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Santé/Pharmacie : « Le développement de la pharmacopée traditionnelle est la base de notre souveraineté sanitaire », pense le docteur Kampadilemba Ouoba, enseignant chercheur de droit pharmaceutique

Publié le jeudi 12 décembre 2024 à 22h15min

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Santé/Pharmacie : « Le développement de la pharmacopée traditionnelle est la base de notre souveraineté sanitaire », pense le docteur Kampadilemba Ouoba, enseignant chercheur de droit pharmaceutique

Le Burkina Faso est assez avancé en matière de recherche sur la médecine traditionnelle. Au niveau de la pharmacopée traditionnelle, certains chercheurs se distinguent par leurs travaux. Lauréat de deux prix prestigieux en 2023, Dr Kampadilemba Ouoba, pharmacien spécialiste de la réglementation pharmaceutique et enseignant-chercheur burkinabè, milite pour une meilleure intégration de la pharmacopée africaine dans le système de santé, tout en appelant à une réforme des politiques pharmaceutiques pour renforcer la souveraineté sanitaire du continent. Il est par ailleurs le directeur de la vigilance des produits de santé à l’Agence nationale de régulation pharmaceutique. Dans cet entretien, il partage son parcours, ses recherches, et sa vision d’une médecine africaine valorisée et accessible.

Lefaso.net : Parlez-nous de votre parcours académique et professionnel ?

Dr Kampadilemba Ouoba : C’est en 2014 que j’ai obtenu mon diplôme d’État de docteur en pharmacie à l’université de Ouagadougou, aujourd’hui université Joseph Ki-Zerbo. Quatre années plus tard, en 2018, j’ai obtenu le master en réglementation pharmaceutique dans la même université. Par la suite, j’ai fait un master de pharmaco-épidémiologie et pharmacovigilance à l’université Nazi Boni. En décembre 2022, j’ai obtenu le doctorat (PhD) en droit et réglementation pharmaceutiques de l’université de Strasbourg en France, dans le cadre d’une thèse de cotutelle internationale avec l’université Joseph Ki-Zerbo qui a duré quatre années.

Sur le plan professionnel, après une année passée dans le privé, j’ai rejoint le public en 2016. Là, j’ai d’abord été pharmacien de district sanitaire à Boussé, dans le Plateau-central, avant de revenir en formation de spécialisation en réglementation pharmaceutique. Après cette formation spécialisée, j’ai été affecté à l’Agence nationale de régulation pharmaceutique en 2018, en tant que pharmacien réglementaire. Au sein de cette structure régulatrice, j’ai été successivement agent, chef de service du Centre national des vigilances des produits de santé et, actuellement, je suis le directeur de la vigilance des produits de santé.

Récemment, à l’occasion du dernier recrutement des assistants universitaires, j’ai été admis au poste d’assistant hospitalo-universitaire de droit et déontologie pharmaceutiques à l’université Joseph Ki-Zerbo. Au plan international, je suis membre actif de plusieurs sociétés savantes et groupes techniques scientifiques ; à titre d’exemples, je suis membre du groupe technique de travail « plantes médicinales et médicaments traditionnels » de la société internationale de pharmacovigilance (ISoP) et membre du comité technique de pharmacovigilance de l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (AUDA-NEPAD), dans le cadre de l’opérationnalisation de l’Agence africaine des médicaments (AMA).

A lire : Santé : Le Dr Kampadilemba Ouoba décroche deux prix grâce à ses recherches sur la pharmacovigilance des médicaments traditionnels

En 2023, en vertu de vos travaux de recherche sur la médecine traditionnelle, vous avez été double lauréat du Prix international du bon usage des médicaments, reçu à Paris, et du Prix d’excellence du CEA-CFOREM de l’université Joseph Ki-Zerbo. Pouvez-vous apporter des précisions sur ce que représentent pour vous ces prix ?

C’est dans le cadre de mes travaux de recherche sur la réglementation et la sécurité des médicaments traditionnels dans les pays membres de l’UEMOA que ces prix m’ont été décernés. Le Prix international du bon usage des médicaments m’a été décerné par l’Académie nationale de pharmacie de France et les laboratoires pharmaceutiques (Leem), et le Prix d’excellence m’a été décerné par le comité scientifique du Centre d’excellence africain de formation, de recherche et d’expertise en sciences du médicament (CEA-CFOREM). Deux autres prix m’ont été décernés sur la base de mes publications scientifiques en lien avec les médicaments traditionnels. L’ensemble de ces prix représente pour moi des moments d’encouragements et aussi un appel à redoubler d’efforts pour la réglementation pharmaceutique en général et la médecine traditionnelle en particulier. C’est très motivant lorsque nos efforts sont reconnus et récompensés.

Expliquez-nous ce que c’est que la médecine traditionnelle ?

La médecine traditionnelle est l’ensemble des connaissances, des compétences et des pratiques endogènes dont chaque peuple dispose en vue de préserver la santé, de prévenir, diagnostiquer et traiter les maladies physiques et mentales. Cela signifie que chaque peuple a ses propres méthodes et moyens diagnostiques et thérapeutiques. Vous avez donc la médecine africaine, la médecine chinoise, la médecine ayurvédique (Inde), la médecine kampo (Japon), etc. Elle représente le patrimoine culturel et thérapeutique des peuples. Et selon moi, le terme « traditionnelle » est péjoratif et vise à déprécier ou dénigrer les savoirs médicaux endogènes d’un pays ou d’une région, notamment la médecine africaine. Quand les Chinois parlent de leur médecine, ils disent « médecine chinoise » ; mais quand l’Occident parle de la médecine chinoise, il dit « médecine traditionnelle chinoise » ; et « médecine traditionnelle africaine » pour l’Afrique. Malheureusement, nous, Africains, n’ayant pas compris les aboutissants de cette terminologie, appelons notre propre médecine « médecine traditionnelle ». Vous et moi, utilisons tous le terme « médecine traditionnelle » parce qu’il nous a été imposé par la colonisation, notamment avec la loi coloniale du 21 germinal An-XI du 11 avril 1803 qui interdisait la vente des remèdes secrets, dont les remèdes traditionnels d’Afrique, et cette législation perdura jusque dans les années 40. Il a fallu qu’en octobre 1946, à Bamako au Mali, une élite politique africaine se soit réunie à travers ce qu’elle avait appelé « le Grand rassemblement » pour réfléchir sur l’avenir du continent, combattre l’assimilation et défendre l’originalité africaine. La principale revendication de ce grand rassemblement était la mise en place d’un projet de réhabilitation de la médecine africaine, avec la création, sur chaque territoire colonial, d’un laboratoire et d’une école d’herboristes pour la promotion de la pharmacopée indigène.

Dr Ouoba lors de la réception de son Prix international du bon usage des médicaments à Paris en 2023

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Revenant sur le concept, on devrait tout simplement dire « médecine africaine » ou « médecine burkinabè » ou un autre concept identitaire, mais sans le péjoratif « traditionnelle ». Malheureusement, même les documents politiques et réglementaires ont repris le terme « médecine traditionnelle » et nous, chercheurs, sommes en quelque sorte contraints d’employer ce terme dans nos pratiques de recherche. Les termes et les concepts ne sont pas neutres et font partie des stratégies de domination d’un peuple. Je pense qu’il faut une réforme profonde en matière de médecine traditionnelle au Burkina Faso, comme nous l’avons suggéré dans l’un de nos articles scientifiques.

Quels sont, selon vous, les freins au développement de la médecine traditionnelle en Afrique et au Burkina Faso ?

Les freins au développement de la médecine traditionnelle africaine sont multiples. Le premier est d’ordre philosophique, c’est-à-dire le courant idéologique péjoratif qui entoure la médecine traditionnelle africaine. Depuis la période coloniale et au fil du temps, le système occidental a savamment travaillé à faire en sorte que les Africains eux-mêmes déconsidèrent leur propre histoire et leur culture, au profit des valeurs occidentales, et surtout au sein de l’élite intellectuelle. La médecine africaine a été longtemps perçue par une bonne partie de l’intelligentsia africaine comme quelque chose de dépassée, d’archaïque et réservée aux personnes et aux sociétés non civilisées. Elle est peu considérée comme science et originalité africaine.
Le deuxième frein porte sur l’insuffisance de la prise en compte des valeurs africaines dans le système éducatif de base. La médecine africaine, par exemple, est peu prise en compte dans les programmes de formation en santé. Pourtant, cela pourrait aider à corriger la fausse image étiquetée à la médecine africaine et favoriser son intégration dans le système de santé dit conventionnel. Il est vrai que l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS) a développé un module sur l’introduction à la médecine traditionnelle pour les étudiants en médecine, mais cela demeure insuffisant au regard de l’importance de la question.

L’autre frein non moins négligeable concerne la politique et la réglementation relatives à la médecine traditionnelle. Elles nécessitent des réformes pour être en adéquation avec nos réalités socioculturelles. On ne peut pas réglementer la médecine traditionnelle avec les mêmes concepts et principes que la médecine conventionnelle. Des études menées dans des pays africains ont montré que l’un des obstacles à la valorisation de la médecine traditionnelle concerne le déphasage entre la réglementation et les fondements culturels de cette médecine. Au Burkina Faso, nous avons mené une étude pour voir comment les praticiens de la médecine traditionnelle et alternative appliquent la réglementation en matière de médecine traditionnelle. Les résultats ont révélé que certains aspects de cette réglementation ne sont pas adaptés aux principes culturels des savoirs médicaux endogènes. Il y a aussi la question de la protection des droits de propriété intellectuelle des connaissances médicales traditionnelles qui entrave la collaboration entre praticiens de la médecine traditionnelle et alternative et chercheurs, en ce sens qu’il y a parfois la crainte dans la divulgation des savoirs.

Le dernier facteur limitant le développement de la médecine traditionnelle implique le manque ou l’insuffisance de financement pour la recherche sur la médecine traditionnelle, surtout sur les plantes médicinales. Il existe peu de financements endogènes dédiés à la recherche sur les plantes médicinales pouvant aboutir à des phytomédicaments accessibles à tous. Il faut un financement domestique durable pour la recherche et le développement de la médecine traditionnelle. Celle-ci serait le parent pauvre du financement de la recherche scientifique, or nous savons que les partenaires extérieurs ne vont guère nous financer pour que nous parvenions à la fabrication locale des phytomédicaments. Le développement de la médecine traditionnelle est, à mon sens, la base de notre souveraineté sanitaire tant recherchée.

Quel est votre avis sur l’intégration de la médecine traditionnelle, notamment les médicaments traditionnels, dans le système de santé conventionnel, tout en assurant la sécurité des patients ?

L’intégration de la médecine traditionnelle dans le système de santé burkinabè est de plus en plus effective. Elle a d’abord été tolérée dans le premier code de la santé publique de 1970. En 1984, à la faveur des réformes courageuses du régime révolutionnaire sankariste, le tout premier service administratif chargé du développement de la pharmacopée traditionnelle fut créé au sein du ministère en charge de la santé. Et entre 1984 et 1989, le gouvernement mit en place des cellules de pharmacopée traditionnelle dans les structures de santé déconcentrées et la constitution d’associations de tradipraticiens de santé. Mais il faut attendre 1994 pour que la médecine traditionnelle soit officiellement reconnue par l’actuel code de la santé publique comme une composante importante du système sanitaire national. Aujourd’hui, on peut affirmer que la vision d’une médecine intégrative est portée par les autorités, parce qu’en avril 2024, le secrétaire général du ministère en charge de la santé a donné un signal fort à travers une note dans laquelle il enjoignait les directeurs régionaux de la santé à créer des services de médecine traditionnelle dans les établissements de soins, publics comme privés. De plus, nous avons actuellement au sein du ministère de la Santé une direction de la médecine traditionnelle et alternative et un centre de médecine traditionnelle et de soins intégrés chargés de promouvoir le rôle de la médecine traditionnelle et alternative dans l’accès aux soins de santé au Burkina Faso. Par ailleurs, nous avons six phytomédicaments made in Burkina Faso qui sont inscrits sur la liste nationale des médicaments essentiels, contribuant à l’accès des Burkinabè aux soins de santé de qualité. Ce sont des exemples concrets qui montrent que la médecine traditionnelle s’intègre de manière significative dans le système de santé conventionnel de notre pays.

