Burkina/ Littérature : « Les professions libérales au Burkina Faso », une œuvre de Pr Salif Yonaba

La réflexion sur les professions libérales intéressait le Pr Salif Yonaba depuis des années. Mais s’agissant de l’origine proche de la conception de ce livre, c’est depuis le 21 novembre 2021 que la démarche auprès des différents ordres a été faite pour solliciter leur accompagnement dans la production d’une œuvre relative aux professions libérales. Ce mardi 14 janvier 2025, soit un peu plus de trois ans après, le fruit de ce travail pour lequel chaque ordre a contribué à enrichir et à polir le contenu a enfin vu le jour. L’auteur, Pr Salif Yonaba, agrégé des facultés de droit, l’a dédicacé devant de nombreux professionnels et experts de ces différents corps de métier.
Aux trois ordres de professions libérales que sont celui des avocats, des architectes et des experts-comptables qui existaient depuis les années 90 se sont ajoutés plusieurs autres venus grossir le nombre de professions libérales au Burkina Faso. À ce jour, on en dénombre quatorze, que Pr Salif Yonaba repartit en trois grands groupes. Premièrement, les professions juridiques et connexes ou assimilées, composées des avocats, des notaires, des huissiers et des experts-comptables. Deuxièmement, les professions de la santé humaine et animale, regroupant les médecins conventionnels, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les infirmiers, les pharmaciens et les vétérinaires. Troisièmement, les professions du bâtiment et des travaux publics, de l’immobilier et ou de la construction, dans lequel groupe on retrouve les urbanistes, les géomètres-experts, les architectes et les ingénieurs (du génie civil).
>
Et parlant des professions libérales, la question, dit-il, peut être appréhendée sous trois angles. D’abord, sociologique. « Le sociologue voit aux membres des professions libérales, des personnes d’une société à part, qui ont une bonne formation, une grande compétence, qui livrent des prestations de qualité, ce qui fait la fierté des administrés. Autrement, le sociologue prend le point de vue des administrés à l’égard des prestations qui sont rendues par ces membres, et il apprécie », a décliné Pr Yonaba. D’un point de vue économique, l’activité libérale, dit-il, est appréciée suivant la contribution à la formation de la richesse nationale. « Ce qui préoccupe les économistes, c’est ce que les professions libérales apportent à l’État dans la construction de ce qu’ils appellent la production intérieure brute », a-t-il détaillé.

Sur le plan du droit, Pr Yonaba souligne que la définition de la profession libérale a connu une évolution progressive. De façon claire, la loi n’a pas, de manière précise et explicite, dit ce qu’est la profession libérale. La jurisprudence, elle aussi, n’est pas très bavarde sur cette question. « En France, il y a quelques 80 ans, le juge s’était prononcé sur une affaire concernant des médecins et des comités d’organisation. Le juge avait dit que c’était des professions libérales, sans aller plus en avant », a expliqué le scientifique. Finalement, c’est la doctrine qui a défini la profession libérale. Ainsi, des définitions disant qu’il s’agit d’une profession libre, la doctrine a évolué, proposant une définition s’appuyant sur trois éléments.
D’abord, une activité intellectuelle avec un niveau d’études élevé. « Quand on observe les membres des professions libérales, ils ont généralement un diplôme élevé et sur cette base, une certaine expertise. Il y a des cas dérogatoires dans notre pays, comme les infirmiers et les sages-femmes. Sinon pour le reste, tous ont suivi une formation qui débouche sur un diplôme de niveau BAC + 5 » a détaillé l’agrégé des facultés de droit.
Ensuite, la profession libérale s’exerce de manière indépendante et autonome par rapport à l’Etat. « C’est une indépendance consentie. Elle est tolérée, et ça arrange l’État de ne pas faire ce contrôle là parce qu’il n’en a pas les moyens. Ainsi, il se décharge du soin de suivre le fonctionnement de la profession libérale, à travers un instrument qui est un ordre professionnel. C’est cet ordre-là, par exemple, qui recrute et enquête sur les personnes désireuses d’intégrer l’ordre, sanctionne ou radie les personnes membres. Les membres sont soumis au respect des codes d’éthique et de déontologie », a-t-il, entre autres, développé. Troisièmement, la profession libérale n’est pas exclusivement ou fondamentalement lucrative. « Elle n’est pas orientée vers la recherche de l’argent. On voit là, la distinction avec la profession commerciale, où il n’y a pas de code d’éthique ou de déontologie, par exemple », a cité le chercheur.

A travers son œuvre intitulée « Les professions libérales au Burkina Faso », l’homme de droit définit le cadre juridique, décline les domaines d’activités, dépeint la situation actuelle et l’évolution de ces différentes professions libérales. Ce livre, dit-il, est une introduction à l’étude des professions libérales. « J’ai voulu mettre l’eau à la bouche aux différents experts de ce domaine parce qu’en réalité, ceux qui peuvent vraiment creuser la question, ce sont les membres. Je fais en quelque sorte un survol de ces différents domaines d’activités, investis par les professions libérales. Ce sont des professions qui ont une capacité d’organisation et une efficacité de fonctionnement impressionnantes. Je me suis dit que réfléchir au fonctionnement de ces activités en impliquant l’ensemble des acteurs est un meilleur moyen de contribuer à renforcer ce professionnalisme-là », a-t-il laissé entendre.

Les membres des différents ordres ont salué la pertinence de cette étude, dont le sujet n’est pas très abordé. Le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Benao, a par exemple évoqué son envie d’écrire sur la profession d’avocat depuis des années. Quand bien même il dit buter sur certains obstacles qui retardent la finalisation de son entreprise, il dit se réjouir de voir en M. Yonaba une source d’inspiration. « C’est encourageant et ça montre que nous aussi, les jeunes, pouvons le faire aussi », a-t-il laissé entendre. Pareil pour le Pr Basile Guissou, qui salue la productivité de l’auteur qui n’est pas à son premier essai. Pour lui, qui dit connaître l’homme pour l’avoir côtoyé, il a salué sa performance et sa lutte acharnée pour l’évolution de la science.
Erwan Compaoré
Lefaso.net