LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Quand vos conseils sont mal compris, on vous fait toujours passer pour une mauvaise personne.” William Sinclair M.

Burkina/Secteur faunique : Le ranch de Nazinga, entre défis et espoirs de renaissance

Publié le jeudi 12 décembre 2024 à 21h55min

PARTAGER :                          
Burkina/Secteur faunique : Le ranch de Nazinga, entre défis et espoirs de renaissance

L’Office national des aires protégées (OFINAP) a organisé, le samedi 7 décembre 2024, la deuxième journée de sa tournée dans la ville de Pô, située dans la région du Centre-sud. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de redynamisation des activités de promotion et de valorisation du potentiel faunique du Burkina Faso. Conduite par le chargé de mission du ministère de l’Environnement, Dr Ollo Théophile Dibloni, et guidée par le colonel Philippe Tamini, directeur général de l’OFINAP, cette visite a permis de mettre en lumière les défis et opportunités liés à la gestion des aires protégées. Elle a également été l’occasion d’aborder les enjeux de réhabilitation et de renaissance du ranch de gibier de Nazinga, un site emblématique confronté à des défis liés à la conservation et à la rentabilisation durable de ses ressources.

Au cœur du ranch de gibier de Nazinga, le barrage de Kaliéboulou a été l’un des premiers arrêts de la seconde journée. Réhabilité par la Direction générale des infrastructures hydrauliques (DGIH), cet ouvrage stratégique joue un rôle multifonctionnel, notamment en tant qu’espace de formation pour les forces de défense et de sécurité. Selon le colonel Tamini, le Ranch de Nazinga compte en tout une douzaine de barrages, dont certains nécessitent des travaux pour garantir leur pérennité et leur exploitation optimale.

Le barrage réfectionné de Kaliéboulou.

Entre dégradation et potentiel

Arrivés sur le campement d’Akwazéna, des membres de la délégation ont été frappés par l’ampleur des dégâts causés par l’insécurité au ranch de Nazinga. Ce site, autrefois réputé pour ses infrastructures modernes et son dynamisme, présente aujourd’hui un visage désolant. Les logements et bureaux des agents forestiers, essentiels pour la gestion et la protection de la faune, ont été vandalisés. De nombreux véhicules, laissés à l’abandon, sont désormais hors d’usage, témoins silencieux d’une période marquée par la violence et l’abandon.

Le colonel Tamini, a insisté sur la nécessité de redonner vie à ce site stratégique. Il a évoqué l’abattoir, jadis un point névralgique de l’activité économique locale, désormais en ruines. « L’insécurité est passée par ici, mais nous travaillons à restaurer ce qui peut l’être », a-t-il déclaré avec détermination. En désignant les toitures délabrées et les infrastructures dégradées, il a mis en lumière l’urgence d’un plan de réhabilitation pour redonner de l’espoir à la région.

Aperçu des bureaux, logements, véhicules et abattoir du ranch nécessitant des rénovations.

La lutte contre le braconnage : un défi majeur

Ce constat amer illustre les conséquences profondes de l’insécurité sur le développement et la conservation. Cependant, la présence de la délégation et la volonté affichée de restaurer le ranch de Nazinga présagent l’espoir d’un renouveau. Au-delà des bâtiments et des équipements, c’est tout un écosystème humain et environnemental qu’il faut rebâtir, pour redonner à cette région son rôle central dans la préservation de la biodiversité et le développement durable.

Le ranch de Nazinga, en raison de sa proximité avec la frontière ghanéenne, est particulièrement vulnérable au braconnage. Face à cette menace, le directeur général de l’OFINAP envisage de déployer deux à trois sections de forestiers pour renforcer la surveillance et protéger cette richesse faunique. Un cantonnement est également prévu pour sécuriser davantage la zone et ses infrastructures.

Un des bâtiments destinés à l’hébergement des touristes.

Malgré ces défis, certains bâtiments, relativement récents, offrent encore des opportunités pour relancer le tourisme. Ces logements, dédiés à l’hébergement des visiteurs, nécessitent de simples travaux de maintenance pour répondre aux attentes des touristes. Les activités touristiques, quant à elles, sont organisées en deux temps : une visite matinale de 6h30 à 9h et une autre en soirée de 16h à 18h.
Le ranch distingue également deux types de tourisme : le tourisme de vision, axé sur l’observation de la faune, et le tourisme cynégétique, orienté vers la chasse. Cette séparation vise à éviter des conflits d’usage entre les différents profils de visiteurs.

La digue endommagée du barrage de Barka.

Un appel à la résilience et au soutien

Conscient de l’importance économique et écologique du ranch de Nazinga, l’OFINAP appelle à un sursaut collectif pour réhabiliter les infrastructures endommagées et relancer les activités fauniques. Parmi les priorités figure le barrage de Barka, situé à proximité de la frontière ghanéenne. Sa digue, partiellement détruite, doit être restaurée pour permettre une gestion efficace des ressources en eau et soutenir les activités des forestiers.

Dans le passé, le ranch de Nazinga générait des revenus considérables pour l’État burkinabè, avec des centaines de millions de francs CFA enregistrés. Le colonel Tamini espère qu’avec les efforts conjugués des autorités, des partenaires et des populations locales, cet espace pourra retrouver sa splendeur d’antan.

