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Recherches archéologiques dans la zone périurbaine de Ouagadougou : cas du village de Gonsé

Publié le mardi 26 novembre 2024 à 16h00min

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THIOMBIANO-ILBOUDO Foniyama Elise , COULIBALY Pon Jean-Baptiste , OUEDRAOGO Sombéwendin Hubert , TOUBGA Lassané , SAWADOGO Jacqueline , LANKOANDE Hamguiri

Introduction
La présente réflexion est la synthèse de l’article scientifique de THIOMBIANO-ILBOUDO F. Elise et al., « Recherches archéologiques dans la zone périurbaine de Ouagadougou : vestiges archéologiques de Gonse » publié en décembre 2022 dans la Revue Notes Scientifiques homme et société, N°17, ISSN : 2409-9791, pp. 283-306.
Au Burkina Faso, l’urbanisation se caractérise par une extension territoriale dont les répercussions s’observent à plusieurs niveaux. Si l’attention des autorités est tirée vers les problèmes sociaux, environnementaux, économiques et politiques, il en demeure très moins pour l’avenir du patrimoine culturel et archéologique. En effet, dans les grandes villes du pays comme Ouagadougou, de nombreux sites d’occupation ancienne ont été repérés dans le domaine urbain (Tapsoba E. 2004, Zongo B. 2014, Simporé L. 2005). Toutefois, l’aménagement de Ouagadogou et de sa périphérie, caractérisé par les lotissements, la construction des routes, l’implantation de lignes électriques, la construction de maisons d’habitation, etc., impacte négativement les sites et les vestiges archéologiques. Une grande partie de ces témoins physiques de l’histoire de cette partie du Burkina Faso est en passe de destruction et disparition. Dans une perspective préventive, des prospections réalisées, dans la périphérie Est de la capitale, par une équipe du Laboratoire d’Archéologie, d’Histoire des Arts et Techniques de l’Université Joseph Ki-Zerbo, ont permis d’identifier différents sites archéologiques dans le village de Gonsé. Qu’est-ce qui caractérise le potentiel archéologique de Gonsé ? Quel est l’état de conservation des sites et vestiges trouvés ? Quelles mesures préconiser afin de préserver la vie de ces supports physiques de l’histoire de la province du Kadiogo en général et de celle du village de Gonsé en particulier ? Telle est la problématique de la présente étude, dont la satisfaction a nécessité l’exploitation de données écrites et archéologiques.

I. Contexte de l’étude et présentation des sites archéologiques

L’urbanisation rapide de la ville de Ouagadougou et sa périphérie impacte négativement les sites archéologiques présents. Cette situation constitue un obstacle majeur à la reconstitution de l’histoire de cette partie du Burkina Faso.

1. Le contexte de l’étude

La capitale politique du Burkina Faso, Ouagadougou se trouve en plein centre du pays. Elle a été traversée par les grandes routes caravanières précoloniales et a constitué un pôle démographique et économique important pendant les périodes précoloniale et postcoloniale. Du fait de son statut politique et de sa centralité, de grands axes routiers la relient aux plus grandes villes du pays. Par ailleurs, l’explosion démographique de ces vingt dernières années a entrainé un développement incontrôlé de la ville qui exerce une forte pression foncière sur les localités périphériques telles que Saaba, Gampèla, Gonsé. La population actuelle de ce dernier, en majorité moaaga, se concentre surtout aux abords de la route nationale n°4. C’est une zone boisée caractérisée par une forêt arbustive de type forêt galerie très dense par endroit et parsemée de clairières. Après les zones d’habitation aux abords de la route, on trouve des domaines entourés de hautes clôtures de grillage en cours d’aménagement. Dans certaines parties, des dépôts d’ordures se forment dans les clairières et les transforment en de véritables décharges à ciel ouvert. Ces déchets du centre-ville de Ouagadougou génèrent un phénomène de pollution environnementale grave avec des répercussions sur les sites archéologiques. Cette situation a nécessité une étude entreprise par des membres du Laboratoire d’Archéologie, d’Histoire des Arts et Techniques de l’Université Joseph Ki-Zerbo du 11 au 17 février 2021 permettant ainsi d’inventorier des sites archéologiques dans le village de Gonsé. La prospection archéologique a concerné principalement la partie Sud de la RN 4 qui traverse le village. Les fouilles ont porté sur deux restes de structures de réduction du minerai de fer et deux structures quadrangulaires.

