Au Yatenga précolonial : Naaba Züdo, l’assoiffé de conquêtes

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Avant la colonisation, certains chefs du Moogo étaient mus par des désirs expansionnistes, impériaux, à bâtir des forteresses autour de leurs territoires. A l’est du Yatenga, Naaba Züdo, conquérant intrépide, a livré bataille à ses voisins pour s’ériger un puissant royaume, le Zitēnga. Ivre de conquêtes, il plongea, à sa mort, son royaume dans le chaos. Retour sur un conquérant du Yatenga au XVe siècle avec Windpouiré Isidore Konseibo, docteur en histoire africaine.
Naaba Züdo est le fils de Naaba Zungrana et de la reine Lende (Y. Sankara, 201 1, p. 98). Il est un prince de la génération III des Nakombse du Moogo. Son règne aurait débuté vers 1495 et aurait pris fin dans la première moitié du XVIe siècle. II serait parti avec Ratgba (son frère utérin et fondateur du Ratênga) pour accompagner son demi-frère Wubri pour la pacification du village nyonyooga de Gilungu qui était permanemment razzié par les Ninsi de Ouagadougou.
Après cela, il se serait donné pour mission de se tailler un puissant royaume. Ses conquêtes ont donné naissance au royaume de Zitēnga qui s’étendait, à sa fondation, de Ziniaré au sud à Sansé au nord. De ce fait, Züdo peut être considéré comme un puissant guerrier, à l’image de Naaba Rawa de Zandoma, de Naaba Wubri de Ouagadougou et de Naaba Mamzi de Risiam. Sa passion aurait été la conquête. Il n’eut pas de capitale fixe. Dans son voyage de conquête, Züdo avait « établi progressivement des campements à Manega, Sakoudi, Gasôgo, Tikaré, Samtaba et Sansé » (W. I. Konseibo, 2021, p. 49).
Il trouva la mort au nord du village de Sansé dans une bataille qui aurait opposé sa troupe aux Kibsi. Selon Garweogo Ouédraogo, originaire du Yatenga cité par Windpouiré Isidore Konseibo, à sa mort, la dépouille de Naaba Züdo a été inhumée dans le village de Sansé ». Selon une version de Victor Ouédraogo, un autre originaire du Yatenga cité par Windpouiré Isidore Konseibo, il serait enterré dans tous les villages où il établit des campements, notamment Manega, Sakoudi, Gasõgo, Tikaré, Samtaba et Sansé. A ce propos, Garweogo Ouédraogo, nous fait comprendre qu’en réalité, dans les villages de Manega, Sakoudi, Gasõgo, Tikaré, Samtaba, se seraient les objets personnels (vêtements, lances et autres matériels de guerre) du conquérant qu’on aurait enterrés.
Il précisa qu’à sa mort, dans chacun de ces villages, les ressortissants auraient creusé sa tombe et auraient réclamé sa dépouille pour enterrer. Mais ne pouvant les satisfaire tous, on aurait envoyé des objets personnels du défunt pour qu’ils enterrent afin d’amorcer les rites funéraires. Mais en dépit de cette deuxième version, une autre serait plausible. C’est d’ailleurs la version standard au Moogo applicable dans un contexte où une dépouille est sollicitée par plusieurs villages. Ceux qui auraient creusé une tombe et qui n’auraient pas eu la dépouille se sont résolus à sacrifier un coq pour l’enterrer en lieu et place du corps du défunt.
A sa mort, la gestion de son héritage plongea le Zitēnga dans le chaos à cause de l’absence d’une organisation politico-administrative rigide et du manque d’entente entre certains de ses fils. Dès lors, le royaume de Zitēnga se scinda. Cette scission a donné naissance à Zirên-Manega et au Zitên-Gasõgo avec respectivement pour capitale Manega et Gasõgo. Dans les deux entités, Züdo eu pour successeurs ses fils Naaba Yilgma (à Gasõgo) et Naaba Ulugu (à Manega). II faut attendre la fondation des chefferies de Maane et de Teama, au cours de la génération VI des nanambse pour voir les deux Zitêmse perdre leurs frontières communes.
Wendkouni Bertrand Ouédraogo (collaborateur)
Lefaso.net
Référence
– - Windpouiré Isidore KONSEIBO, LES GRANDES FIGURES POLITIQUES DE L’EST DU YATENGA ET LA PROBLEMATIQUE DE L’HEROÏSME AU MOOGO (DE LA FIN DU XVe SIECLE A 1910), Docteur en Histoire africaine, in ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL : BURKINA FASO EN AFRIQUE ET DANS LE MONDE Du 23 au 25 novembre 2022 à l’université Joseph KI-ZERBO, TOME 2, Presses Universitaire, P 84-90