« Nous avons beaucoup d’infrastructures qui ont souffert de cette crise sécuritaire, en travaillant à les réhabiliter nous montrons ainsi la résilience de la faune », colonel Philippe Tamini, directeur général de l’OFINAP.

Un message d’espoir

Malgré les difficultés, la délégation a tenu à transmettre un message de résilience. La relance des activités au ranch de Nazinga s’inscrit dans une vision globale de conservation et de valorisation durable des aires protégées du Burkina Faso. À travers des initiatives telles que cette tournée, l’OFINAP montre sa détermination à surmonter les obstacles et à préserver ce patrimoine naturel pour les générations futures.
Après une première étape consacrée à l’inspection de l’unité de transformation du manioc, projet porté par l’ONG Anges gardiens de la nature (AGN), encore en phase d’achèvement, l’équipe a focalisé son attention sur la forêt classée et le ranch de gibier de Nazinga. Ce site emblématique de la conservation faunique a révélé à la fois son riche potentiel et les défis auxquels il est confronté.

« Dans la vision de réduire la pression des populations sur le ranch de Nazinga, les accompagnant dans la mise en œuvre d’une agriculture intelligente », l’Inspecteur des eaux et forêts, Diakouba Sirima, coordonnateur du projet PONASI.

Le projet PONASI, l’une des réponses à la préservation de la biodiversité

Selon l’Inspecteur des eaux et forêts, Diakouba Sirima, coordonnateur du projet PONASI, l’objectif principal de ce programme, financé par le PNUD, est de préserver l’habitat naturel de la faune et de la biodiversité tout en maintenant les services écosystémiques essentiels au complexe protégé de PONASI. Ce projet repose sur une approche de gestion intégrée du paysage, visant à concilier conservation et développement durable. À travers cette initiative, il s’agit de générer des retombées positives pour les communautés locales du Centre-sud du Burkina Faso, tout en contribuant à la résilience écologique et socio-économique de la région.

Le ranch de gibier de Nazinga, qui s’étend sur une superficie impressionnante de 91 300 hectares, occupe une place clé dans cette démarche. Créé en 1979 grâce à la vision novatrice d’un Canadien, ce site unique a depuis été pris en charge par l’État burkinabé. Son rôle dans la conservation de la faune et la promotion du tourisme écologique en fait un pilier stratégique pour l’ensemble du complexe PONASI. Cependant, sa préservation requiert des efforts constants pour restaurer et valoriser cet espace face aux défis imposés par l’insécurité et les pressions environnementales.

« La première boule d’atiéké sera mis sur le marché en janvier 2025 », Benjamin Bassono, directeur exécutif de l’ONG AGN, promoteur de l’unité de transformation de manioc

Une innovation au profit des écogardes

Avant la visite du ranch de Nazinga, la délégation du ministère de l’Environnement a marqué une halte à Tiakané pour découvrir l’unité de transformation du manioc, une initiative portée par l’ONG Anges gardiens de la nature (AGN). Cette infrastructure, en phase d’achèvement, s’étend sur un demi-hectare et s’inscrit dans une stratégie globale de sécurisation des aires protégées. Elle vise à doter les écogardes de rations adaptées à leurs missions de lutte anti-braconnage, tout en créant des opportunités d’emploi pour les populations locales. Cet engagement combine préservation de l’environnement et développement économique, en rendant les produits finis accessibles à moindre coût pour renforcer la résilience des communautés.

Le directeur exécutif de l’ONG AGN, Benjamin Bassono, a expliqué l’importance de cette unité pour soutenir les écogardes dans leurs missions sur le terrain. « Pour aller camper en brousse pendant cinq jours à deux semaines, les écogardes ont besoin de rations qui résistent au temps. Et c’est ce que nous comptons proposer à travers la transformation du manioc en atiéké déshydraté », a-t-il fait savoir. Ce produit, à la fois nutritif et durable, répond à un besoin crucial pour les équipes en poste dans des zones reculées.

La délégation présentant ses civilités au chef de Tiakané, en présence du haut-commissaire de la province du Nahouri, Auguste KINDA.

Au-delà de ses retombées directes, cette unité de transformation illustre un modèle novateur de conservation intégrée, alliant protection de la biodiversité et développement local. En fournissant des rations aux écogardes et en stimulant l’économie villageoise, ce projet contribue à tisser des liens entre les aires protégées et les communautés environnantes. Cette synergie est essentielle pour garantir une gestion durable des ressources naturelles et renforcer l’adhésion des populations à la préservation des écosystèmes.

En somme, cette seconde journée de visite dans la région du Centre-sud a été riche en enseignements, mais aussi en défis à relever. Elle a mis en évidence l’urgence d’une action concertée pour sauvegarder les aires protégées et exploiter pleinement leur potentiel, au bénéfice de la biodiversité et de l’économie nationale. Le ranch de Nazinga, joyau naturel et économique, attend désormais un engagement renforcé pour écrire un nouveau chapitre de son histoire.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos réactions (2)

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique