LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “"Qui est impatient d’avoir un enfant, épouse une femme enceinte." Proverbe sénégalais ; Proverbes toucouleurs du Sénégal - 1882.” 

Typologie des exploitations agricoles par niveau de prospérité

Publié le lundi 9 décembre 2024 à 09h30min

PARTAGER :                          

Yabile Florence OUATTARA, attaché de recherche à l’institut des Sciences des Sociétés / Centre National de Recherche Scientifique et Technologique (INSS/CNRST), yabileflo@yahoo.fr

Résumé

Cet article de vulgarisation est tiré de l’article scientifique intitulé « Caractérisation des systèmes de production à base d’igname dans la commune de Léo (Burkina Faso) », publié en 2024 dans la Revue Africaines des Sciences Sociales, Pensées Genre. Penser Autrement. Volume 4, No 5, ISSN : 2957-3564. L’article a pour objectif de diffuser la typologie à dire d’acteurs du système de production de l’igname. Autrement, le présent article présente la typologie structurelle des systèmes de production à base d’igname dans les villages de Nadion et Taga de la commune rurale de Léo par niveau de prospérité par l’intermédiaire de personnes de ressources.

Mots clés : système de production, typologie, prospérité, classification, igname

Introduction

La production agricole est l’une des activités qui contribue à l’amélioration de l’économie des pays d’Afrique de l’Ouest (N. Tidjani, et al. 2023). Au Burkina Faso, le secteur agricole occupe une place prépondérante dans l’économie nationale et occupe plus de 86% de sa population totale. Les principales sources de croissance économique du pays sont les activités agricoles. Les exploitations familiales sont celles qui dominent l’agriculture burkinabé. Les systèmes de production des exploitations familiales sont principalement basés sur la culture de rente telle que le coton. Les cultures vivrières sont contraintes par une instabilité des rendements d’une campagne agricole à une autre. Celles des racines et tubercules bénéficient peu des politiques agricoles qui sont majoritairement orientées vers les cultures des autres, les cultures importées. Ce qui a conduit à la marginalisation de l’igname.

L’igname a une importance économique et sociale. Elle a la capacité de s’intégrer dans les habitudes alimentaires de divers milieux. Elle est une culture autochtone et les producteurs semblent maitriser sa physiologie végétale. De ce fait il y a intérêt de promouvoir sa production. Cependant cette culture a bénéficié de peu d’investissement. Les connaissances à son sujet reste faibles puisqu’il y a eu peu d’efforts au niveau des gouvernements en termes d’apports, de maîtrise des itinéraires techniques de production et encore moins en termes d’innovations. Au regard des récents regains d’intérêt par la recherche sur la culture de l’igname, il y a nécessité de construire et de mettre à la disposition des acteurs du développement des outils pour mieux appréhender le fonctionnement des exploitations agricoles à base de culture d’igname. Aussi, ces informations permettront de mieux évaluer les effets des politiques publiques pour améliorer la production de ces politiques.

Une typologie des systèmes d’exploitation à base de culture d’igname est une représentation de la diversité desdits systèmes qui repose sur des distinctions entre des types d’exploitations (M. Gafsi, 2017. C’est dans cette optique qu’une typologie analytique a été construite à partir des informations qui proviennent des exploitations agricoles elles-mêmes.

Méthodologie

La recherche a été conduite dans les villages de Nadion et Taga de la commune rurale de Léo située dans la région du Centre-Ouest du Burkina Faso (E.N. Kohio et al., 2017). C’est l’une des principales régions de production d’igname. Suite au manque d’information sur les responsables d’unité de production agricole dans la région, un recensement a été effectué suivant des indicateurs structurels d’unité de production auprès de chacune des personnes de ces villages qui réalise des activités génératrice de revenu dans le ménage. Ainsi 218 et 317 responsables d’unité de production ont été recensés respectivement à Nadion et Taga. Les deux villages sont distants de quatre kilomètres l’un de l’autre. Nadion est situé à onze kilomètre de Léo et Taga de seize kilomètres.

