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Burkina : Naaba Pīga, un résistant anticolonialiste

Publié le samedi 28 décembre 2024 à 09h00min

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Burkina : Naaba Pīga, un résistant anticolonialiste

crédit photo Yamakultur.info

Les conquêtes coloniales en Afrique ne furent pas un long fleuve tranquille. Les colonnes militaires françaises se sont heurtées dans l’est du Yatenga au refus de certains chefs traditionnels, soucieux de préserver leurs traditions. Dans le Zimtanga, Naaba Piiga fut un résistant aux désidératas de la colonne Bouticq, chose qui lui a valu son exécution. Retour sur un opposant à l’entreprise coloniale avec Windpouiré Isidore Konseibo, docteur en histoire africaine.

« Naaba Pīga, opposant à l’entreprise coloniale : il est le fils de Naaba Saaga et 27e souverain de sa lignée. Son nom de règne signifie « le granite ». Naaba Pīga a régné pendant dix ans (de 1889 à1899). II fut dur comme le roc dans ses attitudes et ses projets. Courtois et homme de principe, il céda difficilement à la domination française de la fin du XIXe siècle. À l’arrivée des Français, Naaba Pīga est mis à mort dans sa capitale Zimtanga en mai 1899 lors d’une tournée de pacification de la colonne de Ouahigouya appuyée par celle de Ouagadougou. Michel Izard donne des détails à ce sujet lorsqu’il avance que la présence française se manifesta de façon dramatique au Ratēnga. Sous Naaba Pīga, Bouticq vint au Ratēnga en mai 1899 où des partisans de Sidyete (ceux du défunt Yatēng-naaba Bãogo) s’étaient réfugiés.

Les Français furent persuadés que Naaba Pīga leur était hostile car il était favorable aux « fils de Saaga ». Aussi, la colonne de Bouticq se dirigea-t-elle vers Zimtanga où Naaba Pīga fut averti de son arrivée par le Zitēng-naaba Koabga. À Zimtanga, les avis étaient partagés sur la conduite à tenir par Naaba Pīga : certains des familiers du souverain lui conseillaient de s’enfuir, d’autres minimisaient l’importance de la venue des Français, considérant que ceux-ci se proposaient simplement de passer par Zimtanga pour se rendre à Bourzanga qui avait particulièrement accueilli les fugitifs du Yatēnga. Naaba Pīga décida de rester à Zimtanga. À l’arrivée des Français, Naaba Pīga, à cheval, suivi des dignitaires de sa cour, vint devant la colonne. Les Français passèrent très peu de temps à Zimtanga où Naaba Pīga les reçut fort bien (M. Izard, 1970, p. 378).

Le souverain avait préparé un festin pour bien accueillir la colonne, Au moment de repartir pour Bourzanga, ils demandèrent à Naaba Pīga de les accompagner. Naaba Pīga ne pouvait pas accepter cette doléance parce qu’il lui était coutumièrement interdit de voir Bourzanga et a fortiori d’y pénétrer. II refusa donc de quitter Zimtanga. Bouticq, certainement peu sensible à des arguments se référant à un univers culturel dont il ignorait tout, vit dans le refus de Naaba Pīga de l’accompagner à Bourzanga une preuve qui, selon lui, justifie la connivence qui existe entre le Ratēnga-naba et les « fils de Saaga ». Pīga fut jugé sommairement et fusillé séance tenante ainsi que plusieurs dignitaires de sa cour (M. Izard, 1970, p. 378). Certains de ses sujets, les rapo-bi et les tầnsoabonbi furent massacrés par la colonne à l’aide de baïonnettes. Les coups de fusils ont provoqué la débandade chez les habitants de Zimtanga. Certains se jetèrent dans l’eau du bas-fond de Bam et d’autres se refugièrent sur la colline de Zimtanga.

Selon Ousmane Ouédraogo, les guerriers de Pīga avaient réussi à faire quelques victimes du côté de la colonne. Le tănsoaba, par exemple, à lui seul, élimina quatre membres de la colonne avant de trouver la mort. La pug-rumde (bien aimée) de Pīga, se disant ne plus avoir une raison de vivre avec la mort du souverain, se suicida. Elle monta sur la colline de Zimtanga et se laissa écraser sur le sol. Dans la capitale, la panique est générale. Bouticq confia le commandement du Ratēnga au Wiid-Naaba qui accepta d’assurer la direction des affaires de l’État et les Français quittèrent Zimtanga pour Bourzanga. »

Wendkouni Bertrand Ouédraogo (collaborateur)
Lefaso.net
Référence

  - Windpouiré Isidore KONSEIBO, LES GRANDES FIGURES POLITIQUES DE L’EST DU YATENGA ET LA PROBLEMATIQUE DE L’HEROÏSME AU MOOGO (DE LA FIN DU XVe SIECLE A 1910), Docteur en Histoire africaine, in ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL : BURKINA FASO EN AFRIQUE ET DANS LE MONDE Du 23 au 25 novembre 2022 à l’université Joseph KI-ZERBO, TOME 2, Presses Universitaire, P 84-90

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