Toutefois, il y a d’autres stratégies pour une médecine plus intégrative au Burkina Faso. J’ai déjà parlé de la nécessité de renforcer l’intégration de la médecine traditionnelle dans les curricula de formation en santé à tous les niveaux. Ensuite, il est également impératif de concevoir un cadre juridique national de protection des droits de propriété intellectuelle des savoirs médicaux endogènes, afin de favoriser la divulgation des connaissances des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative, tout en les protégeant des voleurs de recettes. Puis, il faut une réforme contextuelle de la politique et de la réglementation afin de les adapter davantage aux fondements et aux réalités socioculturels de la médecine traditionnelle. La réglementation devrait être la cheville ouvrière de la valorisation de la médecine traditionnelle, et non être un obstacle à son développement. Il est aussi important de travailler à préserver la confiance mutuelle entre praticiens de la médecine traditionnelle et alternative et praticiens de la médecine conventionnelle. Par ailleurs, un financement durable pour la recherche et le développement de phytomédicaments sûrs et efficaces est aussi déterminant pour garantir la confiance des professionnels de santé dans les médicaments de la pharmacopée traditionnelle. Enfin, il est nécessaire de mettre en place un programme durable de formation continue à l’endroit des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative sur les bonnes pratiques relatives aux plantes médicinales et aux médicaments traditionnels. La formation continue est plus que nécessaire pour assurer la qualité des médicaments et pratiques de soins traditionnels, en garantissant la sécurité des patients.

Comment envisagez-vous promouvoir la sécurité d’utilisation des médicaments, en particulier les médicaments traditionnels ?

L’utilisation sans danger des médicaments passe avant tout par la mise en œuvre du système national de vigilance des produits de santé qui a été mis en place par décret en 2012. Ce système est organisé autour de trois piliers. Le premier est l’identification des problèmes liés aux médicaments (effets secondaires, mauvaise qualité, manque d’efficacité, abus, mauvaise utilisation, intoxications, etc.) par les professionnels de santé et les patients, suivie de leur collecte. Le second concerne l’évaluation scientifique des données collectées et le dernier est relatif à la prise de mesures réglementaires pour minimiser ou prévenir les préjudices dus aux médicaments. Des outils officiels de notification existent et permettent aux professionnels de santé et aux patients de signaler à l’Autorité de régulation pharmaceutique tout problème associé à un médicament.

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Particulièrement aux médicaments traditionnels, leur sécurité requiert l’implication formelle des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative et des consommateurs dans le dispositif national de la surveillance des médicaments. Cela implique la mise en place d’un programme national de formation continue des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative sur les bonnes pratiques de culture et de récolte des plantes médicinales, les bonnes pratiques de fabrication des produits issus de la médecine traditionnelle, ainsi que sur le signalement des effets secondaires et autres problèmes liés aux plantes médicinales et produits dérivés. Cela permettra de lutter contre les faux médicaments traditionnels et de valoriser les bonnes recettes des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative. En plus de cela, la sensibilisation de la population constitue un pilier clef pour assurer l’utilisation sans danger des médicaments traditionnels. Récemment, l’Autorité de régulation pharmaceutique a tiré la sonnette d’alarme dans un communiqué où elle sensibilisait la population à s’abstenir d’un certain nombre de produits supposés naturels mais qui contenaient frauduleusement des médicaments chimiques aphrodisiaques. Ces actions doivent se renforcer parce que l’assurance qualité des médicaments traditionnels revêt une énorme complexité.

Il a recu son prix d’excellence du CEA-CFOREM des main du président de l’université Joseph Ki-Zerbo

Le Burkina Faso est-il bien positionné en matière de recherche sur les médicaments traditionnels en Afrique, selon vous ?

