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Relations internationales : « Tinzawatène et Barsalogho me semblent porter le deuil de la CEDEAO et de l’ONU » (François Oubida)

Publié le lundi 25 novembre 2024 à 21h49min

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Relations internationales : « Tinzawatène et Barsalogho me semblent porter le deuil de la CEDEAO et de l’ONU » (François Oubida)

Pour l’ambassadeur François Oubida, le silence de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité de l’ONU après « l’agression » de Tinzawatène au Mali, suivie de déclarations de l’Ukraine, n’est que la manifestation concrète de l’instrumentalisation dont les Nations Unies sont l’objet. La situation remet à l’ordre du jour la nécessité de réformer d’urgence le Conseil de sécurité et de revitaliser l’Assemblée générale, selon lui. Elle nous montre aussi, dit-il dans cette tribune, la turpitude de la CEDEAO et de l’Union africaine qui se seraient distinguées par une réaction trop tiède à son goût face aux diverses attaques.

Tinzawatène et Barsalogho me semblent porter le deuil de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et celui des Nations Unies (ONU).

Est-il seulement besoin de rappeler que l’attentat contre le Pentagone à Washington et les tours jumelles de New York a été un élément déclencheur d’une radicalisation pleine de promesses, dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle mondiale. Cette radicalisation s’est matérialisée à travers les résolutions 1368 (2001) et surtout celle 1373 (2001) que le Conseil de sécurité a adopté en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Dans ces deux résolutions, le Conseil de sécurité a réaffirmé deux principes clés qui sont :

  le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, que consacre la Charte des Nations Unies et qui est réaffirmé expressément dans la résolution 1368 (2001),

  la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la Charte des Nations Unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme.

Sur cette base, le Conseil a décidé, entre autres, que tous les États doivent : s’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, notamment en réprimant le recrutement de membres de groupes terroristes et en mettant fin à l’approvisionnement en armes des terroristes ;

Pour sa part, dans le Document final du Sommet mondial de 2005, adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 60/1, les chefs d’État et de gouvernement ont invité instamment la communauté internationale à aider les États à se doter, aux niveaux national et régional, des moyens de combattre le terrorisme et à « condamner systématiquement, sans équivoque et vigoureusement le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, quels qu’en soient les auteurs, les lieux et les buts, car il constitue une des menaces les plus graves contre la paix et la sécurité internationales ».

Par ailleurs, en examinant ce qu’elle a considéré comme une agression contre l’Ukraine, l’Assemblée générale réunie en session extraordinaire d’urgence conformément à la résolution 377 A (V) du 03 novembre 1950, « Union pour le maintien de la paix » du 3 novembre 1950 (résolution Acheson), a adopté la résolution A/RES/ES-11/1 dans laquelle elle a rappelé les dispositions pertinentes de la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974. Dans cette résolution, elle a défini l’agression comme l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte.

Outre ce rappel, l’Assemblée générale mentionne ce qui suit dans le préambule de ladite résolution ‘’Condamnant la déclaration du 24 février 2022 dans laquelle la Fédération de Russie a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale » en Ukraine. Dans sa partie opérative, elle exige que la Fédération de Russie cesse immédiatement d’employer la force contre l’Ukraine et s’abstienne de tout nouveau recours illicite à la menace ou à l’emploi de la force contre tout État Membre ;

Du reste, la Charte indique en son article 14 que ‘’Sous réserve des dispositions de l’Article 12, l’Assemblée générale peut recommander les mesures propres à assurer l’ajustement pacifique de toute situation, quelle qu’en soit l’origine, qui lui semble de nature à nuire au bien général ou à compromettre les relations amicales entre nations, y compris les situations résultant d’une infraction aux dispositions de la présente Charte où sont énoncés les buts et les principes des Nations Unies. La seule limite est si le Conseil de sécurité en est saisi.

