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Les causes, les acteurs et les trajectoires des enfants migrants au Burkina Faso

Publié le jeudi 2 janvier 2025 à 14h00min

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Introduction
Cet article de vulgarisation est tiré d’un article scientifique publié en Janvier 2025 dans la Revue AKIRI (https://revue.akiri-uao.org/) à la suite de nos recherches sur la migration des enfants. Le déplacement de la population des zones rurales vers les zones urbaines (urbanisation) est un phénomène mondial (UNHCR, 2023). En Afrique, le pourcentage de la population qui vit dans des zones urbaines est passé de 15 % dans les années 1960 à 43 % en 2018, et devrait atteindre 50 % d’ici 2030 (CEA-ONU, 2017). Il existe un lien entre migration et urbanisation. Les villes africaines sont des lieux d’origine, de transit, de destination et de retour (P.B. Cobbinah, M. O. Erdiaw-kwasie et P. Amoateng, 2015). La migration des enfants au Burkina Faso est un phénomène qui mérite une attention particulière, car elle touche de nombreux aspects sociaux, économiques et politiques. Les causes, les acteurs impliqués et les trajectoires des enfants migrants au Burkina Faso sont divers. C’est ce à quoi s’intéresse cet article.

1. Méthodologie

L’étude s’est réalisée au Burkina Faso dans la ville de Bobo-Dioulasso, en septembre 2024. Notre étude a mobilisé une méthode qualitative. D’une part, six (6) entretiens semi-dirigés avec les principaux acteurs de la prise en charge des enfants en difficulté, d’autre part avec vingt-deux (22) enfants migrants vivant dans la ville de Bobo-Dioulasso, dont six (6) filles et seize (16) garçons. Tous les entretiens ont été enregistrés après avoir recueilli le libre consentement de tous les participants (des responsables institutionnels et des enfants migrants).

Dans le souci de garantir l’anonymat, tous les éléments pouvant permettre l’identification des participant·e·s ont été dissimulés sans altérer les faits.
À travers ces entrevues, les données sociodémographiques des enfants ainsi que leurs parcours migratoires, les motifs de leur départ et les facteurs de vulnérabilités ont été analysés.

2. Résultats
2.1. Les causes de la migration des enfants

La migration des enfants au Burkina Faso est influencée par plusieurs facteurs. Le premier est la pauvreté économique des familles. Les familles vivant dans la pauvreté, en particulier dans les zones rurales, peuvent envoyer leurs enfants dans les grandes villes ou vers d’autres pays dans l’espoir d’améliorer leur situation économique. Ces enfants sont parfois envoyés pour travailler et contribuer à la survie de la famille.
Il y a aussi les conflits et l’instabilité. Les enfants peuvent également migrer à cause des violences internes et des conflits armés qui affectent certaines régions du pays, en particulier les zones touchées par le terrorisme. L’insécurité dans certaines régions pousse les familles à fuir ou à envoyer leurs enfants vers des zones plus sûres.

Il y a également l’éducation : Certains parents envoient leurs enfants dans les grandes villes ou à l’étranger pour leur permettre d’accéder à une éducation meilleure, estimant que cela pourra améliorer leur avenir. Cette migration peut parfois exposer les enfants à des abus ou à des situations d’exploitation.
S’ajoute à cela la migration saisonnière. En raison de l’agriculture de subsistance et des besoins économiques saisonniers, des enfants migrent avec leurs familles pour travailler dans les champs ou pour participer à des récoltes dans d’autres régions. Un travailleur social que nous avons rencontré dit ceci :

« Il existe plusieurs types de raisons selon la spécificité de chaque enfant dont : la pauvreté des parents, le confiage, l’école coranique, les violences faites sur les enfants dans les familles, la déscolarisation des enfants et jeunes, la recherche de travail, la mendicité, la séparation des parents qui affecte la stabilité des enfants, la situation sécuritaire, la méconnaissance des droits des enfants » (rencontré le 09 août 2024).

2.2. Les acteurs de la migration des enfants

Les principaux acteurs dans la migration des enfants au Burkina Faso incluent :
Les familles : Elles sont souvent les premières responsables de la décision de migration, que ce soit pour des raisons économiques, éducatives ou liées à la sécurité. Cependant, certaines familles peuvent être contraintes par des circonstances sociales ou économiques difficiles à envoyer leurs enfants loin de chez eux.
Les enfants migrants eux-mêmes : Bien que certains enfants migrent volontairement dans l’espoir de meilleures conditions de vie ou d’éducation, beaucoup sont forcés à migrer en raison des conditions imposées par leurs familles ou les circonstances sociales. Ces enfants sont particulièrement vulnérables aux abus et aux violences comme le dit ce garçon :

« Avec la situation sécuritaire dans la localité, j’ai été séparé de mes parents et confié à un maître coranique à Bobo-Dioulasso il y’a au moins quatre ans. Ne voulant plus rester avec ce dernier vu les conditions de vie difficile et le mauvais traitement, j’ai fui et je me suis retrouvé dans la rue ici à Bobo-Dioulasso [OA, garçon, 16 ans, rencontré le 14 août 2024].

Les organisations non gouvernementales (ONG) : Ces organisations jouent un rôle crucial dans l’aide aux enfants migrants, que ce soit pour leur fournir une assistance humanitaire, les protéger contre l’exploitation ou les aider dans leur réintégration dans la société. L’UNICEF, des ONG locales et internationales interviennent dans la protection des enfants migrants.

Les autorités gouvernementales : Le gouvernement burkinabé, en collaboration avec des organismes internationaux, a la responsabilité de mettre en place des politiques de protection des enfants migrants et de promouvoir leur bien-être. Toutefois, le manque de ressources et de structures adaptées complique la gestion de ce phénomène.

2.3. Les trajectoires des enfants migrants

Les trajectoires des enfants migrants au Burkina Faso varient selon les circonstances de leur migration. Certaines trajectoires sont marquées par des dangers, tandis que d’autres peuvent offrir des opportunités pour un avenir meilleur, même si elles comportent des risques importants.

La migration interne : De nombreux enfants migrent d’une région rurale à une zone urbaine, souvent à la recherche de travail ou d’une éducation. Ces enfants sont confrontés à des conditions de vie difficiles, à l’exploitation dans le travail domestique ou d’autres formes de travail des enfants.

La migration transfrontalière : Certains enfants burkinabè migrent vers des pays voisins comme le Mali, le Niger ou la Côte d’Ivoire, à la recherche de meilleures opportunités économiques ou d’éducation. Dans ces cas, ils sont généralement exposés à des risques accrus, notamment la traite des enfants et les abus.
Les enfants non accompagnés : Il existe aussi des cas où des enfants migrent seuls, sans leurs parents, dans l’espoir de trouver une meilleure vie. Cette migration non accompagnée les expose à de nombreux dangers, dont le trafic humain et l’exploitation sexuelle.

Conclusion

La migration des enfants au Burkina Faso est un phénomène complexe dont les causes sont nombreuses. Si certaines trajectoires peuvent offrir des opportunités d’avenir, beaucoup d’enfants sont confrontés à des situations difficiles et dangereuses. La protection des droits de l’enfant, la mise en place de mécanismes de soutien et la coopération internationale sont essentielles pour répondre efficacement à ce problème.

Dr Siaka GNESSI
Ouagadougou, INSS/ CNRST
gnessisiaka@gmail.com

Bibliographie

COMMISSION ÉCONOMIQUE pour L’AFRIQUE des NATIONS-UNIES (CEA-ONU), 2017, Economic Report on Africa 2017 : Urbanization and Industrialization for Africa’s Transformation. United Nations, Addis Ababa.

COBBINAH, P.B., ERDIAW-KWASIE M.O. et AMOATENG P. 2015, Africa’s urbanisation. Implications for sustainable development. Cities, 47:62-72.

INTERNATIONAL LABOUR OFFICE, (ILO 2001). Combating Trafficking in Children for Labour Exploitation in West and Central Africa : Synthesis Report. Geneva : ILO.

JACQUEMIN, Mélanie, 2012, “Petites bonnes” d’Abidjan. Sociologie des filles en service domestique. Paris : L’Harmattan.

SAWADOGO Honorine P, GNESSI Siaka, 2025, « Les figures infantiles de la migration à Bobo-Dioulasso : acteurs, motifs, trajectoires et facteurs de vulnérabilité », AKIRI, , Numéro 9, Janvier 2025, Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire), https://revue.akiri-uao.org/, pp. 562-579.

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