Le Burkina Faso occupe une bonne place en matière de recherche sur la pharmacopée traditionnelle. Le gouvernement a montré sa volonté politique dans ce sens en créant un centre de médecine traditionnelle et de soins intégrés, chargé de la recherche et du développement de la médecine traditionnelle et intégrative. Mieux encore, la recherche sur les plantes médicinales présente de plus en plus des résultats probants. La preuve est que plusieurs phytomédicaments produits localement disposent des autorisations de mise sur le marché, dont six sont inscrits sur la liste nationale des médicaments essentiels. C’est le fruit d’une recherche de longue durée menée sur les plantes médicinales par les institutions de recherche et les laboratoires des phytomédicaments. A titre d’exemple, l’unité de production des médicaments (U-PHARMA) de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) a développé, depuis 2010, un médicament à base de plantes médicinales locales pour le traitement de la drépanocytose, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché aussi bien au Burkina Faso que dans d’autres pays de la sous-région. Il y a aussi les laboratoires Phytofla de feu Dr Dakuyo qui à partir de la recherche sur les plantes médicinales, disposent aujourd’hui de plusieurs phytomédicaments autorisés au Burkina Faso. La dernière illustration touche le Laboratoire du développement du médicament (LADME) du CEA-CFOREM de l’université Joseph Ki-Zerbo, qui a mis au point une crème à base de produits locaux naturels pour la prise en charge des brûlures dont les cas chez les enfants sont légion dans les établissements de soins de santé. Ce produit naturel a même été breveté par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et devrait être autorisé dans un avenir proche. Sur le plan de la recherche sur la réglementation de la pharmacopée traditionnelle, mes travaux de recherche, qui ont été plusieurs fois primés, tant au niveau national qu’international, ont porté sur ce volet.

Ceci n’est que la partie visible de l’iceberg, car les institutions de recherche ont développé bon nombre de prototypes de phytomédicaments qui peuvent aboutir à l’autorisation de mise sur marché. Donc, au regard de tous ces résultats encourageants, on peut affirmer que le Burkina Faso est bien positionné en matière de recherche sur la médecine traditionnelle en Afrique. Mais, comme je l’ai déjà dit, la recherche sur les plantes médicinales paraît souffrir d’une insuffisance de financement domestique.

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Quels sont vos projets en matière de recherche ou de contribution à l’amélioration pharmaceutique en Afrique ?

J’ai eu deux projets de recherche qui sont déjà achevés. Le premier a porté sur l’histoire coloniale et contemporaine de la pharmacie, qui a abouti à la rédaction d’un livre titré « Histoire contemporaine de la pharmacie au Burkina Faso. Il est disponible dans les librairies de la place. Il a permis de comprendre les enjeux coloniaux de la pharmacie et la conquête des plantes médicinales africaines par l’empire colonial. Le deuxième a concerné la surveillance des médicaments traditionnels dans les pays membres de l’UEMOA. Ce projet, qui a duré trois ans, a permis, dans un premier temps, de cartographier les risques associés à l’utilisation des médicaments traditionnels et d’évaluer les pratiques des praticiens de la médecine traditionnelle et alternative dans la perspective d’améliorer la qualité des médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle. Il a également permis d’analyser l’intégration des médicaments traditionnels dans les systèmes de surveillance des produits de santé des huit pays de l’UEMOA et de proposer aux pays une feuille de route pour le développement de la surveillance des médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle.

Actuellement, mes écrits scientifiques portent sur l’utilisation des plantes médicinales pendant les épidémies et la contribution de la médecine traditionnelle dans la réponse aux épidémies, comme l’épidémie de la variole du singe qui sévit actuellement en Afrique. Mes autres axes de recherche impliquent les systèmes de réglementation pharmaceutique en Afrique subsaharienne, les droits comparés des produits de santé, la pharmacie vétérinaire et les médicaments falsifiés et de qualité inférieure.

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Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent embrasser une carrière de pharmacien et entreprendre des recherches innovantes ?

J’encourage vivement ces jeunes à ne pas hésiter un instant à embrasser une carrière pharmaceutique et de recherche, la destination est bien joyeuse. Il est vrai que les sept années d’études universitaires en pharmacie semblent longues, mais à la fin, l’on fait face à une grande diversification de métiers pharmaceutiques dans le public comme dans le privé. Les études en pharmacie mènent à des métiers au-delà des frontières pharmaceutiques, parce que les pharmaciens ont des compétences multidisciplinaires couvrant les sciences biomédicales, physico-chimiques et même environnementales. « La pharmacie mène à tout, à condition d’en sortir », selon un dicton populaire dans les facultés de pharmacie françaises.

Farida Thiombiano
Lefaso.net

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