Carte : Localisation du village de Gonsé

2. Le potentiel archéologique

La prospection entreprise a permis d’identifier trois types de sites dans le village de Gonsé au Sud de la RN4. Il s’agit des sites d’habitat anciens, des sites de production ancienne du fer et d’une nécropole. A ceux-ci, s’ajoutent des sites constitués de structures dont les caractéristiques techniques et la fonction sont encore en cours d’étude.

Les sites d’habitat anciens, encore appelés buttes anthropiques, sont les plus nombreux parmi les sites archéologiques identifiées à Gonsé. Ils sont une trentaine et pour la plupart implantés aux abords du fleuve Massili et ses artères. Les plus grandes buttes atteignent 2 m de haut, ce qui facilite leur repérage dans le paysage. Il existe aussi de petites buttes qui sont moins étendues car elles ont été arasées par les agents post-dépositionnels (hommes, érosion, animaux, etc.). Les buttes sont de forme ovale ou circulaire. Celles ovalaires peuvent atteindre 100 m de longueur et 60 m de largeur. Quant à celles circulaires, leur diamètre peut varier de 50 m à 10 m. Les espèces végétales caractéristiques des buttes sont le dattier du désert (Balanites aegyptiaca), le pied de chameau (Piliostigma reticulatum), le prunier (Sclerocarya birrea), le kapokier (Bombax costatum), le kinkéliba (Combretum micranthum), et le neem (Azadirachta indica).

Les éléments archéologiques observables à la surface des buttes sont la céramique, des objets lithiques (matériel de broyage), les objets en fer, quelques scories de fer, etc. La céramique reste dominante sur toutes les buttes. Elle comprend surtout des tessons provenant des récipients de tailles et formes variables. Des bords, des panses, des fonds, des couvercles, des tenons et des anses composent ces tessons. Des poteries presque complètes ont été trouvées sur certains sites. Le matériel de broyage découvert à la surface des différentes buttes est composé de meules entières, de fragments de meules, de broyeurs et de fragments de broyeurs, généralement en granite.

Des traces de production ancienne du fer ont également trouvées à Gonsé. Il s’agit surtout des amas de scories de réduction du minerai de fer. Trois ateliers de réduction, isolés les uns des autres, ont été formellement identifiés au cours des prospections. Dans l’ensemble, les ateliers se présentent sous forme de buttes circulaires avec des hauteurs comprises entre 10 et 40 cm. Les déchets en surface concernent des scories de fer, des restes de parois de fourneaux et de tuyères et des tessons de céramique. Un des trois sites a été fortement perturbé par ravinement hydrique et le passage des animaux. Deux ateliers comportent des bases de fourneaux mais leur disposition ne respecte pas un ordre précis. Les diamètres internes des bases sont de 100 à 110 cm tandis que ceux externes valent 120 cm. Les épaisseurs des parois sont comprises entre 5 et 15 cm. Trois bases de fourneaux ont été fouillées et le mobilier archéologique mis au jour a fait l’objet d’analyse approfondie en laboratoire.

Aussi, une nécropole a été localisée au Sud-ouest d’une grande clairière fortement marquée par le ravinement. Le site présente en surface des tessons qui jonchent le sol et des parois de jarres encore enfouies. La forme allongée des récipients, leur disposition et l’épaisseur des parois se rapportent à ce qu’on observe généralement sur les sites d’inhumation à jarre. En effet, les restes de jarre observés sur le site appartiennent à de grands récipients aux parois épaisses avec des décors imprimés. Le diamètre des quelques récipients verticaux observés in situ est compris entre 30 et 50 cm. Pour les jarres identifiées en position latérale ou allongée, le diamètre est difficile à évaluer mais apparait plus important. La plus longue paroi de jarre visible au sol que nous avons mesurée vaut 1,5 m.