Une sélection aléatoire d’un échantillon de 40 responsables d’unités de production a été effectuée dans chacun des villages à l’aide du logiciel EXCEL. Ces derniers ont été soumis à des personnes de ressources pour procéder à une classification par niveau de prospérité. Les analyses statistiques ont servi à faire la description des catégories d’exploitation agricole.

Résultats

Le tableau ci-dessous, démontre que 67% des chefs de ménages de Nadion sont des producteurs vivriers et où la culture de l’igname occupe une place prépondérante et de premier choix. Quant à Taga, ils sont de 15%. De tels résultats pourraient s’expliquer par l’existence probable des contraintes diverses qui ne favorisent pas l’investissement des producteurs dans la culture de l’igname.

La classification par niveau de prospérité de manière empirique avec l’aide de personnes de ressources a permis d’obtenir cinq classes des hommes responsables d’unités de production chacun des villages. Ces classes partent des plus nantis au plus pauvres.

Le processus d’enrichissement et de développement socio-économique des 33 responsables d’unités de productions classés à Nadion illustré dans le tableau 2 montre que la prospérité ne semble pas être stabilisée. En effet, 57% de ces derniers sont catégorisés comme étant pauvres et très pauvres soit les classes 4 et 5. Seulement 3% seraient très riches, 13% seraient riches et 27% seraient moyennement riches.

Quant aux 37 responsables d’unités de production classés, le niveau de prospérité semble plus expressif qu’à Nadion. Ainsi, 54% des responsables d’unités de production sont des pauvres et très pauvres. 11% sont très riches, 9% sont riches soit environ 20% des responsables d’unités de productions seraient nantis et 26% moyennement riches.

L’analyse des descriptifs des catégories de classes à Nadion comme à Taga, explique que le statut de l’individu, ses réalisations, ses équipements, la nature de ses activités rémunératrices de revenus, son niveau de bien-être ainsi que celui de toute sa famille sont les variables qui explicitent le niveau de prospérité d’un responsable d’unités de production. Par conséquent la prospérité serait fonction de :

 son dynamisme dans ses activités agricoles et non agricoles, soit son effort personnel ;

 la bonne organisation de son exploitation à l’image d’une entreprise agricole et,

 de la bénédiction de ses ancêtres.

Ces variables explicatives se fondent sur une évaluation du patrimoine. Autrement, le niveau de prospérité du responsable d’unités de production serait fortement lié aux biens qu’il possède. Ces biens peuvent être durables ou semi-durables. Ils peuvent être des équipements agricoles ou non–agricoles et des services dont bénéficie prioritairement le ménage.

Cette approche de classification est objective puisqu’elle permet de mieux cerner la pauvreté à partir du manque de biens, de l’état de santé défectueuse, du rang social défavorable au sein de la communauté. Quant à la richesse, elle se mesure à partir des biens et services que l’individu possède en plus de l’ensemble des éléments qui concourent à lui procurer de meilleure condition de vie.

Au-delà de la valeur de ces biens distinctifs, les critères de classification mettent en exergue les valeurs d’ordre symbolique et social en lien d’avec la culture de l’igname et qui participent à la classification par niveau de prospérité du producteur. Comme avoir un grand champ et ne point faire de don classerait ce dernier en dessous de celui qui ne possède qu’une petite superficie de culture et qui par contre réalise plusieurs dons.

Les personnes de ressource ont mis en relation la description du niveau de richesse du producteur en rapport soit avec :

 le souvenir qu’elles ont retenu du patrimoine d’un ou de plusieurs aïeuls de ce dernier. Comme le souligne ce verbatim qui suit.

« S’il est un homme chez qui tout va bien, dit-on, il allait avoir en plus d’une maison en dur et tôlée, beaucoup de bœufs, des moutons, des enfants comme ses papas, dans le village et tout le monde saurait qu’il en a » (Personnes de ressources).

