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Idriss Déby Itno : Le glas a-t-il sonné pour Deby Itno ?

Publié le vendredi 14 avril 2006 à 04h34min

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Est-ce la fin des haricots pour Idriss Deby Itno ? En tout cas, les rebelles du Front uni pour le changement (FUC), un regroupement de militaires "félons", de frères et amis du encore ( ?) maître de N’Djamena sont depuis hier dans les faubourgs de la capitale tchadienne.

Deby Itno doit se ressasser ce lointain 1er avril 1989 où, à bord de son véhicule Pick-up, avec son fidèle compagnon, le colonel Mahamat Saleh Brahim (actuel commandant de la garde présidentielle), et d’autres frères d’armes, il avait franchi en vitesse les portes de Djamena avant de revenir chasser, en décembre 1990, Hissène Habré, son maître d’alors. Refera-t-il le chemin inverse, mais cette fois dans le rôle de celui qu’il a servi comme com’chef ?

En tout cas, le chef des FUC, Mahamat Nour, a juré que Deby Itno ne sera pas là le 3 mai prochain pour la présidentielle. En rappel, Hissène Habré, lui aussi, depuis le Tibesti, avait, avant Deby Itno, gagné Djamena, en chassant Goukouni Weddaye pour s’installer à la présidence. Décidément, les bégaiements de l’histoire sont une réalité au Tchad.

C’est donc un euphémisme, le régime de Deby Itno est sur le gril depuis plusieurs mois. A sa guéguerre d’avec la Banque mondiale sur l’utilisation de la manne prétrolière de Doba, s’est substituée cette bataille contre sa propre armée et surtout ses proches parents et des gens qui lui étaient fidèles. Mais pourquoi après 15 ans de pouvoir, Deby Itno, s’apprête-t-il vraisemblablement à sortir par la petite porte ?

D’abord croyant avoir fini avec "ses rebelles" notamment avec la mort, il y a deux ans, de Youssouf Togoïmi du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), Deby Itno fera charcuter la Constitution l’année dernière, ouvrant le chemin à une présidence ad vitaem aeternum ? C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, si l’on ajoute à cela les nombreuses exécutions commises par les sbires du chef de l’Etat tchadien. Ce que résume le député opposant, Ngarleyjy Nyonrongar qui connaît bien Deby : "le règne de Deby est jonché de cadavres", au sortir d’un de ses embastillements. Ce qui ne peut que susciter des sentiments de révolte.

Symptomatique de cette atmosphère délétère, la tentative de putsch du 14 mars dernier : alors que ses homologues équato-guinéen, gabonais, camerounais, centrafricain et congolais s’apprêtaient à clôturer, le lendemain, la 7e conférence des chefs d’Etat de la CEMAC, Deby Itno quittera en catimini Bata, la capitale équato-guinéenne, à bord d’un avion militaire français pour la capitale tchadienne, car un coup d’Etat se préparait contre lui. Sur place, des éléments de la base Adji Kossei, QG de l’opération Epervier (1500 militaires français), avaient sécurisé l’aéroport. Il fallait sauver "le soldat Deby Itno".

Répit de courte durée, puisque moins d’un mois après, c’est maintenant frontalement et par les armes que ses adversaires veulent le chasser du pouvoir. Des ex-colonies françaises, exception faite de Djibouti, le Tchad est sans doute le pays où l’armée française s’est beaucoup investie le plus. Ce qui fait que ce "cas tchadien", au train où vont les choses, n’est pas sans rappeler la crise ivoirienne où l’opération Licorne se démène comme elle peut.

Certes Deby Itno soutient mordicus que les rebelles du FUC ont été complètement détruits et que les loyalistes sont en train de "ramasser les fuyards, des enfants dans les rues de Djamena", tout en réitérant ses accusations contre le pouvoir de Karthoum, qui serait à la base de ces attaques. Un Deby Itno qui avoue qu’il continuerait à battre campagne, présidentielle de début mai oblige, tout en clamant haut et fort, que ces attaques ne l’empêchent pas de dormir et qu’il n’a nullement besoin de l’armée tricolore.

N’empêche, la salve dite "d’avertissement" lancée par le Mirage F1 hier sur une colonne des rebelles ne saurait être gratuite, même si la France dit qu’il s’agit d’une semonce pour signifier aux rebelles de ne pas s’en prendre aux Français et à leurs intérêts. Question : a-t-on besoin d’une telle lancée de feu pour passer un tel message ? Et pourquoi envoyer 150 hommes de Libreville pour renforcer ceux de Djamena ?

Quoiqu’on dise, la politique étrangère de la France dans ses derniers pré carrés, hier la Côte d’Ivoire, aujourd’hui le Tchad, est presque illisible et beaucoup se demandent si celle qui a cours, à savoir le "ni ingérance ni indifférence" a jamais été pratiquée. Le président Jacques Chirac a pourtant intérêt à ne pas encore ouvrir un second front au Tchad, même si avec les 1200 hommes présents et les intérêts pétroliers en jeu, la tentation est grande de franchir ce rubicon. La prudence recommande de mettre en sourdine les velléités de préemption du tandem Elysée-Elf.

Surtout que les menaces des rebelles du FUC, qui affirment que si les militaires français "soutiennent le régime autoritaire de Djamena nous serons obligés de les combattre", ne sont pas à balayer du revers de la main. Et encore, en dépit des dénégations de l’Hexagone, la circonspection règne chez de nombreux Africains, qui estiment que dans le cas d’espèce, la métropole bénéficie d’un préjugé défavorable. A sa décharge, elle peut invoquer les accords de défense. Mais quid de l’enlisement ou du maintien d’une situation de ni paix, ni guerre ?

De toutes façons, même si Deby Itno parvient à reprendre les choses en main, il n’aura fait que reculer une échéance qui paraît inéluctable à la lecture de la situation politique dans ce pays, car c’est désormais établi, même pour les régimes verouillés de l’intérieur (comme avec la Mauritanie de Maouya Oul Taya), lorsque les vraies-fausses tentatives de coup d’Etat se multiplient ou que le pouvoir est attaqué de l’extérieur, il finit par tomber, ne serait-ce que du fait d’une banale révolution de palais.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Observateur Paalga

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