évaluant auprès des populations, on puisse avoir des caractéristiques préférentielles et les ramener. Cela est déjà un acquis, parce qu’il y a l’ICRISAT-Niger qui nous accompagne de même que l’IITA basé au Nigeria, qui ont des mandats de conservations des ressources ciblées dans ce présent projet. Aujourd’hui l’impact de la crise affecte non seulement les hommes, mais aussi tout ce qu’ils ont autour d’eux dont les ressources agricoles cultivées, souligne Dr Lardia Ali Bougma.
Le chercheur justifie l’engagement à accompagner le projet par les conséquences des crises qui affectent les populations et la volonté à contribuer à l’élan de souveraineté alimentaire portée par les autorités en place. “C’est une contribution à la réponse à la crise humanitaire et alimentaire, parce que sauvegarder les espèces cultivées, c’est aussi une souveraineté semencière ; car la semence agricole est la base des cultures. On consomme, mais il faut qu’il y ait des graines qui se reproduisent pour la continuité. Or, nous savons qu’en matière de sécurité semencière, nos pays ne disposent pas de banque de gènes nationales. Dès lors, un producteur qui décide de quitter le monde agricole ne sait pas où déposer ses semences (parce qu’à tout moment, une personne peut changer de métier ; de l’agriculture, elle peut passer à autre chose). Aujourd’hui, le paysan qui décide de quitter le monde rural part avec ses semences (pour ne pas dire ses semences disparaissent avec son départ). C’est donc très important que cette question (gestion du matériel génétique agricole) soit prise en compte, et je crois qu’au plan national, il y a des initiatives en cours pour créer une banque de gènes nationale. Et au-delà de cette banque où nos semences seront déposées, on a aussi besoin d’avoir quelque chose sur place, pour pouvoir répondre à certaines crises de manière prépondérante, ne pas être obligé d’être trop dépendant des banques de gènes internationales pour notre amélioration. Il faut travailler à résoudre tout cela”, s’attarde Dr Bougma, qui dit espérer qu’au regard des zones d’intervention de Afrique verte Burkina, des résultats concrets soient enregistrés et diffusés au profit des populations et au bonheur de tous.
Le secrétaire général de la mairie de Dapelogo, Salif Guira, qui a présidé la cérémonie d’ouverture de l’atelier, a, lui, salué particulièrement la FAO et l’Alliance de Bioversity International-CIAT pour l’appui technique et financier dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet. Il a ensuite mis en exergue les enjeux de l’initiative pour les populations avant d’exhorter les acteurs à une collaboration conséquente pour l’atteinte des objectifs.
O.L
Lefaso.net