 Le rôle social et politique de ces producteurs au sein de sa communauté :

« Il est bien aujourd’hui parce qu’il est brave et juste, il n’a pas peur du travail, […] il est un sage avant l’âge dans ses décisions, il est écouté, les gens acceptent ce qu’il dit » (Personnes de ressources).

À la suite de cette première classification après des séances d’échanges pour une compréhension approfondie des classes, des regroupements ont été possibles tout en se centralisant sur la culture de l’igname. Ainsi, les classes 2 et 3 ont été regroupées en une seule classe de même que les classes 4 et 5 pour former trois archétypes d’exploitation agricole à base de culture d’igname soit un total de 38 chefs d’exploitations. Les résultats sont présents dans le tableau 4 ci-dessous.

L’analyse montre que sur l’ensemble des producteurs d’igname des deux villages, les plus pauvres forment le type C « Espoir » avec une représentativité de 31,57%, les moyennement riches (Type B « Assistance Mutuelle ») représentent 50% et les plus riches formant l’archétype C « Effort » représentant seulement que 18,43%.

Chez les types B, les exploitations fonctionnent majoritairement à l’image du système traditionnel où l’unité des forces productives est mise en avant avec une gestion collective de l’exploitation familiale, bien qu’il en existe des exploitations secondaires à gestion individuelle. Ce sont des exploitations où la main d’œuvre familiale est présente et importante. Par contre chez le type C cette main d’œuvre se raréfie.

Conclusion

L’approche participative adoptée auprès des personnes de ressource a permis d’élaborer une représentation typologique des exploitations agricole à base d’igname dans les types A, B et C. existante dans la commune rurale de Léo. Dans cette commune, la prospérité des responsables d’unité de production reste encore fragile et est en lien avec le faible niveau de développement de la culture de l’igname sur laquelle repose leur richesse et réussite. La réussite chez les exploitants agricoles à base de culture d’igname est une question d’effort personnel, d’organisation et de bénédiction des ancêtres. De plus, la représentation de la richesse est à la base de la transformation de la communauté et influence la dynamique du morcellement des ménages. Par conséquent on assiste à une disparition des exploitations qui fonctionnaient sur plusieurs générations.

Reference Bibliographique
GAFSI, M., 2017, « Les stratégies de diversification des exploitations agricoles Enseignements théoriques et empiriques », Économie rurale, 360, p. 46 63. https://doi.org/0.4000/economierurale.5257
KOHIO, E. N., TOURE, A. G., SEDOGO, M. P., et AMBOUTA, K. J., 2017, Contraintes à l’adoption des bonnes pratiques de Gestion Durable des Terres dans les zones soudaniennes et soudano-sahéliennes du Burkina Faso. International Journal of Biological and Chemical Sciences, 11, 6, pp. 2982‑2989.

OUATTARA, Y., F., KOLAWOLÉ, F., ADJIN, LINARD GIAN, N., MONGBO, R., 2022, « Logiques des producteurs d’igname face aux nouvelles techniques de gestion de la fertilité des terres à Léo (Burkina- Faso) », Revue Africaine d’Anthropologie (Nyansa-Pô) et Développement, 34, pp. 192-208.

OUATTARA, Y., F., 2024 « Caractérisation des systèmes de production à base d’igname dans la commune de Léo (Burkina Faso) Revue Africaines des Sciences Sociales, Pensées Genre. Penser Autrement. Volume 4, No 5, ISSN : 2957-3564.

TIDJANI, N., TASSOU ZACHARI, F., OLLABODE, N., YABI, J. A., 2023. « Caractérisation des innovations mises en œuvre dans la production du soja au nord du Benin », Agronomie Africaine 35, 1, pp. 91 - 109

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Les principales causes du travail des enfants à Bobo Dioulasso
Typologie des exploitations agricoles par niveau de prospérité