Les troupes françaises chassées d’Afrique : Et de 4 avec le Tchad
Le Tchad a annoncé le jeudi 28 novembre 2024, la « fin de la coopération en matière de défense, signée avec la République française ». C’est le quatrième pays du Sahel qui boute l’armée française hors de son sol. Il faisait partie de cette alliance défunte pour combattre le terrorisme au Sahel, le G5 à laquelle la France était associée comme partenaire.
À défaut de vaincre le terrorisme, les pays du Sahel "se sont retournés" contre leur partenaire dit stratégique en chassant chacun à son tour les troupes françaises de son sol, sauf la Mauritanie qui n’en avait pas et qui avait réussi à chasser les groupes armés terroristes de chez elle. Les troupes françaises ont quitté le Mali en 2022 et avec cette annonce ce sera le quatrième pays en deux ans qui ne veut pas de l’armée française. Certes la France est en pleine transformation de son dispositif militaire en Afrique, mais le fait est qu’il y a une série de ruptures qui se suivent comparable à la bérézina qu’a été l’opération Barkhane, la plus grosse intervention des troupes françaises en Afrique, coûteuse et sans succès. Comment expliquer cette rupture des accords de défense du Tchad qui était un champion de la lutte contre le terrorisme et le chouchou du président Macron ? Quel est le chemin qui reste à parcourir pour la souveraineté totale de ces pays ?
Cette décision de rupture des accords de défense avec la France n’est qu’un juste retour à l’ordre normal des choses, à ce qui aurait dû se faire depuis les années 60. Mais la détérioration des relations de la France avec son pré-carré est récente et est l’une des conséquences de l’implantation des groupes terroristes au Sahel. Face à l’avancée des groupes terroristes, la France est venue au secours du Mali avec son propre agenda caché qui a, petit à petit, abouti à ce que nous voyons aujourd’hui.
La guerre perdue contre le terrorisme réduit l’influence française en Afrique
En décembre 2019, suite à la mort de 13 soldats français de l’opération Barkhane au Mali, le président français Emmanuel Macron passe ses nerfs sur ses homologues africains qui n’assumeraient pas la présence militaire française face aux manifestants qui réclament leur départ devant l’enlisement de la guerre et le manque de succès. Selon lui, les chefs d’État du G5 « nous doivent la clarté et le fait qu’ils nous demandent d’être là et qu’ils l’assument. Il faut que ce soit très clair et assumé par tout le monde, et pour le moment ce n’est pas suffisamment le cas ». Dans la foulée, il les convoque à Pau, en France, sans ménagement, du haut de son statut de président de l’ancienne puissance coloniale et néocoloniale.
On savait Emmanuel Macron arrogant et se prenant pour le maître des horloges. Ce nouveau mépris pour ses partenaires du G5 Sahel va contribuer à renforcer les critiques des mouvements anti impérialistes et panafricains. Face aux critiques et à la suite d’une attaque au Niger qui fera 70 morts parmi les soldats nigériens, le sommet sera reporté et finalement tenu le 13 janvier 2020. Il va accentuer la perte de confiance entre la France et les chefs d’États africains qui avaient des divergences sur la stratégie de lutte contre les groupes terroristes.
Les Africains avaient le sentiment que les 5 000 super soldats français avec tout leur arsenal sophistiqué de guerre n’avaient pas l’initiative sur le terrain, tout comme les troupes locales. Celles-ci se plaignaient en plus du manque de collaboration et de communication des informations de Barkhane et de Sabre avec elles. Au-delà de l’expression dans la rue d’un sentiment anti-français qui est davantage un désir de paix et une mauvaise lecture de la situation, la fin des accords de défense entre la France et les quatre pays a des explications à rechercher aussi dans le comportement de l’armée française dans ces pays, les rapports entre militaires français d’une part et maliens, burkinabè et nigériens d’autre part. La France a conquis les territoires d’Afrique par des traités et la guerre au 19e siècle, l’échec de la guerre contre le terrorisme au Sahel et d’autres erreurs passées lui font perdre aujourd’hui son influence
Emmanuel Macron est un champion. Il a réussi à détruire ce que la France a voulu préserver même après les indépendances : la présence militaire française en Afrique. Les élites françaises n’ont pas vu l’Afrique changer et récoltent aujourd’hui le poids des fautes de la colonisation, du néocolonialisme et de la françafrique. Cette décision de N’Djamena est vraiment dure pour Macron. Lui qui a adoubé le fils Déby qui a pris la succession de son père mort au combat et a refusé le second coup d’État du colonel, à l’époque, Assimi Goïta, voit le fils du maréchal du Tchad remercier l’armée française par un communiqué. Si Emmanuel Macron est vraiment le maître des horloges, c’est Déby fils qui fait lire l’heure du départ des troupes françaises.
La souveraineté ne s’accommode pas des troupes étrangères
Ce départ des troupes françaises d’Afrique est désormais dans les esprits des nouveaux dirigeants sénégalais souverainistes panafricanistes comme les dirigeants du Sahel, selon ce que Bassirou Diomaye Faye a dit sur une chaîne française, d’après le journal en ligne Senego : « Est-ce qu’en tant que Français, vous accepteriez de voir des chars, des véhicules militaires et des soldats sénégalais, en tenue, déployés sur votre territoire ? Sur le plan historique, la France a réduit des peuples en esclavage, colonisé, et s’est ensuite installée durablement. Si vous inversez les rôles, vous comprendriez très mal qu’une autre armée, qu’elle soit chinoise, russe, sénégalaise ou d’ailleurs, dispose d’une base militaire en France ».
Après N’Djaména et Dakar il ne reste plus qu’Abidjan, Libreville et Djibouti, mais pour combien de temps ? Comme l’a dit Diomaye Faye, la souveraineté ne s’accommode pas avec la présence de bases militaires étrangères.
Sana Guy
Lefaso.net