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Mali : Ras-le-bol du Premier ministre Choguel Maïga, des orages politiques à Bamako

Publié le lundi 18 novembre 2024 à 22h00min

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Mali : Ras-le-bol du Premier ministre Choguel Maïga, des orages politiques à Bamako

La sortie du Premier ministre malien, Dr Choguel Maïga, samedi, 16 novembre 2024 à Bamako, devant ses partisans du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotique (M5-RFP) a répondu à sa promesse de “révélations”, qu’il a annoncée quelques jours plus tôt. Si l’homme n’était pas moins attendu sur sa rhétorique et sa verve, comme il en a l’habitude, le chef du gouvernement n’était certainement pas attendu par nombre de ceux qui suivent l’actualité politique malienne avec un tel discours à la cadence de ‘’rupture’’ d’avec le sommet de la transition. Dénonciation d’une caporalisation au sommet du pouvoir militaire et d’un flou entretenu sur la fin de la transition, Dr Choguel Maïga avertit : « Nous ne pouvons pas accepter, le peuple n’acceptera pas, que cela continue. Le M5 ne l’acceptera pas. Nous pouvons faire preuve de patience, mais, cette patience a des limites ».

C’est désormais une crise ouverte entre le Premier ministre et le pouvoir de transition au sommet de l’Etat, peut-on affirmer, au regard non seulement du contenu de cette sortie, mais aussi des réactions qu’elle suscite. Une situation qui vient donner raison aux confrères maliens qui ont, depuis quelques mois, révélé une confiance entamée entre le Premier ministre Choguel Maïga et son président, Assimi Goïta. Le discours du samedi s’affiche donc comme une sorte de rupture, voire de clarification.

Et il n’a pas fait dans la dentelle, à en croire les confrères maliens qui ont largement relayé l’ambiance et les propos dans cet emblématique Centre international de conférences de Bamako. « Habillé en treillis militaire, signe d’un combattant, le locataire de la primature n’est pas allé par le dos de la cuillère pour décrire l’ampleur de l’isolement de son gouvernement dans la prise de certaines décisions importantes. Véritable meeting de ‘’révélations’’, comme il avait annoncé quelques jours avant, Dr Choguel Maïga affirme que ‘’ la Transition censée prendre fin le 26 mars 2024 a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du Gouvernement’’. Poursuivant, il informe qu’aujourd’hui encore, ‘’il n’existe aucun débat sur la question, le Premier ministre est réduit à se contenter des rumeurs de la presse ou à une interprétation hasardeuse des faits et gestes du Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation’’ », décrit le confrère de maliweb.net.

Comme dans un agacement donc, le Premier ministre « dénonce un spectre de la confusion et de l’amalgame » qui plane sur la transition malienne. « Nous ne pouvons pas accepter, le peuple n’acceptera pas, que cela continue. Le M5 ne l’acceptera pas. Nous pouvons faire preuve de patience, mais, cette patience a des limites » a-t-il averti, invitant ici ses partisans à être « unis comme un bloc de granite », afin de rendre irréversible, le processus de transition.

Il reproche également au haut sommet de ne pas tenir la promesse de réduire le nombre de partis politiques, comme arrêté par les Assises nationales de la refondation. « Entre 1991 et 2021, il y a eu la création de 200 partis politiques ; entre 2021 et 2023, en deux ans, et après les Assises nationales de la refondation, il y a eu la création avec délivrance de récépissés de 100 partis politiques de plus », révèle le Premier ministre, pour qui cette pratique est une volonté délibérée d’en ajouter à la confusion et laisse croire que la transition s’apprête à dérouler son calendrier électoral.

Il qualifie ces pratiques de véritable risque de graves reculs aussi bien politiques que sociaux. « Des pratiques que le peuple malien a ouvertement et publiquement combattues, hier seulement, sous l’ancien régime, refont surface, au galop, quand ils n’ont pas pignon sur rue aujourd’hui », déplore le chef du gouvernement, pour qui « il est temps que le peuple malien sache à quoi s’en tenir ». A l’en croire, tout se passe dans l’exécutif dans l’opacité, à son insu. « J’ai le courage et l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître tout en le déplorant vivement », a-t-il endossé avant de lancer, « ce n’est nullement à ma personne qu’un préjudice se trouve porté. Après tout, je ne suis que l’humble serviteur d’une cause que je considère comme sacrée : la promotion d’un Mali nouveau, du Mali Kura, débarrassé des anciennes pratiques ».

Dans son discours, Choguel Maïga fait également cas de « guéguerres sous fonds de sourde rivalité, alors que l’espoir s’amenuise, avec la recrudescence de l’insécurité et le manque de perspective », tout en faisant l’éloges des combattants au front.

« Nous étions bien partis, forts de l’appui de la Nation toute entière. Nous étions modèles. Aujourd’hui, ne sommes-nous pas en passe d’être dépassés ? », secoue-t-il avant de relever que le M5-RFP, allié des militaires au pouvoir, a fait preuve d’une attitude de patience stratégique et de sens de responsabilité devant l’histoire.
Cette sortie n’a pas tardé à enregistrer des réactions publiques, notamment chez les partisans du pouvoir.

C’est le cas de l’AREMA (Alliance pour la refondation du Mali), parti proche du pouvoir de transition qui, dans un communiqué diffusé quelques heures après, s’est dit « surprise », à la fois par le ton et le contenu du discours. Le parti estime que le discours trahit les « véritables intentions » du Premier ministre et ses actions de déstabilisation de la transition. De ce fait, elle « demande avec insistance au président de la transition, sa révocation pure et simple pour faute grave et atteinte au crédit de l’Etat ». Même réprobation pour le Mouvement de la résistance citoyenne et bien d’autres.

De quoi crisper davantage une situation nationale déjà marquée par des factions, avec des leaders politiques dans des liens de détentions (onze responsables politiques ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt en juin 2024, alors que, dit-on, ils participaient à une réunion à Bamako). Avec ce nouvel épisode qui vient en rajouter, comment parvenir à l’idéal d’unité nationale, considérée comme condition indispensable à une lutte efficace contre le phénomène terroriste qui est la principale préoccupation du moment ?

Mission difficile, tant que ceux qui ont la réalité du pouvoir, à quel que niveau que ce soit, ne dépasseront pas, voire sacrifier, toutes considérations personnelles ou de groupes au profit du pays. Et cette hauteur d’esprit est requise pour tous les pays en transition, conséquence de la situation sécuritaire. Il faut trouver le moyen de rassembler large, éviter au maximum tout ce qui peut éloigner les uns des autres et miser sur ce qui unit le plus.

Bamako saura-t-elle travailler donc à éviter les orages politiques qui se profilent à l’horizon, susceptibles de disperser les forces au moment où elle en a le plus besoin pour relever le principal défi de lutte terroriste ? Il faut vivement le souhaiter, et souhaiter que la dynamique de rassemblement et d’intérêt général soit partagé par les dirigeants de l’espace de la Confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES). Ce d’autant que, si les peuples ont jusque-là souffert de l’insécurité et d’autres misères, il est aussi vrai qu’ils ont longtemps subi des guéguerres personnelles, inavouables et égoïstes de leurs classes dirigeantes.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

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