Décentralisation et gouvernance locale au Sahel
Introduction
Ce document de vulgarisation est tiré d’un article scientifique que nous avons publié en 2023 dans un ouvrage collectif aux Éditions Gashingo (https://www.alliance-editeurs.org/gashingo,1614), dans le cadre d’une recherche sur la décentralisation au Burkina Faso et au Niger. La décentralisation et la gouvernance locale dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), en particulier dans un contexte de crise sécuritaire et humanitaire, revêtent une importance capitale pour la gestion de la crise, l’amélioration de la résilience des communautés et le renforcement de la capacité de l’État à répondre aux besoins urgents des populations affectées. Cet article s’intéresse au contexte du Burkina Faso et le rôle que pourrai jouer la décentralisation.
1. Méthodologie
Une revue documentaire a été réalisé sur le sujet et des entretiens qualitatifs ont été organisés avec des personnes ressources et des informateurs clés issus des services publics et de la société civile.
2. Contexte de la crise humanitaire
Depuis 2015, le Burkina Faso est confronté à une situation de crise sécuritaire majeure en raison des attaques terroristes. Cela a entraîné des déplacements massifs de populations, la destruction des infrastructures et la dégradation des conditions de vie des communautés locales. Le nombre de déplacés internes a augmenté, aggravant ainsi la crise humanitaire.
3. Eléments de définition
La décentralisation est globalement comprise comme un « mode de gouvernance », qui promet l’innovation, l’efficacité, la proximité, l’adaptabilité des services publics, la redevabilité, et la transparence dans la gestion (Ky, 2010). Quant à la gouvernance locale, elle désigne l’ensemble des processus, structures et acteurs impliqués dans la prise de décision et la gestion des affaires publiques à un niveau local, généralement au sein des collectivités territoriales (Kassibo, 1997). Elle englobe la manière dont les autorités locales, en collaboration avec les citoyens et d’autres parties prenantes, organisent la gestion des ressources, la fourniture de services, et le développement économique et social de leur territoire (Olivier de Sardan, 2009).

4. Le rôle de la décentralisation
La décentralisation, mise en place dans les années 1990, vise à transférer des compétences et des ressources aux collectivités territoriales pour améliorer la gestion locale et la participation des citoyens à la gestion publique. Dans le contexte de la crise humanitaire, la décentralisation peut jouer un rôle clé dans plusieurs domaines :
1. Gestion de l’aide humanitaire : Les autorités locales, telles que élus locaux, les responsables des services déconcentrés, les représentants de l’Etat… ont une meilleure connaissance des besoins spécifiques de leurs populations. Elles peuvent donc jouer un rôle important dans la distribution de l’aide humanitaire, l’organisation des camps pour les déplacés et la gestion des ressources matérielles et financières mise à leurs dispositions.
2. Renforcement de la résilience locale : Les collectivités territoriales peuvent être plus réactives et adaptées aux contextes locaux, facilitant ainsi la mise en place de programmes de résilience (soutien aux agriculteurs, promotion de l’accès à l’eau potable, éducation et santé). Cela permet de mieux répondre aux besoins immédiats tout en préparant l’avenir.
3. Renforcement de la gouvernance locale : Dans un contexte de crise, la confiance des populations envers les autorités publiques est souvent mise à l’épreuve. La décentralisation permet de rapprocher le pouvoir des citoyens ; ce qui est essentiel pour maintenir l’ordre et la stabilité, notamment à travers des initiatives de médiation, de dialogue et de gestion des conflits.
4. Relever les défis : Toutefois, dans le cadre de la crise actuelle, plusieurs défis entravent le bon fonctionnement de la décentralisation. La menace sécuritaire limite l’accès des autorités locales à certaines zones, la dégradation des infrastructures complique la gestion des services de base (eau, santé, éducation), et le manque de moyens financiers et techniques des collectivités locales entrave leur capacité à répondre efficacement aux besoins des populations. Mais les victoires des Forces de Défenses et de Sécurité (FDS) dans la guerre de récupération du territoire permettront aux autorités locales de mieux rendre service aux citoyens.
Conclusion
La décentralisation et la gouvernance locale au Burkina Faso constituent des leviers importants pour une gestion plus adaptée et plus efficace de la crise humanitaire. Cependant, des défis majeurs restent à relever, notamment en matière de sécurité, de renforcement des capacités locales et de coordination avec les acteurs humanitaires nationaux et internationaux. Une décentralisation renforcée, soutenue par une gouvernance locale solide, des ressources adéquates et un environnement sécurisé, sera essentielle pour permettre aux communautés de surmonter la crise et de se reconstruire, individuellement et collectivement.
Dr Siaka GNESSI
Ouagadougou, INSS/ CNRST
gnessisiaka@gmail.com
Références bibliographiques
KASSIBO Bréhima, 1997, Décentralisation au Mali : état des lieux Tiré de https:// doi.org/10.400/apad.579, consulte le 17 mars 2023.
MAHAMAN TIDJANI Alou, 2005, Le partenariat public-privé dans le secteur de l’eau au Niger : autopsie d’une réforme, https://doi/org/10.4000/apad.360
MALAM MAMANE SANI Ibrahim, GNESSI Siaka, 2023, « Partir des espaces ruraux nigériens pour comprendre la décentralisation : entre perceptions locales et logiques institutionnelles », in AMADOU Boureima et al, 2023, Espaces partagés en Afrique sahélo-soudanienne : villes, villages et enclaves, Éditions Gashingo, Université de Niamey, Niger, https://www.alliance-editeurs.org/gashingo,1614, pp. 171-178.
Ky Abraham, 2010, Décentralisation au Burkina Faso : Une approche en économie institutionnelle, Thèse de doctorat, Université de Fribourg
OLIVIER DE SARDAN Jean-Pierre (sous la dir.), 2009, Les pouvoirs locaux au Niger, Tome 1 : à la veille de la décentralisation, Codesria-Karthala, Paris.