Au regard de ce qui précède, il convient de se poser la question suivante : Pourquoi le Conseil de sécurité tout comme l’Assemblée générale sont-elles restées silencieuses face à l’attitude de l’Ukraine qui, non content de se ranger du côté des terroristes qui s’attaquent aux paisibles populations de nos Etats, s’en vante ouvertement et promet d’autres ‘’résultats’’ ?

A défaut de s’autosaisir des situations de massacre terroristes comme celui de Barsalogho et d’agression terroriste à Tinzawatène, la lettre conjointe des ministres des affaires étrangères du Burkina Faso, de la République du Mali et de la République du Niger devait constituer une interpellation pour une action vigoureuse et urgente de la part de ces organes. Elle aurait dû se solder par une réunion du Conseil de Sécurité et, dans le cas de la défection de cet organe dont le rôle est le maintien de la paix et la sécurité internationales, par l’utilisation des prérogatives de la Charte et de la résolution 377 A (V) pour la convocation d’une session plénière appropriée comme elle l’a fait concernant la situation entre la Fédération de Russie et l’Ukraine.

De mon point de vue, cette politique de deux poids deux mesures ne sont que la manifestation concrète de l’instrumentalisation dont les Nations Unies sont l’objet. En effet, dans un environnement international marqué depuis plus de deux ans par une guerre qui dépasse les limites de la Fédération de Russie et de l’Ukraine, si ce n’est un retour à la guerre froide, il est évident que bon nombre de membres permanents du Conseil de Sécurité ne prendront aucune mesure de nature à pointer du doigt le caractère terroriste de leur protégé, le Gouvernement ukrainien sous l’impulsion de son président.

La situation est dès lors critique pour nos pays et particulièrement l’ensemble du Sahel. Elle remet à l’ordre du jour la nécessité de réformer d’urgence le conseil de sécurité et de revitaliser l’Assemblée générale. Elle nous montre aussi la turpitude de la CEDEAO et de l’Union Africaine, lesquelles se sont distinguées par leur mutisme sinon les balbutiements protocolaires face aux diverses attaques, leur non-sponsoring de la lettre conjointe et l’absence de toute initiative qui aurait montré aux Etats membres de l’ONU que toute agression contre un Etat africain constitue un affront contre l’ensemble du continent. Ces structures à l’évidence n’ont tiré aucune leçon des épisodes du Conseil de Sécurité et de l’Union Africaine dans l’assassinat du Colonel Mouammar El KHADDAFI.

Concernant la Confédération de l’AES, ses Etats membres, loin de se décourager, devraient explorer d’autres voies pour contourner ce blocage car c’est par sa capacité à mobiliser les pays qui, comme nous, souffrent de ce dysfonctionnement de l’ONU que la machine pourrait être mise en marche. Plusieurs canaux sont opérationnels aux Nations Unies. Notre force réside dans le nombre. A cet effet et compte tenu de la nature de la question, il me semble que le Groupe des Non Alignés est celui par qui il faut mobiliser du soutien pour une action forte de l’Assemblée générale. En appui, un point relatif à l’implication de l’Ukraine dans les actions terroristes au Sahel devrait être inscrit à l’ordre du jour de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment au point intitulé : Contrôle des drogues, prévention du crime et lutte contre le terrorisme international sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations’’ notamment dans son volet ‘’Mesures visant à éliminer le terrorisme international’’. Cette démarche doit être accompagnée d’un projet de résolution pertinent.

Comme leçon, j’ai le sentiment que la CEDEAO aurait pu montrer patte blanche et faciliter la tâche de SEM Bassirou Diomaye FAYE qu’elle a désigné comme médiateur chargé de réconcilier l’organisation et les trois pays de la Confédération de l’AES, en soutenant activement la lettre conjointe et pourquoi pas en prenant l’initiative de dénoncer l’agression ukrainienne contre un pays qu’elle considère du reste toujours appartenir à la CEDEAO en vertu des dispositions de son Traité révisé. Une sagesse populaire bien connue sur notre terroir ne dit-elle pas que ‘’si tu n’as pas de conseiller, conseille-toi soi-même’’. En d’autres termes, nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

Ouagadougou, le 25/11/24

François OUBIDA

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