En plus des sites ci-dessus décrits, deux autres sites renfermant des structures quadrangulaires ont été identifiés dans le périmètre sud-ouest de Gonsé. Le premier site est une vaste clairière entourée d’arbres et d’arbustes. Les quatre structures observées à cet endroit se trouvent dans un rayon de 15 m. La forme précise d’une seule structure est nettement visible. Les trois autres sont très dégradées et représentent des tas de torchis assez réduits. La fouille d’une de ces structures a permis de mieux la caractériser.

Planche photos : Quelques sites et vestiges du village de Gonsé

Source : Février 2021

II. L’avenir des sites archéologique en question

Les sites archéologiques de Gonsé sont sous le poids de plusieurs facteurs nocifs. Il importe donc de trouver des solutions afin de sauver ce riche patrimoine en péril.

1. Des sites en perpétuelles menaces

Dans la zone de Gonsé particulièrement, les vestiges archéologiques se trouvent confrontés principalement à trois facteurs anthropiques. L’extension de la ville et le développement de l’agriculture d’une part et d’autre part, la non appropriation des vestiges archéologiques par les populations locales. L’extension de la ville se manifeste par la construction des infrastructures publiques et privées (Université Thomas Sankara, Bureau du Centre de Contrôle des Véhicules Automobiles et bien d’autres services publics et privés) qui absorbent des superficies importantes sans évaluation préalable de leur impact sur le potentiel archéologique. Sous un autre angle, l’agrandissement de la ville provoque chez les populations locales le besoin foncier avec pour corollaire la vente et donc le morcellement des terres depuis le pourtour de la forêt classée de Gonsé jusqu’audit village. Ainsi, des vestiges archéologiques ont été identifiés dans des portions de terre appartenant à des particuliers. La mise en valeur desdites portions par le biais de la construction ou de toute autre forme d’exploitation constitue un danger réel pour les vestiges. L’agriculture (y compris le maraichage) qui se pratique toujours à Gonsé se greffe au facteur de l’urbanisme pour resserrer davantage l’étau sur les vestiges archéologiques. En effet, les témoignages recueillis auprès des populations indiquent qu’elles considèrent ces vestiges archéologiques comme appartenant « aux gens d’avant ». Cet état de fait implique la méconnaissance et la non reconnaissance de ces vestiges comme étant des éléments de leur patrimoine. Par leur préservation ne présente aucun enjeu pour les populations locales.

Par ailleurs, la prospection réalisée à l’intérieur de la forêt classée de Gonsé a montré par endroit l’engloutissement de certains sites par des déchets urbains clandestinement déversés dans la forêt. Des mesures idoines méritent d’être prises pour sauver la vie de ce patrimoine culturel méconnu.

2. Quelques solutions pour la préservation du potentiel archéologique de Gonsé

Au plan juridique, l’article 38 de la loi n°24-2007/AN du 13 novembre 2007 sur la protection du patrimoine culturel du Burkina Faso stipule que : « Le volet archéologique doit être inclus dans les frais d’études de grands travaux de construction et d’aménagement dont la nature est définie par décret pris en Conseil des ministres ». L’absence de décret d’application de cette loi ne permet pas sa mise en application. L’élaboration et l’adoption du décret d’application de cette loi est un impératif et une perspective pour que des actions soient entreprises dans le futur en vue de sauver ou ce qui peut encore l’être du patrimoine archéologique de Gonsé et même au-delà sur l’ensemble du territoire national.

