HUMEUR : Le sport aux sportifs !
La sortie humiliante des Etalons de la CAN sera-t-elle enfin
mise à profit pour une introspection sur le devenir du football et,
partant, du sport au Burkina ? Les sportifs sont conscients des
responsabilités qui leur incombent. Mais les dirigeants
politiques n’ont-ils pas, eux aussi, leur part de responsabilité
dans le malaise actuel ?
Sportifs, supporters et dirigeants politiques ont dû ressentir une
immense tristesse après la sortie de leur onze national. C’est
que le football est devenu pratiquement l’un des tremplins à
même de propulser le Burkina sur la scène africaine et
mondiale. Mais l’aventure tunisienne a tourné court.
Il est temps
que, au même titre que les sportifs et les supporters, les
politiques tirent les leçons de leur action en faveur du
développement du sport au Burkina. L’on ne peut occulter
l’influence négative ou positive que peut exercer l’action politique
sur les performances sportives. Au Burkina, comme un peu
partout en Afrique, la passion et le patriotisme que charrie le
sport font de lui un puissant moyen de mobilisation. Mais à
quelles fins ? Telle est la question.
S’il s’agit de provoquer une
émulation qui forge l’unité nationale et propulse le
développement, on peut le comprendre. Mais si cet intérêt très
prononcé pour le football n’a qu’un objectif électoraliste, alors on
fait fausse route. En tout cas, les compétitions de la CAN ont
donné l’occasion de voir à quel point, au plus haut sommet de
l’Etat, l’affaire est prise au sérieux. Le football est devenu enjeu
d’Etat, avant d’être national.
Cette intrusion des politiques ne doit cependant pas se muer
en une intrusion qui étouffe l’initiative sportive. Alors, l’échec des
Etalons est-il en partie imputable aux dirigeants ? Assurément
oui. Du reste, le gouvernement a accepté d’assumer sa part de
responsabilité. Le ministre des Sports a tenu ce discours aux
allures de mea-culpa : "Nous sommes tous responsables de
l’échec des Etalons. On ne devient pas leader par hasard. Tout
se prépare et l’on doit se mettre à l’esprit qu’on ne peut pas
construire par le haut".
Mais cet aveu ne suffira pas à développer
notre sport. En ce qui concerne les dirigeants, outre la nécessité
d’asseoir une véritable politique de sport, se pose la question
de l’ingérence dans le milieu du football et qui fait du chef de
l’Etat "le premier capitaine des Etalons". Seule une bonne
politique, dénuée de calculs politiciens, peut amener notre sport
loin. Car au moment où on mobilise des milliards pour
quelques jours de CAN, d’autres disciplines ayant un potentiel
important, sont marginalisées. Ce n’est pas acceptable.
Les Etalons seuls face à eux-mêmes
Bien sûr, la débâcle des Etalons a pour revers de jeter le
discrédit sur le politique qui s’est trop engagé dans l’affaire.
Aujourd’hui certains reprochent au gouvernement toute la mise
en scène qui a entouré le départ des Etalons pour la CAN. Ils
s’étonnent que la même solennité n’ait pas été de mise pour
leur retour. En réalité, le profil bas actuel n’a pas de quoi
surprendre .
En général, seuls les joueurs et encadreurs sont
désignés comme responsables d’un échec. On invoque les
moyens mis à leur disposition, oubliant la pression créée autour
d’eux par les multiples interférences. Donc pas de liesse
populaire ni d’engouement particulier au niveau de l’Etat. Ce qui
fait dire à un opposant comme Hermann Yaméogo "qu’il est
certain que si les joueurs étaient revenus après des prestations
élogieuses, ils auraient eu droit à l’accueil en triomphe" et "le
chef de l’Etat en personne se serait déplacé pour les accueillir,
pour prendre la tête d’une grande démonstration populaire".
C’est vrai, le gouvernement aurait marqué des points et serait
allé jusqu’au bout de sa logique en réservant un bon accueil
aux Etalons.Il aurait montré qu’il milite vraiment en faveur du
sport et non pour ses propres intérêts, comme nombre de
Burkinabè le croient. Me Yaméogo estime, à ce propos, que le
président sénégalais a donné le bon exemple, en accueillant
lui-même les Lions à l’aéroport de Dakar, en présence de
l’opposition. A cette occasion, le président Wade a déclaré aux
Lions : "Vous avez perdu une bataille, mais pas la guerre". En
compagnie de Ousmane Tanor Dieng, Djibo Leyti Kâ, Amath
Dansokho, ses opposants politiques, il a ajouté : "Quand on
perd un match, c’est l’entraîneur ; et quand on gagne, c’est les
joueurs. Ce n’est pas juste".
Devant cette attitude, l’opposition
burkinabè ne peut que ressentir de la frustration. De voir
l’exploitation politique que les dirigeants font du sport, avec
généralement les moyens de l’Etat ou de bonnes volontés, peut
briser tout ressort patriotique. Hermann Yaméogo parle même
de "phénomène d’accaparement" et craint "les effets pervers de
cette politisation".
En effet, tous ceux qui ne se reconnaissent
pas du parti présidentiel pourraient être imperméables aux
arguments d’unité et de solidarité nationales prônés autour des
Etalons. Entendons-nous bien. Dépolitiser le sport ne s’entend
pas exclure la main du politique dans la gestion du sport. Il
s’agit tout simplement de situer les responsabilités, de laisser
les sportifs établir les choix techniques et d’agir en toute lucidité
. C’est en cela que répond le slogan " le sport aux sportifs".
Par Mahorou KANAZOE
Le Pays
ON EN PARLE : Bagarre entre Seydou Diakité et Abdoul Karim Traoré
Dans la nuit du lundi 9 février dernier, une bagarre a opposé le
président de la Fédération burkinabè de football, Seydou Diakité
et l’ancien porte-parole de la précédente équipe de la FBF,
Abdoul Karim Traoré. Elle a eu lieu dans le quartier de la Patte
d’Oie au secteur 15 de Ouagadougou. Le président Seydou
Diakité a fait savoir qu’il n’avait pour l’instant rien à déclarer
tandis qu’on attendait jusque dans la nuit d’hier la réaction de
Abdoul Karim Traoré.