Outre ce volet juridique qui constitue une perspective pour la protection du patrimoine archéologique de Gonsé en particulier et pour le Burkina Faso en général, l’orientation des objectifs de recherche du laboratoire d’Archéologie d’Histoire des Arts et Techniques (LAHAT) peut constituer une alternative pour la sauvegarde du patrimoine archéologique des centres urbains. En effet, l’insécurité qui prévaut au Burkina Faso ne permet pas aux équipes de recherches archéologiques de se déployer sur certaines parties du territoire. De ce fait, l’alternative pourrait consister à réorienter ses objectifs de recherche vers l’archéologie urbaine, du fait que les grands centres urbains soient pour l’instant plus ou moins accessibles et épargnés de la crise sécuritaire. Cette réorientation est encore plus pertinente lorsqu’on se rend à l’évidence que peu de recherches archéologiques ont été menées en contexte urbain au Burkina Faso.

Une autre perspective qui s’offre au patrimoine archéologique de Gonsé s’inscrit dans un cadre de plaidoyer auprès des autorités communales concernées et de sensibilisation de l’ensemble des couches de la société. Il s’agira de sensibiliser les municipalités du Grand Ouaga sur l’importance des investigations archéologiques dans leurs zones de tutelles afin que ce volet soit intégré dans leurs plans communaux de développement. La mise en pratique consistera en la signature de conventions avec le laboratoire d’Archéologie pour permettre l’octroi par lesdites municipalités des bourses aux étudiants pour la réalisation de leurs mémoires de Master et ou de thèses de Doctorat.

Dans le deuxième axe de cette perspective, il s’agira de mener des sensibilisations auprès des populations locales/environnantes, des entrepreneurs sur l’importance de la conservation/préservation des vestiges archéologiques notamment leur rôle dans l’écriture de l’histoire, la préservation de la mémoire collective, l’économie de la culture, etc. Cela se manifestera à travers les expositions des vestiges déjà mis au jour, des conférences dans les établissements scolaires et universitaires des villes, etc.

Conclusion

Le projet d’investigation archéologique dans la zone de Gonsé, en périphérie Est de la ville de Ouagadougou a permis d’identifier plusieurs sites archéologiques de nature diverse. Du fait de cette diversité des sites et vestiges, leur investigation approfondie permettrait retracer l’histoire précoloniale de cette partie de la province du Kadiogo. Par ailleurs, Les défis auxquels ils sont confrontés sont tout aussi divers alliant les facteurs naturels et anthropiques. L’orientation des objectifs de recherche du laboratoire d’Archéologie, d’Histoire des Arts et des Techniques vers les villes ainsi que la révision et l’adoption des décrets d’application de certains textes législatifs constituent des actions qui permettraient de sauver ces sites des différentes menaces qui sont en passe d’anticiper leur disparition totale.

Bibliographie

GALIPAUD Jean-Christophe et GUILLAUD Dominique, 2014, Une archéologie pour le développement, Les Éditions la Discussion, 176 p.
OUEDRAOGO Rimpagnidé, 2015, Exploitations minières et management du patrimoine, des paysages culturels et des territoires au Burkina Faso : cas des projets miniers Bomboré, Kalsaka et Karma, Mémoire de Master MACLAND, Université Jean Monnet-Université Federico II-Institut Polytechnique de Tomar, 134 p.
SIMPORE Lassina, 2005, Eléments du patrimoine culturel physique du riungu de Wogdogo (Burkina Faso) : approche archéologique et historique, Thèse de doctorat unique, Histoire et Archéologie, Université de Ouagadougou, 741 p.
TAPSOBA Edmond, 2004, Le patrimoine culturel du quartier Goughin des origines à nos jours, Mémoire de Maîtrise, UFR/SH, Université de Ouagadougou, 129 p.
THIOMBIANO-ILBOUDO Foniyama Elise, COULIBALY Pon Jean-Baptiste, OUEDRAOGO Sombéwendin Hubert, TOUBGA Lassané, SAWADOGO Jacqueline, LANKOANDE Hamguiri, « Recherches archéologiques dans la zone périurbaine de Ouagadougou : vestiges archéologiques de Gonse » in Revue Notes Scientifiques homme et société, N°17, ISSN : 2409-9791, 2022, pp. 283-306.
ZONGO Boureima, 2014, Archéologie et urbanisation à Ouagadougou : cas de Karpala, Mémoire de Maîtrise, UFR/SH, Université de Ouagadougou, 152 p.

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